Culture : « les guinéens sont dans l’excès… on veut puiser tout ailleurs, sans prendre chez nous ici » (Mamadou Thug)

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La culture guinéenne est reconnue pour sa diversité et sa richesse. Les industries et productions culturelles sont très dynamiques. Mais, la méconnaissance voire le manque de considération de certains aspects de la culture est un frein pour la conservation de nos traditions culturelles. De même, les structures étatiques jouent tant bien que mal leur rôle, parfois méconnu, pour la prise en compte des préoccupations des artistes. Dans un entretien accordé à un reporter de Guineematin.com ce vendredi, 29 décembre 2023, Mohamed Lamine Diallo, alias Mamadou Thug, un grand acteur culturel, membre du Conseil national de la transition, jette un regard de connaisseur sur ce monde de la culture, en perpétuel ébullition.

« Au-delà de la culture, avec mon statut de conseiller au CNT, j’ai un regard sur plusieurs départements au-delà de la culture. Devoir oblige que j’ai un regard sur tous les autres domaines. Ce n’est pas juste aujourd’hui que les gens peinent à se connecter (sur Internet et les réseaux sociaux). C’est quelque chose de déplorable. On a posé cette question à l’exécutif en leur disant qu’on ne doit pas priver les guinéens de la connexion. Ce n’est pas bien. On ne doit pas priver les guinéens de l’information pour des raisons, pour moi, pas bien explicites. L’information, c’est un droit. Donc, ce n’est pas bien qu’on brouille les médias », a dit d’entrée le Conseiller.

En termes de bilan sur le plan artistique, Mamadou Thug se dit globalement satisfait du déroulement de l’année 2023, même si beaucoup de choses sont à revoir. « C’est vrai qu’il peut y avoir des problèmes, puisque tout est argent, mais ça a avancé de 70%. C’est en 2023 que Djani Alpha a fait le Bataclan, que Azaya a fait la salle du Casino à Paris. Beaucoup d’artistes, dans leurs domaines respectifs, sont en tournée à l’internationale aujourd’hui. Même le fait que Black M revienne porter la voix d’artistes locaux, c’est une avancée considérable. Parlant vrai aussi, aujourd’hui, nous avons plus d’interprètes que d’artistes. Aujourd’hui, si nous prenons la musique pastorale, beaucoup d’artistes ne créent pas de la musique, parce qu’elle n’est pas ce qu’on chante, mais ce qu’on joue. Beaucoup aujourd’hui jouent sur la musique Sama ou bien la musique 56, des musiques créées depuis les années 1950 et 1960. Beaucoup d’artistes aujourd’hui chantent sur ces notes de musique. Il faudrait, c’est notre souhait, que les artistes partent à l’intérieur du pays pour s’imprégner de cette musique, s’en inspirer et créer une nouvelle musique. Si aujourd’hui les artistes ne vivent pas de leur art, c’est parce qu’eux-mêmes, ils ne se prennent pas au sérieux », soutient l’humoriste.

Mamadou Thug, conseiller au CNT, humoriste comédien

Poursuivant, Mamadou Thug reproche aux animateurs culturels de ne pas s’inspirer des valeurs culturelles de notre pays. « Malheureusement aujourd’hui, on n’a pas d’animateurs culturels en Guinée. Il y en a certains quand-même, mais ces derniers temps, les guinéens sont dans l’excès. On veut puiser tout ailleurs, sans prendre chez nous ici. Il y a des émissions qui se disent culturelles ici, mais qui ne sont pas culturelles parce qu’une émission culturelle, c’est sur des questions qui sont basées sur la culture. Les animateurs culturels ne savent même pas que le Pôdha est une danse et non une musique pastorale. Prenons par exemple Douta, cette artiste qui a dit une fois dans une émission qu’elle marche avec 1 millions, 2 millions même 3 millions GNF. Ça veut dire qu’elle a de l’argent. Mais, est-ce qu’elle épargne pour elle ? Prépare-t-elle son avenir ? A-t-elle une assurance maladie ? Parce qu’on ne doit pas faire un SOS pour un artiste », tranche-t-il.

A la nouvelle génération d’artistes, Mamadou Thug invite à plus de professionnalisme et à valoriser les instruments de musique traditionnels. « Aujourd’hui, il y a la création du fonds de développement du cinéma. Les artistes du cinéma doivent connaître les mécanismes qu’il faut pour tirer cet argent en vue de produire de bonnes œuvres. Il ne faut pas rester dans son coin et dire que le cinéma a un problème. Il y a des directions mises en place pour avoir des dépenses et recettes. Il faut connaître cela aussi. C’est une obligation pour l’État de créer les endroits de spectacles pour les artistes. Nous jouons à la Coupe d’Afrique des Nations de football en janvier, mais on a aucun stade homologué en Guinée… Donc, il faudrait que les artistes créent les conditions qui poussent l’État à s’investir dans le domaine en étant plus professionnels. Je ne suis pas contre qu’on joue de la guitare et du piano, mais il faut qu’on utilise nos instruments locaux. Si on n’utilise pas nos joueurs d’instruments locaux, on les met au chômage et s’ils ne jouent pas, aucun jeune n’aura envie d’apprendre demain la flûte, le balafon, la kora et autres. Et si ça arrive, c’est notre culture qui perd », a-t-il lancé.

Mamadou Baïlo Diallo pour Guineematin.com

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