Lettre ouverte à Emmanuel Macron, ainsi dire qu’on finira par normaliser vos philippiques en calembredaines (Par Aboubakr Guilavogui)

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Monsieur le Président de la République,

Il est des silences qui, sous couvert de diplomatie, en disent long sur l’ambivalence d’une posture, et il est des discours qui, sous couvert de modernité, dissimulent mal les relents d’un passé impérial. La France, patrie des droits de l’homme, n’a eu de cesse, sous votre égide, de véhiculer un discours empreint de bonnes intentions, promettant une nouvelle ère dans ses relations avec l’Afrique. Pourtant, derrière cette rhétorique apparemment bienveillante se cache une réalité plus sombre, celle d’une continuité de domination, d’exploitation, et de mépris.

Sous le couvert de la coopération et au nom de celle-ci, votre politique à l’égard des nations africaines s’apparente à une mise en scène soigneusement orchestrée. Vous parlez d’autonomie et de souveraineté, mais vos actions trahissent une volonté de maintenir le continent dans une sujétion perpétuelle. Les bases militaires françaises, disséminées sur tout le continent, témoignent de la persistance d’une présence qui se veut indispensable, tout en violant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Comment pouvez-vous proclamer la fin de la Françafrique alors que vos troupes continuent de quadriller ces terres, sans véritable mandat légitime des populations concernées ?

Cette hypocrisie s’étend à l’économie. Sous prétexte de partenariats mutuellement bénéfiques, vous perpétuez un système de prédation économique, où les multinationales françaises, telles des rapaces, s’approprient les richesses naturelles africaines, laissant derrière elles des peuples appauvris, des écosystèmes dévastés et des gouvernements corrompus. La France, à travers ses entreprises, bénéficie de l’or, du pétrole, de l’uranium africain, tandis que l’Afrique ne récolte que la misère et l’instabilité. Il est impératif de souligner que la survie économique de votre pays est intimement liée à l’exploitation de ces ressources ; ce fait ne saurait être occulté derrière le voile de l’altruisme économique.

Monsieur le Président, il serait hypocrite de ne pas mentionner le rôle de la France dans la perpétuation de régimes autoritaires sur le continent. À travers un soutien politique, militaire et financier, la France soutient des dictateurs qui, tout en réprimant leur peuple, assurent la préservation des intérêts français. Ce soutien tacite, déguisé sous les termes fallacieux de « stabilité », est une trahison des valeurs démocratiques que vous prétendez incarner. Les discours enflammés sur la promotion de la démocratie en Afrique ne peuvent pas cacher la réalité d’une France complice de ces oppressions.

À cela s’ajoute le poids du passé colonial, une ombre dont la France ne parvient pas à se délester. Vous évoquez la repentance, mais chaque mot semble calculé, chaque geste symbolique. Rien n’est fait pour réellement panser les plaies ouvertes par des siècles de colonisation. Le maintien du franc CFA, reliquat de cet ordre colonial, est une insulte à la souveraineté des États africains. Il asservit leurs économies, garantissant ainsi la dépendance à l’égard de la France. L’abolition de cette monnaie, loin d’être une question technique, est un impératif moral.

Enfin, il convient de rappeler que la jeunesse africaine, loin d’être dupe de cette mascarade, aspire à une véritable rupture. Elle ne se satisfait plus de demi-mesures ou de promesses vaines. Elle exige une relation fondée sur le respect mutuel et l’égalité, non plus sur une condescendance néocoloniale.

Monsieur Macron, il est temps pour la France d’abandonner ses postures d’antan et de regarder l’Afrique comme une partenaire à part entière. C’est là la seule voie vers un avenir commun empreint de justice et de dignité.

Monsieur le Président Macron, Bon-soir à Paris.
À très bientôt, surtout.

Aboubakr Guilavogui

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