Pluies diluviennes à Conakry : le calvaire silencieux des fumeuses de poisson à Nongo

il y a 10 heures 20
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À l’image de nombreuses zones vulnérables de la capitale guinéenne, le quartier Nongo, dans la commune de Lambanyi, vit au rythme des fortes pluies qui s’abattent sur Conakry depuis quelques jours. Ici, ce sont surtout les fumeuses de poisson qui paient le prix fort de cette capricieuse saison pluvieuse. Elles se battent chaque jour pour sauver leur activité, malgré la fraîcheur, l’absence de soleil, l’humidité, et surtout le manque d’infrastructures adaptées à leur métier. Guineematin.com s’est rendu sur place pour s’immerger dans la réalité quotidienne de ces braves femmes qui pratiquent une activité paralysée par la météo.

Sous un ciel gris et un sol boueux, les femmes sont là, silencieuses, les bras croisés, assises sous des abris de fortune faits de bâches trouées. Les marmites sont froides, les fourneaux éteints, les poissons congelés entassés dans des bassines. Le décor illustre parfaitement leur impuissance face aux intempéries. Mariame Fofana, l’une des doyennes du groupe, ne mâche pas ses mots.

Mariame Fofana, fumeuse de poisson

« Nous avons beaucoup de souffrances ici. C’est un travail très difficile, mais on ne peut pas abandonner, puisque c’est dans ça qu’on nourrit nos enfants. D’ailleurs, nous avons trouvé nos parents dans ça. Chaque jour, c’est à 4h du matin qu’on se réveille pour aller chercher du poisson, surtout en cette période de saison pluvieuse. Si tu ne te lèves pas tôt, tu rentres bredouille », déplore-t-elle.

Son récit est poignant. Elle décrit un quotidien rythmé par la fatigue, les blessures et les pertes.

« Une fois qu’on revient avec le poisson, on commence à le décongeler, puis on fend chaque poisson un à un. Dans ça, on peut se blesser avec les arêtes ou les couteaux. Et tout cela se fait sous la pluie. Ensuite, on essaie de vendre, mais souvent, on revient bredouille, parce que les clients ne sortent pas quand il pleut », a-t-elle souligné.

Ce travail, bien que pénible, est leur seule source de revenu. Mais la saison pluvieuse transforme ce moyen de survie en cauchemar économique. Le poisson, acheté à prix fort, se gâte rapidement faute de soleil ou de feu pour le fumer. Pauline Sylla, 32 ans, travaille dans le fumage de poisson depuis son adolescence.

Pauline Sylla, fumeuse de poisson

« Quand il pleut, on ne peut pas sortir. On n’arrive pas à écouler nos marchandises, pourtant le poisson coûte très cher. Un carton coûte actuellement entre 600.000 et 650.000 francs guinéens. Et avec ces pluies, on n’a même pas un endroit couvert pour fumer les poissons. On perd beaucoup. Chaque jour, on nous chasse d’ici, parce que ce lieu ne nous appartient même pas », se plaint-elle.

Cette précarité foncière aggrave leur situation. Elles n’ont ni abris fixes, ni équipements de protection. Tout repose sur des installations artisanales et temporaires. Mabinty Camara, mère de famille et fumeuse de poisson depuis plus de vingt ans, interpelle directement les autorités locales.

Mabinty Camara, fumeuse de poisson

« Là où nous travaillons, ce n’est pas chez nous. Nous sommes là juste pour un temps. Nous demandons aux autorités de nous aider à trouver un endroit stable, bien aménagé, avec des fours modernes, pour que nous puissions exercer dans de bonnes conditions. Sinon, dans peu de temps, on ne pourra plus faire ce travail », dit-elle.

Pour ces femmes, le fumage de poisson est plus qu’un simple métier. C’est une tradition, un héritage, une identité, mais surtout un moyen de subsistance. Et pourtant, ce savoir-faire artisanal est en péril, faute de conditions favorables et d’accompagnement institutionnel.

Au-delà des pertes financières, ces femmes subissent aussi un impact physique important. Travailler sous la pluie, dans le froid et l’humidité, les expose à des maladies respiratoires, des douleurs articulaires, et des infections diverses.

« Le fait de travailler sous la pluie là nous rend malades. Quand on va à l’hôpital, on dépense beaucoup d’argent. Et pendant ce temps, les enfants ont besoin de manger, de se soigner, d’aller à l’école », déplore Mariame Fofana, la voix chargée d’émotion.

Face aux réalités des femmes de Nongo, la question se pose : jusqu’à quand devront-elles continuer à exercer dans de telles conditions, sans reconnaissance, ni protection ? À l’heure où les autorités parlent de promotion de l’entrepreneuriat féminin et de résilience communautaire, un soutien urgent est attendu pour ces femmes invisibles de l’économie locale. Fournir un espace couvert, sécurisé, équipé de fours modernes, serait un premier pas vers la dignité et la préservation de leur activité.

Abdoulaye N’koya SYLLA pour Guineematin.com

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