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Sous d’autres cieux, on en aurait fait un lieu exclusif d’empathie, mais Internet en Guinée s’est mué en espace d’humiliation, de célébration des malheurs et échecs des autres. Tous coupables, tous concernés, tous responsables, activement ou par omission.
Constat
Que de concerts ratés moqués, de boycotts pour faire échouer les investissements des autres, de contenus malveillants partagés, de photos et vidéos partagées dans le but de nuire et d’humilier. Et le pire, ce sont les auteurs et promoteurs de ces actes qui montent en influence, en nombre de visiteurs, en abonnés et en nombre d’interactions sur Facebook et cie. Encore pire, on s’étonne tous du résultat. Hypocrisie ou manque de lucidité ? Va savoir.
Que voulez-vous que devienne notre société si les mauvaises nouvelles sur les autres sont plus enclines à être virales que les bonnes ? Que voulez-vous que soit notre Guinée si un vulgaire inconnu peut mettre en doute la moralité, la respectabilité et l’honorabilité d’une personne connue qui a un parcours, sans aucune preuve, et qu’il y ait des centaines de relais de ces informations souvent nauséeuses, parfois par des personnes dont vous croyiez être proche. Que faites-vous de la fameuse expression « de quoi je me mêle ? »
Expérimentez ! Faites un tour sur plusieurs plateformes et faites-vous votre propre opinion. Allez-y !
En ce qui me concerne, l’expérience m’a fait constater que lorsque j’accomplis de grandes choses, il y a très peu de réactions et les publications sur mes exploits suscitent très peu d’intérêt. Je ne suis pas en train de m’en plaindre, excusez-moi.
Mais s’il vous plaît, lancez une ou deux phrases « bêtes », qui ont trait à la distraction, à la moquerie, aux attaques ou à l’humiliation d’un autre d’entre nous, elle se répandra comme une traînée de poudre.
Ce qui attire sur internet, ce sont : les mois de grossesse de Gnamet ; l’identité de celui qui a offert la range rover à Mimi? Comment Daraba gère sa petite entreprise et paie ses employés ? Des débats sur les invités d’une soirée privée ; la médisance ; les injures grossières ; les mauvaises nouvelles au sujet de l’autre; les vœux de chute de l’autre.
Voir une personne qui brille être élevée sur nos réseaux n’est qu’un simple coup du sort. Cela n’arrive pas chaque mois.
Les plus suivis d’une société aussi en retard et en quête de lumière comme la nôtre devraient être quelques noms de respectables personnalités comme Kemoko Touré, Me Mohamed Traoré, le Pr Bano Barry, Me Pepe Antoine Lamah, Dramane Diawara etc. Allez vérifier, un seul d’entre eux en a au-delà de 10.000 abonnés.
Le plus respectables et sacrées personnalités d’un pays normal sont les religieux, imams et archevêques.
Le Facebook guinéen a permis que ceux-là soient insultés, lynchés et rabaissés en ayant été accusés des péchés capitaux d’Israël. Aucune récrimination collective ! Des divorces (événement malheureux censés susciter de la compassion) ont été célébrés ici telle une victoire de finale de la CAN. Des accouchements où le bébé n’a pas survécu ont fait l’objet de joie publique ici, Djelikaba Bintou m’est témoin. Des concerts ratés ont suscité de la jouissance et des rires fous.
Notre société s’est muée en monstre contre elle-même. Nous donnons l’impression d’être surpris finalement, de voir, des images obscènes, réelles ou montées, de nos chefs, ceux que je considère comme l’incarnation de notre vivre ensemble et de notre Nation, circuler dans les téléphones et devenir la risée des réseaux. Les plus grands et « respectables » d’entre nous sont mis à terre, au vu et au su de leurs proches, des gens qui ont fondé tout leur espoir sur eux.
Mon humble avis est que, le mal n’a jamais été tué à la source. Le Guinéen ne s’émeut qu’en fonction de sa proximité ou non de la victime, de son intérêt ou pas dans une situation. Il est impératif de faire recours à la force de la loi et son caractère répressif.
J’ai voulu m’inscrire dans cette dynamique de dissuasion et de lutte pour mon honneur et ceux d’autrui dans la même situation. Après que ma réputation ait été longtemps souillée sur Twitter et Facebook et que la médisance ait contribué à anéantir plusieurs de mes projets pendant plusieurs années. On me traita de tous les noms d’oiseaux et on me dicta que je devais tout accepter et assumer mon statut de personnalité publique. Si j’avais été aidé dans ce combat, peut-être que cette nouvelle vague de haine et d’humiliation n’aurait jamais prospéré.
Un grand chanteur français a dit que « quand ça n’arrive qu’aux autres, on ne réalise pas tant que ça ne nous touche pas », et aujourd’hui, c’est le sommet qui est secoué par cette déferlante. À travers la solidarité on aurait pu ne pas en arriver là. Diantre ! La balle est partie, rattrapons-la !
Propositions
La chose la plus importante et urgente à mon sens est la coercition. Elle reste la meilleure forme de sensibilisation dans ce type de cas. Des lois existent. Celle sur la cybercriminalité protège éloquemment les droits des citoyens à la protection de leurs données et de leur dignité. Chaque citoyen devrait s’en prémunir pour en faire usage lorsqu’il se sentirait brimé. Une campagne de sensibilisation pourrait être mise en œuvre à cet effet.
Une instance judiciaire de répression des cyber crimes doit être érigée avec un parquet équipé de moyens de traçage des comptes qui alimentent la haine même s’ils sont anonymes.
À savoir que ceux qui font du mal le font à dessein et sont conscients de ce qu’ils font. Ce n’est que par la punition sans état d’âme, qu’ils peuvent peut-être ne pas changer, mais contenir leur haine. Se ressaisir !
Il faut également un travail important sur le savoir vivre et le civisme. L’arme la plus redoutable à cet effet, reste l’éducation. Intégrer dans nos programmes d’enseignement, l’utilisation responsable de l’outil numérique dont on ne saurait désormais se passer avec le téléphone qui est devenu un de nos organes de sens.
Que chacun y mette du sien. La plus grande et honorable bataille que l’on puisse livrer au quotidien est celle menée contre soi-même, pour se parfaire au quotidien. Que chacun se remette en question devant son âme et sa conscience. Que nous cessions d’être sélectifs dans l’empathie et la solidarité. Que nous soyons sincères envers nous-mêmes et vis à vis de notre patrie.
Nous faisons semblant d’aimer la Guinée et croyons qu’elle se livrera à nous ainsi que les secrets de son développement. C’est un rêve vain.
La Guinée sait tout. Elle sait que notre amour n’est pas sincère et qu’il change au gré de nos intérêts égoïstes, de nos humeurs et de nos egos. Des choses dénuées d’objectivité et de sincérité.
Elle attend de nous donc, de l’honnêteté, de la sincérité, de l’amour vrai et désintéressé envers elle. À défaut elle continuera de perpétuer nos échecs, nos souffrances et la déchéance collective de notre société. Elle embrouillera tous nos chefs, même ceux qui ont eu les intentions les plus nobles vis à vis de nous.
Changeons ! Et pour de vrai.
Moussa Daraba