Que sont-ils devenus ? (1ère partie) : Ibrahima Fofana ‘’ Calva’’ nous propose une immersion dans les péripéties ayant marqué l’évolution glorieuse du football guinéen des années 70.

il y a 11 mois 221
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 ‘’J’ai participé à toutes les campagnes du Hafia. Nous avons été 5 fois finalistes et 3 fois champions. Cela représente pour moi une très grande fierté. Parmi les nombreux jeunes du pays, je suis honoré d’avoir posé ma pierre sur l’édifice du football guinéen. Et là où je suis, quand j’en parle, j’ai la chair de poule.’’ 

Ibrahima Fofana ‘’Calva’’, défenseur central du Hafia football club triple champion d’Afrique et du Syli national de Guinée est l’invité de votre rubrique ‘’ Que sont-ils devenus ?

Fils de feu Lousseny et de feue Mariama Ciré Camara, Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ est né en 1946 à Kindia. Marié à une femme, il est père de 4 enfants vivants dont 2 garçons.

Il a commencé ses études primaires à Tombo, (commune de Kaloum) qu’il a poursuivies au collège court de Kindia, avant de revenir au lycée technique, puis à l’école nationale de commerce. Pour finir, il a ensuite continué vers l’ENAM (école nationale des arts et métiers) où il a obtenu son diplôme, en option électricité.

Au terme de ses études, le voilà fonctionnaire de l’Etat. Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ commence alors sa carrière professionnelle. Il sert, dans un premier temps, au Ministère de l’information, avant d’être orienté vers le département de l’Energie qui a connu plusieurs mutations dans la gestion de l’électricité en Guinée : SNE (société nationale d’électricité, ENELGUI (entreprise nationale d’électricité de Guinée), SOGEL (société guinéenne d’électricité, EDG (électricité de Guinée).

Ibrahima Fofana ‘’ Calva’’ a occupé des fonctions administratives au sein de ces différents services, notamment comme Responsable commercial. C’est en qualité de Responsable chargé de l’Administration à l’EDG, qu’il a pris sa retraite en 2020.

Rencontré à son domicile au quartier Kipé, cet-ex international du football guinéen, s’est prêté aux questions de Guinéenews.

Comment, il est venu au football ? Son recrutement au niveau des équipes : de ‘’L’Université Club’’, de l’Equipe Fédérale de Conakry 2, du Hafia football club et du Syli national par feu Lazlo Budai. Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ nous éclaire la lanterne sur tous ces points.

Rassurez-vous de découvrir un autre pan de l’histoire du football guinéen dans cette première partie de ce long entretien, en compagnie du constant et ferme défenseur central Ibrahima Fofana ‘’Calva’’, acteur de tous les sacres et déboires du Hafia football club et du Syli national de Guinée.

Lisez !

Guinéenews : vous êtes originaire de Kindia, ville des agrumes, reconnue être le grenier, ou le plus grand pourvoyeur de footballeurs de notre pays. Pouvez-vous nous dire comment vous êtes venu au football ?

Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ : tout jeune, je suis venu au football. Par exemple, à l’école de Tombo, c’était dans la cour de récréation.  A la fin des cours, nous organisions des matchs de football pendant une à deux heures, avant de rejoindre la maison. Nous avions débuté cette pratique avec les ballons qu’on appelait à l’époque ‘’Michelin’’ et autres modèles, qu’on fabriquait à l’aide de chaussettes qu’on enfilait de chiffons pour mieux faire rebondir notre ballon de fabrication locale. Admis à l’école nationale du commerce, (1ère promotion), nous avons aussi pratiqué le football au terrain rouge à Donka (actuel 2 aout) tous les après-midi au sortir des classes. À tout moment, nous avions organisé des compétitions inter classes et promotions. Bref, c’est le début d’un parcours qui nous a menés finalement dans les plus grandes équipes du pays.

Guinéenews : on peut dire que vous avez ainsi gravi un à un les échelons, dans le domaine du football, en allant du quartier à la section, puis à la fédération et au-delà ?

Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ : avant de parler de ces équipes à ces différents niveaux, je vous dirais qu’à Kindia déjà, nous avions formé une association avec des jeunes de mon âge. Nous avions constitué une petite équipe de quinze membres, à peu près. Cette équipe était à cheval entre trois quartiers (Sarakoléah, Manquepas, Tafori). Malgré notre âge à l’époque, notre équipe quoique junior, avait représenté Kindia dans les phases éliminatoires de la coupe PDG. Nous avions battu l’équipe sénior de Télimélé. C’est l’équipe sénior de Kindia, qui fut reconduite par la suite et, si je me rappelle bien, elle avait gagné la coupe PDG en 1963.

Pour revenir aux compétitions inter-quartiers, je suis revenu à Conakry et j’habitais avec mes parents, au quartier Touguiwondy,. Notre capitaine à l’époque était Jacky Bangoura, qui m’a intégré dans cette équipe qui regorgeait de très bons joueurs (Séga Cissoko, Aly Pelé, Abdou Sankhon …). Plusieurs sont décédés, le seul que j’ai pu repérer un moment, c’est Aly ‘’Desta’’, qui était notre gardien de but et qui fut professeur à l’école nationale des sports, au stade du 28 septembre. Grâce à Dieu, il vit encore à Touguiwondy.

Après le quartier, je fus sélectionné dans l’équipe du lycée et c’est là, lors des entraînements au terrain rouge de Donka, que l’entraineur feu Laszlo Boudai m’a repéré. Et son choix m’a conduit dans l’équipe ‘’Université club’’ dont il fut le fondateur. Dans cette équipe, j’ai retrouvé Bah Abdourahmane ‘’Ujlaqui’’, Papa Diop, feu Kabinet Kouyaté ‘’Pégry’’, feu Mamadouba Camara ‘’Maxime’’, Thiam Ousmane ‘’Tolo’’, feu Alya Camara ‘’Matrai’’ (capitaine), monseigneur Albert Gomez (gardien de but), Kanfory Bangoura, Souplesse Barry et plusieurs autres.

Après l’université club, j’ai appartenu à l’équipe fédérale de Conakry 2. Dans cette équipe, j’ai retrouvé mon capitaine feu Soumah Soriba Edenté, feu Smith Samuel, feu Aly Babara, feu Ousmane Bangoura ‘’Pelé’’ et tant d’autres.

Cette équipe fédérale de Conakry 2 avait rayonné, tant en championnat qu’en coupe PDG. L’ascension de ce club fut remarquable, jusqu’au niveau même de la sous-région, et toutes ces équipes voulaient atteindre notre rang. C’est ainsi, que des tournois dénommés ‘’ Foyer de France-Sénégal’’ furent organisés, tournois dont nous avions toujours remporté les trophées.

Je vous signale aussi que, parmi tous mes coéquipiers, je garde encore en mémoire feu Smith Samuel, avec qui je partageais la chambre, pendant nos internats ou voyages. C’était si beau, son engagement sur le terrain, ses démarquages sur le flanc droit et ses centres-retraits. Notre entraineur feu Lazlo Boudai disait ceci de lui : « Smith Samuel bien que calme sur le terrain, se réveille toujours lorsque tout le monde est fatigué ». C’est effectivement, au moment où le rythme a nettement baissé que Smith Samuel avait de la force. Il distribuait alors, du côté droit, des retraits à l’endroit qu’il fallait. C’était un bon ailier droit, un technicien hors pair.

Guinéenews : de l’équipe fédérale de Conakry 2 au Hafia football club, racontez-nous un peu cette conversion ou, pour mieux dire, cette progression ?

Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ : si j’ai encore bonne mémoire, cette mutation s’est passée après 2 ou 5 titres de champions de Guinée, tous titres confondus à l’époque. C’est la CAF, qui comprenait que Conakry 2 était une entité politique, qui avait demandé à ce que ce club soit renommé, puisque c’est Conakry 2, qui représentait la Guinée, dans toutes les compétitions.

C’est ainsi, que les autorités de la fédération d’alors s’étaient retrouvées pour trouver un nom. A l’occasion, il y a eu plusieurs propositions : Hirondelle de Conakry, Hirondelle de Guinée, Caïman blanc et beaucoup d’autres dénominations. Entre temps, il y a un  responsable du staff technique dirigé par feu El hadj Kabinet Kourouma, qui avait tranché. Ils étaient trois préparateurs ou disons managers qui organisaient nos séjours à l’intérieur du pays. Je me rappelle que c’est bien après toutes ces propositions de nom, que le nommé Camara, policier de son état, avait dit ceci : « au courant de cette année, Conakry 2 a remporté tous les trophées, à tous les niveaux. C’est une année de chance pour nous. C’est avec la santé de nos différents athlètes, que nous avons eu tout ce bonheur et pourquoi ne pas donner le nom ‘’Hafia’’ (littéralement traduit en français santé, prospérité…). Tout est parti de là. Et on connaît la suite ! A mon humble avis, jusqu’à maintenant, notre pays n’a pas connu de plus grand, de plus célèbre dans le domaine du foot ball. Le nom Hafia est éternel pour avoir bien vendu l’image de notre pays à travers le monde. A preuve, on en parle encore et toujours. Et il en sera toujours ainsi, je vous l’assure.

Guinéenews : Ibrahima Fofana ‘’ Calva’’, dans quelle circonstance ce pseudonyme ‘’Calva’’ vous a été collé ainsi que sur plusieurs autres footballeurs qui ont suivi ?  

Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ : Cela remonte à bien longtemps, à l’époque où j’étais au collège à Kindia. Ce pseudonyme m’a été attribué par une camarade de classe dont je vais taire le nom. Elle vit et réside au quartier Abattoir de Kindia. Elle est aujourd’hui, grand-mère. D’après ses recherches, je ne sais venant d’où, elle avait trouvé ce nom d’un grand footballeur brésilien des années 1920. Celui-ci s’appelait ‘’Calvais’’. J’ai tout de suite riposté, en disant qu’il ne fallait pas m’octroyer le surnom de ‘’Calvados’’. Finalement, par des arguments, des flatteries, vu les différentes sollicitations à mon endroit, pour venir jouer au football à tous les niveaux, elle a réussi à me coller le pseudonyme ‘’ Calva’’. Et cette camarade de promotion s’est mise à l’œuvre pour écrire sur tous mes cahiers ‘’Calva’’ et depuis, de Kindia à Conakry et sur le plan international, ce pseudonyme me suit.

C’est vrai que beaucoup d’autres ont pris ce pseudonyme ‘’Calva’’. Il y a 2 parmi eux qui s’appellent Ibrahima Fofana, et qui ont été aussi footballeurs. Je me suis retrouvé en sélection avec Calva 2 et c’est  lors d’un déjeuner offert par feu Président Ahmed Sékou Touré, à l’équipe nationale, que le Président en personne, a sollicité à ce qu’on nous codifie selon l’ancienneté. J’ai pris le pseudonyme ‘’Calva 1’’ et le second ‘’Calva 2’’. Il y a eu aussi ‘’Calva 3’’, qui était aussi footballeur. Comme je l’ai dit plus haut, lui son nom est Ibrahima Soumah et c’était un défenseur et paix à son âme. Je connais donc plusieurs qui ont pris le surnom ‘’ Calva’’ bien que n’étant pas footballeurs et qui m’appellent ‘’n’toma’’ (littéralement traduit en français ‘’mon homonyme’’).

Guinéenews : vous avez été acteur des trois (3) sacres du Hafia FC en tant que champion d’Afrique des  clubs. Dites-nous ce que tout cela représente pour vous ?    

Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ : j’ai participé à toutes les campagnes du Hafia. Nous avions été 5 fois finalistes et 3 fois champion. Cela représente pour moi une très grande fierté. Parmi nombreux jeunes du pays, je suis honoré d’avoir posé ma pierre sur l’édifice du football guinéen. Et là où je suis, quand j’en parle, j’ai la chair de poule. 

Guinéenews : en 1976, le Syli national de Guinée est malheureux finaliste en coupe d’Afrique des nations. Qu’aviez-vous ressenti alors, en perdant ce plus prestigieux  trophée continental ?

Ibrahima Fofana ‘’Calva’’ : je n’ai peut-être pas versé des larmes, à proprement parler, mais je vous dirai quand même que j’ai été très frustré en 1976, du fait de perdre ce trophée. J’ai été olympien en 1968. J’ai eu la chance de faire partie des 19 éléments, qui ont représenté la Guinée à ces jeux Olympiques de Mexico. C’est un acquis. Ensuite, je commençais à avoir le plaisir de gagner, d’avoir des trophées et de représenter la Guinée à travers des couronnements. J’avais réellement pris gout aux victoires.

En 1970, nous étions à Khartoum où  l’on a essuyé beaucoup de déboires. En 1972 lors des 2èmes  jeux africains au Nigéria, nous sommes finalistes et grâce à la complicité d’un arbitre, nous avions perdu cette finale.

Avant de vous répondre, permettez moi, sans dévier votre question, de vous raconter une petite histoire, qui s’est passée au Nigéria, entre moi et mon capitaine chanceux, feu Soumah Soriba Edenté. A Khartoum, c’est l’équipe égyptienne qui nous avait éliminés par un score lourd de 4-1. Pendant ces jeux africains de Lagos, nous avions dominé cette même équipe égyptienne par le même score de 4-1. Qu’est ce qui s’était passé entre moi et feu Edenté ? Je vous fais la confidence. Elle est absolument inattendue, comme vous allez vous en rendre compte. Ainsi donc à 4-0, feu Edenté me dit de laisser les Égyptiens marquer au moins un but. Je lui ai répondu que ce n’est pas possible, et qu’il faut que l’on prouve notre supériorité en augmentant d’ailleurs le score. Il était plus expérimenté que moi, et c’est lui qui m’avait appris beaucoup de techniques en défense. Pendant ce match, suite à un retrait de l’allier gauche Egyptien, Farouk Gafar, qui avait dominé Sékou Condé, Edenté m’a dit de m’occuper de Taha Basri, et que lui, il va se charger de l’avant-centre Abougresha. J’ai compris par la suite que c’était une façon  d’accomplir son vœu. Il feint de l’empêcher, et saute moins haut qu’Abugresha, qui inscrivit le but. Et feu Edenté me dit « Calva, je suis content maintenant, retiens qu’il faut toujours rester modeste, en battant une équipe… ». Je n’en croyais pas mes oreilles et cette histoire est restée entre nous. Vous allez découvrir plusieurs autres histoires dans le genre, car je prépare quelque chose…

Pour revenir à votre question, en 1976, nous avions pu battre de très grandes équipes dont l’Egypte, l’Ethiopie, le Nigéria, l’Ouganda et être en finale contre le Maroc. Cette fameuse finale du 13 mars 1976 nous redonne, à nous acteurs vivants encore, un goût très amer, ainsi qu’au peuple de Guinée. Si cette victoire avait été acquise, cela nous aurait permis d’augmenter le nombre de trophées et de médailles. Nous avions eu des médailles d’argent et d’or. Celle d’Addis-Abeba était primordiale pour nous, mais hélas le destin en avait voulu ainsi. Il faut souligner que c’est le système mis en place à l’époque, qui a fait perdre le Syli national. Il fallait gagner sur l’ensemble de la rencontre, et c’est le nombre de buts marqués lors de la compétition, qui avait favorisé le Maroc et nous a fait perdre cette prestigieuse coupe d’Afrique des nations d’Addis-Abeba en 1976. Cela reste encore une des douloureuses pages de l’histoire du football de notre pays.  

Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guinéenews

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