Nuisances sonores : un véritable calvaire pour les habitants de Conakry

il y a 2 heures 13
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Les populations de la capitale guinéenne vivent-elles dans un cadre de vie sain, où règnent calme et sécurité ? Pas si sûr. Dans plusieurs quartiers des treize communes de Conakry, ce minimum devient un luxe. Chaudronnerie, garages automobiles, débits de boisson, tapages nocturnes, nuisances sonores issues des shows de rue ou encore des cérémonies de mariage et de baptême en plein air : le quotidien des riverains est un véritable calvaire. Même les établissements scolaires n’y échappent pas.

Comme le souligne un médecin du CHU Ignace-Deen, « les nuisances sonores sont une atteinte à la santé des êtres vivants, de leur fait ou non, par l’émission de bruits », avant de préciser que « le bruit est un phénomène acoustique produisant une sensation auditive considérée comme désagréable ou gênante. Son excès a des effets sur les organes de l’audition, mais peut aussi perturber l’organisme en général, notamment le sommeil ».

Il faut le dire sans détour : à Conakry, le vacarme est devenu une norme. Les bruits des mécaniciens et tôliers, les klaxons incessants, les appels des vendeurs ambulants le jour, les sonos assourdissantes des bars la nuit, sans oublier les cérémonies festives, rythment la vie urbaine. « J’habite le quartier Hafia, au bord de la route, dans la commune de Dixinn. Sur le tronçon qui mène à Hamdallaye, les taxis-motos règnent comme sur un territoire conquis. Certains ont des pots d’échappement trafiqués qui produisent des bruits insupportables. Et personne ne les inquiète. D’autres véhicules circulent la nuit comme de véritables discothèques ambulantes », témoigne un habitant, visiblement résigné.

Cap ensuite sur SIG-Madina, où garages et habitations se côtoient. Malgré les multiples plaintes adressées à la commune, les riverains se sentent abandonnés. « Ici, on ne dort pas. On subit les bruits des tôliers, des vulgarisateurs, des peintres auto. Même l’huile de vidange coule jusque dans nos chambres pendant l’hivernage. Les apprentis dorment dans les voitures et écoutent de la musique jusqu’au matin. On a écrit à la commune de Matam, mais nos courriers sont restés sans suite. On essaie de s’accommoder, mais c’est difficile de supporter », se lamente Idrissa Diané, habitant du quartier.

Certains garagistes, de leur côté, justifient leur présence. « Ce n’est pas de gaieté de cœur que nous restons ici. C’est par manque d’espace. D’ailleurs, les jeunes qui se plaignent, ce sont souvent leurs parents qui nous ont installés ici. Nous leur reversons quelque chose à la fin du mois. Si la commune pouvait nous aider à trouver un autre site, ce serait une bonne chose », plaide Lasso D., chef garagiste.

De Kaloum à Kipé, les mêmes tapages nocturnes persistent : cérémonies, shows de rue, bars, motos… Conakry est devenue une ville bruyante, au détriment de la quiétude de ses habitants. Et pourtant, les textes de loi existent.

Selon le juriste Kalil Camara, « les bruits sont dangereux pour la santé. L’Organisation mondiale de la santé les classe parmi les nuisances les plus préjudiciables. Conscient de cette dangerosité, le législateur guinéen a pénalisé l’émission de bruits et autres troubles du voisinage ». Il rappelle que le Code de la santé publique, en son article 107, précise que « les nuisances résultant du bruit sont préjudiciables à la santé publique. Les normes techniques appropriées doivent être appliquées pour leur élimination, tant dans les locaux d’habitation que sur les lieux de travail ou dans les artères publiques. »

Le Code de l’environnement, pour sa part, interdit dans ses articles 134 et 137 « l’émission de bruits susceptibles de nuire à la santé de l’homme, de constituer une gêne excessive pour le voisinage ou de porter atteinte à l’environnement », ainsi que « l’émission d’odeurs incommodantes ou nauséabondes ».

Des sanctions sont également prévues. L’article 948 du Code pénal guinéen stipule que « les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes troublant la tranquillité d’autrui sont punis de l’amende prévue pour les contraventions de la 3e classe », assortie d’une possible confiscation du matériel utilisé pour commettre l’infraction.

« Ces textes confirment la gravité des faits. Tout citoyen victime de nuisances sonores ou olfactives peut saisir la justice pour les faire cesser et obtenir réparation », conclut Me Camara.

Au niveau des communes, certains responsables assurent qu’il existe bien des seuils de tolérance au-delà desquels toute manifestation bruyante doit être soumise à autorisation. « Toute activité susceptible de produire des émissions sonores supérieures aux normes fixées par la loi doit être préalablement autorisée par l’autorité administrative compétente », confie un président de Délégation spéciale.

Mais sur le terrain, la réalité reste tout autre : entre indifférence, impunité et absence de contrôle, les habitants de Conakry continuent de vivre au rythme d’un vacarme permanent.

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