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L’analyse des textes constitutionnels et des lois linguistiques de la Guinée révèle une distinction fondamentale et volontaire entre les langues qui sont nationales (appartenant à la nation guinéenne) et le français, qui, bien qu’officiel, est juridiquement exclu de cette catégorie. Cette séparation légale est l’héritage direct de la colonisation et confirme le statut de langue étrangère du français.
Premièrement, il y a la distinction constitutionnelle fondamentale entre « Les Langues nationales » et « Le Français ».
Le cœur de l’argument réside dans la lettre même des constitutions guinéennes.
·-La Constitution de 2010 stipulait à l’article 1er : « La langue officielle est le français. L’Etat assure la promotion des cultures et des langues du peuple de Guinée. »
·-Ici, la dissociation est évidente. D’un côté, le français, unique langue officielle. De l’autre, les « langues du peuple de Guinée », que l’État doit « promouvoir ». Le législateur n’a pas dit « les autres langues officielles » ou « les langues nationales sont promues », mais il a pris soin d’établir une catégorie distincte pour les langues du terroir, les définissant comme celles du peuple. Le français, lui, est présenté comme un outil administratif, sans ancrage populaire.
-La Nouvelle Constitution (2025 ) est encore plus explicite. L’article 5 dispose : « Les langues nationales et le français sont les langues officielles de la République de Guinée ».
– Cette formulation est cruciale. En énonçant « les langues nationales et le français », le texte crée une énumération distincte. Le français n’est pas inclus dans le groupe des « langues nationales » ; il lui est juxtaposé. La conjonction de coordination » et » en fait foi. Cette rédaction exclut juridiquement et sans ambiguïté le français du champ des langues nationales. Si le français était considéré comme une langue guinéenne, la rédaction aurait été : « Les langues officielles sont le français et les langues nationales suivantes… » ou simplement « les langues de la République sont… ». Ce n’est pas le cas.
Deuxièmement, il y a la reconnaissance juridique des langues du terroir comme seules « langues nationales »
Le second argument est décisif. L’État guinéen a officiellement identifié et élevé au rang de « langues nationales codifiées » huit langues autochtones dès la première décennie de son indépendance : le Kpelle, le Loma, le Kissi, le Wamey, l’Oneyan, le Maninka, le Pular et le Soso.
Dans le même ordre d’idées, il y a l’ordonnance Nº19 /PRG /SGG du 10 mars 1989 specifie l’orthographe des huit langues nationales codifiées ainsi que la loi L/97/022/AN portant loi d’orientation de l’éducation nationale en 1997 qui attribue aux langues nationales le statut de “véhicule de transmission des savoirs” au même titre que le français.
-Ce statut de « langue nationale codifiée » est un acte de souveraineté culturelle. Il signifie que l’État reconnaît ces langues comme des patrimoines nationaux à part entière, méritant d’être préservées, standardisées et enseignées.
-L’octroi de ce statut à des langues spécifiquement du terroir et en l’absence totale du français dans cette liste démontre que la « nationalité » linguistique est réservée aux langues endogènes. Le français, en étant privé de ce titre, est par définition une langue non nationale, c’est-à-dire une langue étrangère à laquelle on a conféré un rôle administratif.
Troisièmement il y’a la persistance d’un ordre linguistique colonial
En croisant ces arguments, une synthèse s’impose :
D’abord, il y a une Séparation Juridique Claire : Le droit guinéen établit une frontière nette entre deux catégories :
– Les langues nationales : appartenant au peuple et à l’histoire de la Guinée, reconnues comme patrimoine national et faisant l’objet d’une promotion active.
– Le français : Une langue à statut officiel, utile pour la communication administrative et internationale, mais juridiquement étrangère à la catégorie des langues nationales.
Ensuite, l’héritage Colonial : Cette dualité est l’héritage direct de la colonisation française, qui a imposé sa langue comme unique medium du pouvoir, de l’administration et de l’éducation supérieure, tout en réprimant ou en marginalisant les langues du terroir. La Guinée, indépendante, a conservé l’outil linguistique du colonisateur par praticité (administration, relations internationales) mais a refusé de le naturaliser en le reconnaissant comme une langue guinéenne. Le maintien de cette distinction dans les constitutions successives est un acte politique de résistance culturelle.
Par ailleurs, une prépondérance n’égale pas l’appartenance : Le fait que le français domine la vie administrative, politique et médiatique est un indicateur de son pouvoir structurel, mais pas de son intégrité nationale. C’est précisément la prépondérance de cette langue étrangère dans les sphères du pouvoir qui rend nécessaire l’affirmation constitutionnelle de la valeur et de la légitimité des langues nationales.
En conclusion, sur la base du droit positif guinéen, le français est incontestablement une langue étrangère. Son statut officiel ne lui confère pas une identité guinéenne, mais témoigne plutôt de la persistance d’un modèle où la langue de l’ancien colonisateur reste l’outil principal de l’État, tandis que les langues du peuple sont reléguées à un statut symbolique de “ patrimoine à promouvoir”, bien que constitutionnellement officielles en 2025. La langue française en Guinée est donc un outil de pouvoir et de communication, mais elle n’est pas, juridiquement et culturellement, une langue de la nation.
IBRAHIMA SORY 2 CONDÉ alias Nafadji Sory, Directeur National Adjoint de l’Alphabétisation, de l’Education Non Formelle et de la Promotion des Langues Nationales (MEPU-A )
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