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La République de Guinée, bien qu’elle ne soit pas membre de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), partage avec cet espace géographique et institutionnel des défis similaires en matière de gestion des finances publiques. Cette analyse approfondie examine les règles et pratiques guinéennes à l’aune des standards UEMOA, offrant une perspective comparative enrichissante pour identifier les bonnes pratiques et les domaines d’amélioration. L’objectif est de proposer des recommandations stratégiques pour renforcer la parcimonie et la transparence dans la gestion des finances publiques guinéennes, en s’inspirant des acquis et des leçons apprises dans l’espace UEMOA.
I. CADRE NORMATIF ET INSTITUTIONNEL : Guinée versus UEMOA
1.1. Architecture Juridique Comparative
La Guinée s’est dotée d’un arsenal juridique moderne avec la Loi Organique Relative aux Lois de Finances (LORF) de 2012, qui s’inspire largement des directives UEMOA adoptées en 2009. Cette convergence n’est pas fortuite : elle témoigne d’une volonté commune aux pays de la sous-région de moderniser leurs systèmes de gestion des finances publiques selon les meilleures pratiques internationales.
L’espace UEMOA dispose d’un cadre harmonisé structuré autour de six directives principales adoptées en 2009, notamment la Directive n°01/2009/CM/UEMOA portant code de transparence dans la gestion des finances publiques et la Directive n°06/2009/CM/UEMOA portant lois de finances. Ces textes établissent des standards communs pour la préparation, l’adoption et l’exécution des budgets, facilitant ainsi la surveillance multilatérale des politiques budgétaires.
La Guinée présente des similitudes structurelles avec ce cadre, particulièrement dans l’adoption des principes budgétaires fondamentaux (unité, universalité, annualité, spécialité) et dans l’orientation vers une gestion axée sur les résultats. Cependant, des divergences subsistent dans l’application pratique de ces principes.
1.2. Gouvernance et Transparence : Écarts et Convergences
Les directives UEMOA imposent des exigences strictes en matière de transparence, notamment l’établissement et la publication d’un calendrier budgétaire annuel, la diffusion en temps opportun des documents budgétaires, et la mise en place de mécanismes de contrôle parlementaire renforcés. La Guinée, malgré des avancées notables avec son Code des marchés publics de 2021 et son décret-cadre de gouvernance des finances publiques, peine encore à respecter systématiquement ces standards.
L’analyse comparative révèle que la Guinée partage avec plusieurs pays UEMOA des défis similaires : retards dans la publication des documents budgétaires, capacités limitées des institutions supérieures de contrôle, et faible participation citoyenne au processus budgétaire. Ces similitudes suggèrent que les solutions développées dans l’espace UEMOA pourraient être adaptées au contexte guinéen.
II. PERFORMANCE BUDGETAIRE ET MOBILISATION DES RESSOURCES
2.1. Mobilisation des Recettes : Défis Partagés
La faible mobilisation des recettes intérieures constitue un défi majeur tant pour la Guinée que pour les pays UEMOA. Avec un taux de pression fiscale de 12,8% du PIB, la Guinée se situe dans la moyenne basse des pays de la sous-région, bien en deçà du seuil de 15% recommandé par les institutions internationales.
Cette situation reflète des problématiques structurelles communes : prédominance du secteur informel (57,8% du PIB en Guinée), capacités administratives limitées, et défis liés à la gouvernance des industries extractives. Les pays UEMOA ont développé des stratégies d’harmonisation fiscale, notamment en matière de TVA et de droits d’accises, qui pourraient inspirer la Guinée dans ses efforts d’élargissement de l’assiette fiscale.
2.2. Gestion de la Dépense Publique : Leçons de l’Expérience UEMOA
L’espace UEMOA a progressivement adopté une approche de gestion budgétaire axée sur la performance, avec l’introduction de budgets-programmes dans plusieurs pays membres. Cette transition, bien qu’encore en cours, offre des enseignements précieux pour la Guinée qui cherche à améliorer l’efficience de sa dépense publique.
Les évaluations PEFA conduites dans les pays UEMOA révèlent des défis récurrents : faiblesse des systèmes de contrôle interne, retards dans l’exécution budgétaire, et insuffisances dans le suivi de la performance. Ces constats résonnent avec la situation guinéenne et soulignent l’importance d’une approche systémique pour améliorer la qualité de la dépense publique.
III. Systèmes de Contrôle et d’Audit : Analyse Comparative
3.1. Institutions Supérieures de Contrôle
La Cour des comptes guinéenne, instituée par la loi organique de 2013, présente des caractéristiques similaires à ses homologues de l’espace UEMOA : indépendance statutaire garantie mais moyens opérationnels limités. Cette situation est commune à la plupart des pays de la sous-région, où les institutions supérieures de contrôle peinent à exercer pleinement leurs missions faute de ressources humaines et financières suffisantes.
L’expérience UEMOA montre l’importance du renforcement des capacités de ces institutions et de la mise en place de mécanismes de suivi des recommandations d’audit. Plusieurs pays membres ont développé des systèmes de reporting sur la mise en œuvre des recommandations, pratique qui pourrait être adaptée en Guinée.
3.2. Contrôle Parlementaire et Participation Citoyenne
Les directives UEMOA accordent une place importante au renforcement du contrôle parlementaire et à la participation citoyenne au processus budgétaire. Cependant, les évaluations PEFA révèlent que ces aspects restent les plus faibles dans la plupart des pays membres, situation que partage la Guinée.
L’institutionnalisation de mécanismes de consultation publique et le renforcement des capacités techniques des parlements constituent des priorités communes. L’expérience de certains pays UEMOA, comme le Sénégal avec ses forums budgétaires citoyens, offre des modèles inspirants pour la Guinée.
IV. Défis Technologiques et Systèmes d’Information
4.1. Modernisation des Systèmes de Gestion
L’espace UEMOA a engagé des efforts significatifs pour moderniser les systèmes d’information de gestion des finances publiques, avec des résultats mitigés selon les pays. La Guinée fait face aux mêmes défis : systèmes informatiques fragmentés, qualité des données insuffisante, et retards dans la production des rapports financiers.
L’harmonisation des nomenclatures budgétaires et comptables dans l’espace UEMOA facilite les comparaisons et le partage d’expériences. La Guinée pourrait bénéficier de cette standardisation en adoptant des formats compatibles, même sans être membre de l’Union.
4.2. Intégration et Interopérabilité
Les pays UEMOA développent progressivement des systèmes intégrés de gestion des finances publiques (SIGFP) qui permettent une meilleure traçabilité des opérations et un contrôle renforcé. Ces expériences, avec leurs succès et leurs échecs, constituent une source d’apprentissage précieuse pour la Guinée qui modernise ses propres systèmes.
V. Recommandations Stratégiques pour la Guinée
5.1. Alignement sur les Standards UEMOA
Adoption volontaire des directives UEMOA : Bien que n’étant pas membre de l’UEMOA, la Guinée pourrait adopter volontairement les principales dispositions des directives, particulièrement en matière de transparence et de calendrier budgétaire. Cette convergence faciliterait les échanges avec les pays voisins et renforcerait la crédibilité du système guinéen.
Harmonisation des nomenclatures : L’adoption de nomenclatures budgétaires et comptables compatibles avec les standards UEMOA améliorerait la comparabilité des données et faciliterait l’assistance technique régionale.
5.2. Renforcement Institutionnel
Capacités des institutions de contrôle : S’inspirer des meilleures pratiques UEMOA pour renforcer les moyens de la Cour des comptes et du Parlement, notamment par la formation du personnel et l’amélioration des outils de travail.
Mécanismes de suivi : Mettre en place des systèmes de suivi des recommandations d’audit similaires à ceux développés dans certains pays UEMOA, avec des rapports périodiques sur l’état de mise en œuvre.
5.3. Modernisation Technologique
Systèmes intégrés : Développer un système intégré de gestion des finances publiques en s’inspirant des expériences UEMOA, en évitant les écueils identifiés et en capitalisant sur les bonnes pratiques.
Interopérabilité régionale: Concevoir les systèmes guinéens de manière à faciliter les échanges d’informations avec les pays UEMOA, préparant ainsi une éventuelle intégration future.
L’analyse comparative entre la Guinée et l’espace UEMOA révèle des défis largement partagés et des opportunités d’apprentissage mutuel. Malgré les différences institutionnelles, les similitudes dans les problématiques de gestion des finances publiques suggèrent que les solutions développées dans l’espace UEMOA peuvent inspirer les réformes guinéennes.
La convergence progressive vers les standards UEMOA, même sans adhésion formelle, présenterait des avantages significatifs pour la Guinée : amélioration de la gouvernance financière, facilitation des échanges régionaux, et renforcement de la crédibilité auprès des partenaires internationaux. Cette approche s’inscrirait dans une logique d’intégration régionale progressive et de partage des meilleures pratiques.
L’enjeu pour la Guinée est de capitaliser sur cette analyse comparative pour accélérer ses réformes, en évitant les écueils identifiés dans l’expérience UEMOA et en adaptant les bonnes pratiques à son contexte spécifique. Cette démarche contribuerait significativement à l’objectif de renforcement de la parcimonie et de la transparence dans la gestion des finances publiques guinéennes.
Mohamed CAMARA
Associé chez MOCAM
Références
[1] UEMOA. (2009). Directive n°01/2009/CM/UEMOA portant code de transparence dans la gestion des finances publiques. https://www.droit-afrique.com/upload/doc/uemoa/UEMOA-Directive-2009-01-code-transparence-gestion-finances-publiques.pdf
[2] UEMOA. (2009). Directive n°06/2009/CM/UEMOA portant lois de finances au sein de l’UEMOA. https://www.dgcmef.gov.bf/sites/default/files/2022-04/directive_06_2009_CM_UEMOA.pdf
[3] ASSEMIEN, K. Noel Alain. (2008). La Performance du Cadre de Gestion des Finances Publiques des Pays de l’UEMOA à la Lumière des Évaluations du PEFA. https://www.pefa.org/sites/pefa/files/resources/downloads/Fr-NoelAssemienUEMOAreport-Aug0809-FinaDraft_0.pdf
[4] République de Guinée. (2012). Loi organique relative aux lois de finances (LORF)
[5] République de Guinée. (2021). Décret portant code des marchés publics
[6] Banque Mondiale. (2025). Rapport de suivi de la situation économique en Guinée 2025
[7] Direction générale du Trésor, France. (2025). Situation économique et financière – GUINÉE