Crise de liquidité : les acteurs de la monnaie électronique à bout de souffle interpellent le Général Doumbouya (Reportage)

il y a 17 heures 78
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Une crise qui dure depuis trois mois

Depuis bientôt trois mois, les Guinéens font face à une crise de liquidité sans précédent.

Dans les banques, les citoyens n’ont plus accès libre à leur argent. Un plafonnement est imposé, empêchant les clients de retirer les montants qu’ils souhaitent.

Cette crise, d’abord limitée aux institutions bancaires, s’est progressivement étendue aux acteurs de la monnaie électronique, qui peinent désormais à obtenir du cash auprès de leurs distributeurs.

Des activités commerciales au ralenti

Face à la situation qui devient préoccupante, nous sommes allés, ce mardi 12 août 2025, à la rencontre des acteurs de la monnaie électronique dans la capitale.

À Cosa, un endroit de grande affluence, les activités commerciales tournent au ralenti.

En cause : les agents de la monnaie électronique sont essoufflés, ils ne reçoivent plus de cash de la part des distributeurs.

« Depuis plusieurs mois, on est dans le calvaire là. Les conséquences sont énormes du côté des citoyens parce qu’ils n’arrivent plus à faire des transactions chez nous. Vous savez, presque tous les Guinéens utilisent la monnaie électronique comme Orange Money, mais nous sommes en manque criant de liquidité », relate Alpha Oumar Bah.

« Nous, on a oublié la route de la banque, car nous ne pouvons plus retirer notre argent comme nous le voulons. Il n’y a pas d’espèces. Quand tu demandes à faire un retrait de 10 millions, on te dit que ce montant n’est pas disponible. Les clients qui sont vers Coyah et Dubréka viennent jusqu’ici dans l’espoir d’effectuer leurs transactions, mais ils ne trouvent rien ici non plus. Pour être honnête, je ne fais presque plus de transactions. Cela fait des mois que je demande du cash à mon fournisseur, mais il n’y a rien. », poursuit-il.

Comme Alpha Oumar Bah, ils sont nombreux, ces acteurs de la monnaie électronique, à être confrontés à ce manque de liquidité.

« Quand nous venons vers nos fournisseurs, ils nous disent qu’ils n’arrivent pas à faire le retrait au niveau des banques. Nous souffrons énormément, ça ralentit nos activités et ça pénalise nos clients. Nous n’avons pas de liquidité pour les satisfaire. Actuellement, nous sommes obligés d’enlever nos panneaux qui indiquent ce que nous faisons comme boulot, pour ne pas être dérangés par les clients, parce que nous n’avons pas d’argent. », a expliqué Mamadou Négué Diallo.

Très pessimiste, ce jeune Guinéen envisage une reconversion professionnelle, si des mesures ne sont pas prises dans l’immédiat.

« Si cela perdure, non seulement les populations vont souffrir davantage, mais nous aussi, nous serons obligés de changer de métier. », prévient-il.

Pour Mamadou Bah, c’est une situation inédite. Il peine également à satisfaire les besoins de ses clients.

« Depuis bientôt 3 mois, nous sommes confrontés à ce manque de liquidité. Et c’est la première fois que cela m’arrive depuis que j’ai commencé cette activité. Actuellement, les gens viennent vers nous pour des transactions, mais nous n’arrivons pas à les satisfaire. Les clients nous demandent la cause, on leur explique que nous manquons tout simplement de liquidité. Si nous faisons des transactions et que l’argent devient un montant important, nous sommes obligés de retourner chez nos distributeurs pour avoir du cash, mais là-bas, on ne trouve plus rien. Les distributeurs sont en manque de liquidité également. », explique-t-il.

Ce père de famille ne compte que sur cette activité pour joindre les deux bouts, mais ses activités sont complètement bloquées.

« Si ça continue comme ça, nous serons obligés de changer de métier, car nous avons des familles à nourrir. », souligne t-il.

Les plaintes du SAMEL-GUINÉE

Ce manque de liquidité provoque de nombreuses plaintes de la part des agents, mais aussi des clients.

Amadou Yero Diallo, Secrétaire général du Syndicat des Acteurs de la Monnaie Électronique de Guinée (SAMEL-GUINÉE), tire la sonnette d’alarme.

« Actuellement, nous, les points de vente, faisons face à une situation très critique. Nous sommes confrontés à une baisse drastique de nos commissions et cela est dû à un manque de liquidité dans les banques. Vous savez, quand les clients viennent vers nous, nous faisons nos transactions en leur donnant du cash. Après, nous faisons le retour chez le distributeur qui nous donne aussi en cash : c’est ce qu’on appelle la compensation. Maintenant, on a du mal à avoir du cash chez nos distributeurs. Selon eux, ils ne gagnent absolument rien à la banque. Pour un chèque de 100 millions, la banque te dit que tu vas recevoir 5 millions ou 10 millions. Alors que toi, tu as mille points de vente. Est-ce que ces 10 millions peuvent les satisfaire ? Non ! », se lamente-t-il.

Une économie menacée

Il explique que sur une centaine de points de vente, un seul peut espérer disposer d’un million de francs guinéens en cash pour satisfaire ses clients.

« Nous sommes confrontés à de nombreuses difficultés actuellement, qui nous empêchent de satisfaire les besoins de nos clients depuis presque 3 mois. Nous souffrons, parce que tant que nous n’arrivons pas à faire des transactions, il y aura une baisse de nos commissions. Nous vivons de nos commissions et si nous n’arrivons pas à satisfaire nos clients, ça sera un autre problème. Déjà, nos clients n’arrivent pas à comprendre que c’est un manque de liquidité venant de la banque qui est à l’origine de cette crise. Ils pensent que c’est nous qui refusons de satisfaire leurs besoins », explique-t-il.

Il rappelle que plusieurs familles, qui reçoivent leurs dépenses via la monnaie électronique, sont aujourd’hui pénalisées par le manque de liquidité.

Un appel au Général Doumbouya

Pour résoudre cette crise, le Secrétaire général du SAMEL-GUINÉE invite le Général d’armée Mamadi Doumbouya à s’impliquer personnellement afin de résorber cette crise.

« Nous invitons le Président de la Transition à s’impliquer pour mettre un terme à cette crise qui freine l’économie guinéenne. Les points de vente représentent les banques et si nous n’arrivons pas à satisfaire nos clients, cela a un impact négatif sur notre économie. Vu qu’il a une vision de refondation, nous l’appelons à faire face à cette situation. », invite-t-il.

Alpha Oumar Bah, tout comme ses autres collaborateurs, souhaite qu’il y ait un dialogue sincère et inclusif entre le syndicat, les banques et le gouvernement afin qu’une entente soit trouvée et que le peuple soit libéré de cette situation.

En attendant que cet appel tombe dans de bonnes oreilles, les Guinéens sont contraints de garder leur mal en patience.

Hadja Kadé Barry

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