PLACEZ VOS PRODUITS ICI
CONTACTEZ [email protected]

Dans cet entretien accordé à Guinée360, Ibrahima Aminata Diallo, président de la Coalition nationale des acteurs pour la paix et le développement (CONAPAID), revient sur la conduite de la transition guinéenne. Il critique notamment l’immersion gouvernementale, qu’il considère comme une manière de justifier les dépenses publiques et exprime également son ambition de renforcer l’unité et la cohésion au sein de la société civile guinéenne, dans le but d’avoir des acteurs efficaces dans la lutte pour la démocratie.
Entretien !
Guinée360 : Vous avez reçu plusieurs plateformes de la société civile à votre siège. Quel était l’objectif de cette rencontre ?
Ibrahima Aminata Diallo : L’objectif de cette rencontre était de rapprocher les organisations de la société civile qui partagent des visions et objectifs communs. Quand je parle de mêmes objectifs, je fais référence aux activités que nous menons sur le terrain. En rapprochant ces différentes organisations, nous souhaitons nous repositionner dans la société civile afin de porter des revendications allant dans le sens d’un meilleur accompagnement administratif des organisations de la société civile et revendiquer que les subventions destinées à d’autres secteurs soient attribuées aux organisations de la société civile pour la mise en œuvre de leurs projets. Nous pensons qu’il est difficile d’y parvenir de manière isolée. C’est pourquoi la mise en réseau de ces organisations pourrait permettre de mener des projets à dimension nationale, étant donné que ces organisations sont présentes sur tout le territoire.
Pourquoi avez-vous choisi cette période de transition pour lancer cette initiative ?
Cette période est opportune dans la mesure où nous sommes en pleine transition. Nous estimons qu’une telle période pourrait permettre de porter ce projet en vue d’acquérir des droits pour instaurer une nouvelle constitution. Nous espérons que la société civile sera mieux prise en compte dans ce processus, afin qu’on ne la perçoive pas comme un simple support d’un camp politique. Nous pensons que, même si les résultats ne sont pas immédiats, cette démarche est importante. C’est un projet, une lutte pour l’émancipation de notre pays. Nous souhaitons que toutes les organisations de la société civile bénéficient d’un soutien, y compris dans des domaines comme l’implantation de sièges ou d’autres besoins logistiques, pour que chacune puisse pleinement participer à l’effort collectif pour l’avancement du pays.
Ne pensez-vous pas que votre démarche risque d’être mal perçue, surtout dans un contexte où des mouvements de soutien apparaissent partout ?
Je pense que cette perception est erronée. Nous n’avons aucune intention de soutenir tel ou tel camp. Je l’ai clairement dit lors de la rencontre. Si quelqu’un choisit de s’aligner derrière un camp politique, qu’il soit de l’opposition ou du CNRD, nous ne travaillerons pas avec lui. Il ne faut pas interpréter nos actions comme étant de quelconques alliances politiques. Nous voulons que nos actions soient jugées sur la base de leur contenu et de leur impact. Nous travaillerons sur des initiatives de développement local et de promotion de la cohésion sociale, ce qui est, selon nous, le véritable rôle de la société civile. La création de ce mouvement doit être vue comme un projet d’intérêt général et non comme un soutien à un camp particulier. Je le répète encore une fois, nous n’avons aucune intention de soutenir un camp politique.
Que pensez-vous de l’immersion gouvernementale ?
Nous avons déjà entendu le discours du général Amara Camara. À mon avis, tout ce qu’il fait actuellement s’inscrit dans une campagne pour la candidature du général Mamadi Doumbouya, une annonce qu’ils ont déjà faite. Ils sont en train de chercher à convaincre les communautés à la base. Après trois ans, si le pays n’a pas réussi à sortir de la pauvreté, il est compréhensible que l’on tente de se rapprocher des communautés. Cependant, on ne doit pas oublier que le général, tout comme d’autres personnalités, connaît bien la Guinée. Pas besoin de partir à la rencontre de communautés pour savoir ce qu’elles veulent ; ils savent déjà quels sont les vrais problèmes du pays. Je considère cette immersion comme une justification des dépenses publiques : carburant, hébergement, frais de mission, etc. C’est une manière de dépenser l’argent des contribuables sans réelle spécialisation. Je qualifie cela de gaspillage.
Pour vous, quel est le besoin réel de la transition ?
Le véritable besoin de la transition est de s’organiser pour un retour à l’ordre constitutionnel, avec un civil à la tête du pays. Peu importe les discours ou les événements folkloriques, si nous n’aboutissons pas à ce retour à un gouvernement civil, la Guinée continuera de se retrouver sur une mauvaise trajectoire. Cela pourrait nous amener à répéter les erreurs du passé. Nous voulons apprendre des erreurs passées et bâtir un avenir meilleur, mais nous pensons qu’à ce rythme, nous risquons de retomber dans les mêmes travers. Pour nous, le véritable succès de la transition serait l’organisation d’élections et le retour d’un gouvernement civil, mettant ainsi fin à la période de transition.
Les autorités disent que la transition a pris fin depuis le 31 décembre 2024, et que le pays est désormais en phase de refondation. Comment interprétez-vous cela ?
Ces appellations sont, à mon sens, une manière de tromper le peuple. La Guinée est un pays souverain depuis plus de 60 ans, et nous avons largement eu le temps de la refonder. La laïcité, la république indivisible, ces principes sont inscrits dans le préambule de notre constitution, et nous ne devrions pas les changer. Nous pensons qu’il est crucial que l’entourage du général cesse de le prendre en otage, car il semble aujourd’hui être influencé par l’idée qu’il est l’homme providentiel. C’est une vision qui me paraît dangereuse. Nous devons tirer des leçons de l’histoire : le cas du 28 septembre, le troisième mandat d’Alpha Condé, ont montré les dérives possibles. Le général avait promis qu’aucun membre du CNRD ou des organes de la transition ne se porterait candidat. C’est une parole qu’il doit respecter. Nous lui laissons un bénéfice de doute, mais jusqu’à preuve du contraire, nous pensons qu’il doit éviter de se lancer dans cette dynamique.
L’article Ibrahima Aminata Diallo : “Il est crucial que l’entourage de Doumbouya cesse de le prendre en otage…” est apparu en premier sur Guinee360 - Actualité en Guinée, Politique, Économie, Sport.