Dr Édouard Zoutomou : “Nous ne pouvons pas laisser ce pays à des gens qui veulent imposer une dictature”

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 “Nous ne pouvons pas laisser ce pays à des gens qui veulent imposer une dictature”

Dans une interview accordée à Guinee360.com, Dr Édouard Zoutomou Kpogomou, président de l’Union Démocratique pour le Renouveau et le Progrès (UDRP) et vice-président de l’Alliance Nationale pour l’Alternance Démocratique (ANAD), a critiqué la déclaration de politique générale du gouvernement, mettant en doute la pertinence des nouveaux projets annoncés en cette transition qui tire à sa fin. Il a également réaffirmé l’engagement de son parti et de la classe politique guinéenne à s’opposer fermement à toute prorogation de la durée de la transition dirigée par le Comité National de Rassemblement pour le Développement (CNRD) au-delà du 31 décembre 2024. Dr Kpogomou a souligné l’importance de la plateforme Union sacrée pour forcer la main du CNRD à aller vers le retour à l’ordre constitutionnel.

Quelle analyse faites-vous de la déclaration de politique générale du gouvernement par le Premier ministre Amadou Oury Bah ?

La politique générale telle que présentée par Monsieur Bah Oury, répond peut-être à ce qu’il a pensé faire. Mais dans le contexte actuel, nous pensons que ce n’était pas nécessaire parce qu’elle ne prend pas en compte l’actualité. Pour nous, c’est un non-évènement.

Il a annoncé la création de 20 mille nouveaux emplois pour le secteur éducatif, la création d’une centrale d’énergie solaire de 50 mégawatts pour pallier le déficit énergétique enregistré cette année et une banque d’investissement pour l’entrepreneuriat. Ceci n’était-il pas nécessaire ?

C’est une fuite en avant. Ce n’est pas pendant une transition qu’il faut parler de ces gigantesques projets de longue portée. Il faut faire face aux nécessités de l’heure. Actuellement, il est question de conduire une transition. Tout ce dont il parle, on n’en a pas besoin pour conduire une transition qui tire vers sa fin. Nous sommes à 7 mois de la transition. Pourquoi un gouvernement élu ne pourrait pas faire ce genre de travaux? Ce n’est pas un gouvernement de transition qui va faire face aux défis de développement de ce pays. Depuis près de 3 ans de transition, pourquoi c’est maintenant qu’on parle de poser des bases ? Ce ne sont que des promesses simplement pour donner l’impression qu’on est en train de faire quelque chose. Tous les projets en exécution ici et là, ce sont des projets qui étaient dans le pipeline comme le disent les Anglais. Rien ne vient d’eux. Ce sont des anciens projets qu’ils sont en train de pousser. Il n’appartient pas à des gens qui sont venus au pouvoir sans légitimité de faire des projets de développement à long terme. Ce n’est pas leur mission. La leur, c’est de corriger toutes les imperfections qu’il y avait dans l’ancien système, d’organiser les élections et donner la possibilité à un gouvernement civil de faire face aux défis de développement.

Le Premier ministre a annoncé le glissement du chronogramme de 24 mois de transition au Conseil national de la transition convenu entre Comité National de Rassemblement Pour le Développement (CNRD) et la CEDEAO. Est-ce que, au sein de l’UDRP, de l’ANAD, vous êtes disposés à négocier un autre chronogramme ?

Non! Nous n’allons pas négocier avec Bah Oury. Quand il y a eu ce chronogramme, aucun parti politique n’a été invité. Il n’y a que la CEDEAO et le CNRD qui se sont entendus. C’est pour cela que nous avons dit : il y a eu un marché de dupe. La CEDEAO était intéressée à faire passer le délai de 24 mois de transition et le CNRD voulait faire passer les 10 points du chronogramme, surtout le RAVEC et le RGPH-4. Ils se sont entendus et nous n’avons pas voulu être catalogués comme étant contre l’atteinte des objectifs de la transition. Nous avons accepté.

Nous, à l’UDRP et à l’ANAD, la transition finit le 31 décembre 2024. Passé cette date, nous ne reconnaîtrons plus le CNRD. En ce moment, nous allons appeler à la mise en place d’un gouvernement civil de mission qui va conduire le pays aux élections. Une autre transition avec une mission cette fois-ci.

Le Premier ministre Bah Oury a estimé également que certains acteurs socio-politiques “veulent que tout tourne autour d’eux” et que cela expliquerait le fait que le dialogue est au point mort. Qu’en pensez-vous ?

Compte tenu de la métamorphose de Bah Oury en changeant de position de façon radicale, je dis que c’est une mue en réalité. Il ne peut pas nous donner des leçons. Ce ne sont pas les leaders politiques qui ont fait quoi que ce soit. Il y a eu un manque de volonté politique dès le départ parce que si on avait accepté qu’une transition est politique, on aurait associé tous les partis politiques. Ils ont trié ceux avec qui ils allaient s’entendre pour faire chemin. Maintenant, nous nous retrouvons dans une situation où eux-mêmes sont coincés parce que ceux-là qu’ils ont exclus représentent près de 95 % de la population. Comment aller à un processus en excluant près de 95 % de la population? C’est du non-sens. La Guinée appartient à tous les Guinéens et nous avons notre mot à dire. Donc la junte ne peut rien imposer parce qu’on peut gagner le pouvoir par les armes mais on ne peut pas le gérer par les armes. C’est ça la réalité.
Mardi dernier 28 mai 2024, une rencontre s’est tenue au siège de la CORED dirigée par Mamadou Sylla.

Qui étaient présents et qu’est-ce qui s’est passé là ?

Cette coalition s’appelle l’Union sacrée. Elle a commencé avec une concertation au niveau du leadership senior. C’est-à-dire au niveau des têtes des différentes coalitions par une concertation parce que nous avons trouvé la nécessité absolue de présenter un front commun au CNRD. La nécessité de l’heure, c’est de faire un front contre un glissement du calendrier de la transition tel qu’annoncé par Bah Oury. Il y a eu une première déclaration signée au siège de l’UFDG dont le contenu a fait l’unanimité de toutes les formations et coalitions politiques, même ceux qui n’y étaient pas. Toutes étaient supposées être là mais certaines ont choisi de ne pas y aller parce que c’était au siège de l’UFDG. Nous nous sommes dit que même si c’est à Jakarta tant que l’objectif reste le même nous serons prêts à y aller. Alors pour la seconde rencontre, Elhadj Mamadou Sylla a accepté de nous recevoir. Toutes les coalitions absentes à la première rencontre se sont trouvées là.

Cette déclaration nous unit parce que nous ne sommes pas en train de former une alliance électorale pour désigner un candidat. L’objectif est de faire en sorte que le CNRD puisse partir le 31 décembre 2024. Et c’est notre dénominateur commun.

Est-ce que le RPG arc-en-ciel et le FNDC politique étaient à cette seconde rencontre de l’Union sacrée ?

Le modèle de Aliou Bah, je crois que non. Mais l’UFR a exprimé son adhésion par rapport à l’esprit du document. Pour nous il n’y a pas de débat. L’UFR est avec nous. Quant au RPG arc-en-ciel, il était présent cette fois-ci chez Mamadou Sylla. Ceux qui ne sont pas venus, il n’y a pas de coercition. Tous ceux qui se reconnaissent dans cet objectif peuvent rejoindre le groupe.

À quoi peut-on s’attendre dans les prochains jours ?

L’Union sacrée est maintenant élargie et nous comptons mettre en place les commissions de travail. C’est maintenant qu’il faut se préparer car le CNRD n’est pas en train de dormir. Ils sont en train de prendre toutes les dispositions peut-être pour mater même les gens parce qu’au besoin nous allons faire recours à toutes les voies légales y compris les manifestations sur les places publiques. Nous sommes prêts pourvu que le CNRD comprenne que nous sommes à un tournant décisif de l’histoire de ce pays. Nous ne pouvons pas laisser la destinée de ce pays à des gens qui sont venus au pouvoir par la force des armes et qui veulent imposer une dictature parce que c’est ce qui est en train de se préparer. Nous ne serons pas surpris si on disait que Mamadi Doumbouya est candidat à l’élection présidentielle à venir.

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