Création de grosses coupures : une justification économique discutable [Tribune]

il y a 2 heures 13
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Le Gouverneur de la Banque centrale a récemment justifié la création d’une nouvelle coupure monétaire en ces termes : « Le billet de 20 000 GNF date de 2015, lorsque la Guinée avait un PIB d’environ 8 milliards de dollars et une population avoisinant les 8 millions d’habitants. Dix ans plus tard, le rebasage montre un PIB compris entre 36 000 et 40 000 milliards de GNF, et la population a atteint 16 millions. Cette évolution laisse penser qu’un billet de 50 000 voire 100 000 GNF aurait déjà dû exister. »

Si l’on suit ce raisonnement, plus le PIB augmente, plus il faut introduire de grosses coupures monétaires. Voilà une théorie économique nouvelle, made in Guinea. Pourtant, les faits économiques internationaux contredisent clairement cette logique.

Prenons l’exemple de la zone euro. En 2015, son PIB s’élevait à environ 11 000 milliards d’euros ; en 2025, il avoisine 16 000 milliards. Malgré cette hausse significative, la plus grosse coupure reste le billet de 500 euros, dont la production a d’ailleurs été arrêtée en 2019 pour des raisons liées au blanchiment d’argent et à la fraude. Aujourd’hui, la plus grosse coupure effectivement utilisée est le billet de 200 euros. Comment, dès lors, notre Gouverneur peut-il expliquer cette contradiction ?

Certains diront que la zone euro est un espace économique vaste et structuré. Prenons alors un exemple africain hors zone monétaire : le Ghana.

En 2015, le PIB ghanéen était d’environ 49 milliards de dollars ; en 2025, il est estimé autour de 79 milliards de dollars. Cette progression n’a pourtant pas conduit le Ghana à multiplier les grosses coupures. La plus haute dénomination reste le billet de 200 cedis.

Pourtant, le Ghana a traversé et traverse encore de graves difficultés économiques : crise de la dette, inflation, dépréciation monétaire, et surtout un défaut historique en 2022, qui l’a contraint à renégocier sa dette extérieure. Aucun de ces facteurs n’a servi de prétexte à la création de grosses coupures.

Cela démontre une chose essentielle : Il n’existe aucune relation automatique et rationnelle entre la croissance du PIB et l’introduction de grosses coupures.

Une économie forte se caractérise avant tout par :une production réelle élevée, une diversification économique, et un système financier efficace.

La monnaie n’est qu’un reflet de la production, pas un instrument pour masquer ses faiblesses. En Guinée, notre production reste essentiellement minière, très peu agricole et encore moins industrielle. Pire encore, notre système financier n’évolue pas au rythme des besoins de l’économie réelle.

Alors, que nous cache-t-on ?

L’État guinéen semble vouloir recourir à la planche à billets pour combler un trou budgétaire de plus de 10 300 milliards de GNF, inscrit dans la loi de finances rectificative 2025.

Rappelons que : la dette intérieure, estimée à près de 5 000 milliards de GNF, n’a toujours pas été apurée.

Malgré une notation B+, la Guinée ne bénéficie pas de la confiance des marchés internationaux ; aucun franc n’a pu être levé sur les 4 000 milliards de GNF d’emprunts obligataires prévus en 2025, faute de projets bancables.

Le véritable problème n’est donc pas la monnaie, mais : l’indiscipline budgétaire, l’accumulation des déficits, des projets miniers dont les recettes échappent au circuit financier national, et, par conséquent, un système bancaire privé de ressources pour soulager les tensions sur le franc guinéen.

Les flux dollars investis sur le projet Simandou n’ont pas eu d’impact positif sur la valeur du GNF alors qu’une bonne politique monétaire en cette période d’investissement direct étranger estimé à 20 milliards USD aurait valorisé le GNF face au dollars c’est une question d’offre et de la demande mais les scandales à la BCRG et gestion solitaire de l’économie ont conduit à un GNF qui se déprécie actuellement avec 1$ presque 10000 GNF.

En tant que première autorité monétaire, il est impératif d’analyser ces signaux alarmants. La confiance s’érode, et il y a urgence à agir sur les fondamentaux économiques : production, bonne gouvernance, crédibilité financière.

Créer de grosses coupures, c’est alimenter l’inflation, et continuer à asphyxier une économie déjà sous perfusion pour ne pas dire mourante.

Bella BAH

Entrepreneur / Coach/ Activiste très indépendant
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