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Depuis plusieurs années, la Guinée s’est engagée dans une dynamique d’industrialisation accélérée, portée par l’essor du secteur minier, la croissance urbaine et l’augmentation de la demande intérieure. De Conakry à Boké, de Kankan à Labé, on voit fleurir des unités de production, cimenteries, briqueteries, usines de transformation, ateliers métallurgiques, raffineries en projet. Pourtant, cette expansion industrielle, si elle reste mal encadrée, peut générer plus de risques que d’opportunités. C’est pourquoi la mise en conformité réglementaire des unités industrielles, longtemps négligée, devient aujourd’hui un impératif économique, social et environnemental.
D’un point de vue juridique, la Guinée dispose d’un corpus de textes relativement fourni pour encadrer les activités industrielles. La Loi L/2019/0038/AN portant Code de l’Environnement, le Code Minier de 2011 révisé en 2013 et 2019, la Loi sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), ainsi que diverses normes techniques (santé, sécurité, pollution, énergie, fiscalité industrielle) forment un socle réglementaire cohérent. En théorie, toute unité industrielle doit obtenir un Certificat de Conformité Environnementale, produire une Étude d’Impact Environnemental et Social (EIES), se soumettre aux inspections de l’Office National de Contrôle de Qualité (ONCQ), et respecter les règles fiscales et douanières prévues par l’État. Mais en pratique, un grand nombre d’unités industrielles opèrent en dehors de ce cadre.
Pourquoi ce décalage entre la norme et la réalité ? Plusieurs facteurs l’expliquent. D’abord, le coût élevé des démarches de mise en conformité, études, équipements, certifications, pousse de nombreux promoteurs à opérer dans une forme d’économie parallèle, informelle ou partiellement déclarée. Ensuite, le manque de moyens de contrôle des services techniques de l’État limite leur capacité d’intervention, surtout en région. De plus, la faible culture réglementaire de certains opérateurs, conjuguée à des zones grises dans l’interprétation des textes, crée un environnement propice à la tolérance administrative ou à la complaisance. Enfin, les arbitrages politiques en faveur de l’emploi ou de la croissance rapide freinent parfois l’application stricte des normes.
Or, cette situation n’est pas soutenable à long terme. Une unité industrielle non conforme peut polluer les nappes phréatiques, provoquer des accidents du travail, produire des biens non compétitifs, ou encore nuire à la santé publique. Elle prive également l’État de recettes fiscales, nuit à l’image du pays auprès des partenaires, et alimente la méfiance des populations vis-à-vis des projets industriels. En un mot, elle compromet l’ambition d’une industrialisation souveraine, durable et inclusive.
Face à cela, plusieurs pistes doivent être envisagées. Il est essentiel de renforcer les capacités des institutions en charge du contrôle et de la régulation industrielle dont le ministère de l’Industrie, le ministère de l’Environnement, l’Agence nationale d’évaluation environnementale (BNEE), l’Office National de Contrôle de Qualité ONCQ, les services douaniers, les autorités locales. Mais au-delà du contrôle, il faut aussi accompagner la mise en conformité, en créant un cadre incitatif. Par exemple, un fonds national pour la modernisation industrielle pourrait cofinancer les audits de conformité, les équipements de dépollution ou les systèmes de sécurité. Des avantages fiscaux temporaires pourraient être accordés aux unités qui s’engagent volontairement dans une démarche de certification environnementale ou ISO. Enfin, une base de données nationale publique pourrait recenser les unités industrielles conformes, créant ainsi un effet d’émulation positive.
La mise en conformité doit aussi être pensée dans une logique de territorialisation. Il ne s’agit pas d’imposer les mêmes normes à une petite briqueterie artisanale à Dubréka qu’à une cimenterie multinationale à Souguéta. Il convient donc de hiérarchiser les exigences, selon la taille, le risque et l’impact de chaque type d’activité. Cette approche différenciée permettrait de construire une transition industrielle réaliste, équitable et maîtrisée.
Enfin, il faut inscrire cette question dans une vision stratégique nationale. Une Guinée industrielle forte ne peut pas reposer sur un tissu productif informel, opaque ou non sécurisé. La mise en conformité est le socle de la compétitivité internationale, de la transparence économique, et de la création d’emplois durables. Elle est également la condition d’une acceptation sociale plus large des projets industriels, dans un pays où les tensions entre populations et entreprises restent fréquentes.
En somme, la mise en conformité des unités industrielles guinéennes n’est pas un luxe technique réservé aux grandes entreprises, elle est la pierre angulaire d’une économie guinéenne plus responsable, plus solide et plus respectée. Pour cela, il faut sortir d’une logique purement répressive ou bureaucratique, et construire un écosystème de conformité active, où l’État oriente, les opérateurs s’engagent, et les citoyens bénéficient.
Yakouba Mariame KONATE
Doctorant en Administration des Affaires d’ESC–Clermont School of Business
Spécialiste en Partenariats Public-Privé, politique industrielle & Développement minier