Cas de l’imam Thierno Abdoul Hamid Baldé de Companya : « Labé, la Belle » abandonnée, martyrisée, sanctionnée…

il y a 7 heures 50
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Labé, cette ville fondée en 1755 par Alpha Mamadou Cellou Diallo, connu sous le nom de Karamoko Alpha mo Labé, est confrontée à une situation peu enviable ces 15 dernières années. Son malheur : être le fief de l’opposition. Depuis la visite mouvementée du capitaine Moussa Dadis Camara, le 26 septembre 2009, jusqu’à une période récente, cette ville a connu une agitation politique. Que ce soit pendant le règne du CNDD ou celui du RPG, le pouvoir de Conakry a considéré cette région en général et la ville de Labé en particulier comme l’enfant insoumis. Et comme tel, il lui applique le traitement qu’on inflige à un insoumis. Même si, depuis l’interdiction des manifestations politiques par le CNRD, la ville connaît une certaine accalmie.

L’autoflagellation

Et comme si ce statut de fiel de l’opposition ne suffisait pas, les fils de Labé apportent souvent de l’eau au moulin de l’adversaire du moment. Visiblement, les derniers propos de l’imam Thierno Abdoul Hamid Baldé avaient pour objectif de dénoncer cela. Mais, il n’a pas su trouver la bonne approche. Selon Montaigne, « Porter des jugements définitifs et catégoriques est souvent le signe d’une compréhension limitée du sujet, car la complexité du monde et des êtres humains rend toute certitude illusoire ». L’imam a jugé. Il s’est fait crucifier. L’homme, qui remue le couteau dans la plaie, était, comme il l’a dit, attendu au tournant. Ses derniers propos ont été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Sa suspension est tout sauf une surprise pour lui. Il savait qu’il était en sursis.

Si les propos de l’imam ont été tenus avec émotion voire passion, la décision des autorités religieuses locales ne l’a pas été moins. La moindre chose aurait été de l’entendre pour savoir de quelle trahison parle-t-il. Dans la foulée, et quoi qu’on dise, un événement perçu comme un séisme politique dans cette région s’est produit récemment à Labé. Et, aux yeux de beaucoup d’habitants de cette région cet événement constitue une trahison. Il s’agit de la défection de l’ex député uninominal du principal parti de l’opposition. Or, selon Georges Clemenceau, « Un traître est un homme politique qui quitte son parti pour s’inscrire à un autre. Par contre, un converti est un homme politique qui quitte son parti pour s’inscrire au vôtre ». Cela veut dire que pour les responsables et militants de l’UFDG, Cellou Baldé, dont il s’agit, est dans le premier cas. Tandis que pour le CNRD, il est dans le second. L’imam faisait-il allusion à la politique ou à autre chose ? On ne le saura jamais, puisqu’on ne lui a pas donné l’occasion de s’expliquer.

Au plan social, cet intellectuel, parlant parfaitement le français, l’arabe et l’anglais, brise les tabous. Il touche les sujets les plus sensibles. Comme le Soufisme, cette puissante confrérie islamique de la région. En disant entre autres que ce n’est pas le long chapelet ou la barbe touffue qui déterminent la foi d’un homme. Ou, s’adressant aux vieilles femmes, il dit qu’il est inutile d’aller à la mosquée et d’égrener son chapelet lorsqu’on est complice de sa fille qui sort de la maison familiale pour aller chez un garçon. Ce dernier leur apportant des présents en nature ou en espèce. Aux jeunes, il s’adresse également en leur parlant dans leur jargon, tel que « Flinguez-nous ». Etendez nous, vos pères. Bref, il est superflu de dire que l’homme dérangeait. Il n’épargnait même pas les imams qu’il accuse d’être radins.

Cette liberté de parole que se donnait le vieil enseignant, à la fois en Pular, Maninka, Soussou et même en anglais, attire du monde pour sa mosquée. Plutôt celle de son feu père : Elhadj Mamadou Companya, sommité intellectuelle de la région. Les fidèles quittent le centre-ville de Labé pour aller prier dans ce village situé dans les périphéries de la commune urbaine, uniquement pour écouter ce sermon hors du commun. Ce qui fait des jaloux. A l’heure des réseaux sociaux, le sermon d’Elhadj Hamid Baldé a attiré des chaînes YouTube, à la recherche d’informations abracadabrantes, pour filmer son sermon. Les réactions nombreuses et positives ont dû enhardir l’imam. Or il ne maîtrise que la théologie. Et pas la communication. Encore moins l’information. Et bonjour les dérapages.

Polémique sur un cousinage à plaisanterie

Pour les propos qui lui ont valu la levée de boucliers et la suspension par les autorités religieuses, l’imam a abordé avec émotion voire passion une rhétorique séculaire qui relève plus de cousinage à plaisanterie qu’une réalité sociale…

Les propos tenus par un leader religieux et par un canal de grande diffusion n’avaient probablement pas pour objectif de jeter le discrédit sur toute une région. Laquelle prend déjà des coups depuis plus de 15 ans. Malheureusement, ces propos confortent ceux qui veulent toujours peindre Labé en noir. Pour quel objectif, mystère. Comme cet homme, originaire d’une autre région et vivant à Paris, qui me parlait toujours d’une division et d’un antagonisme entre Ley Saaré et Dow Saaré.

Pourtant, la ville fondée par mon ancêtre Alpha Mamadou Cellou, dit Karamoko Alpha mo Labé, a une longue et belle histoire. Outre ses hommes politiques comme Yacine Diallo (premier député de la Guinée française, né le 18 octobre 1897 à Toulel-Nouma) ou Saïfoulaye Diallo, Labé est aussi la ville des savants comme Thierno Aliou Bhubha N’diyan, Thierno Sadou mo Dalein et Thierno Samba Mombeya. Même si dans la nouvelle organisation administrative Mombeya fait désormais partie de Dalaba. 

Le prix payé par le fief de l’opposition

Depuis l’engagement de Cellou Dalein Diallo en politique, Labé a opéré un changement de camp avec Kankan. Le Nabaya était le fief de l’opposition pendant le règne du président Lansana Conté. La cité de Karamoko Alpha lui a repris le flambeau ces dernières années. Et à la différence de Kankan au moment où cette région était la chasse gardée du RPG, à Labé, tous les cadres de la région ne filent pas le même coton. Le pouvoir central cherche par tous les moyens à dompter certains d’entre eux. La fin justifiant les moyens, ceux-ci sont divers et variés. Tantôt il manie la carotte. Tantôt le bâton. La répression contre les militants et la défection des cadres de l’opposition se succèdent.

 Si Labé s’était montrée hostile au capitaine Moussa Dadis Camara, le 26 septembre 2009, le massacre du 28 septembre auraient été perpétrés dans cette ville. Heureusement, les habitants s’étaient résignés. De fil en aiguille, quand Alpha Condé a accédé au pouvoir, la ville a connu le martyr. En 2014, mêmes des malades alités à l’hôpital régional avaient été molestés par des éléments des forces de l’ordre. Pour la première fois dan l’histoire de la Guinée, le personnel médical a été pris pour cible. Le 23 janvier 2020, Mamadou Diouma Diallo, chauffeur de l’ambulance de l’hôpital régional de Labé a été tué par balle… 

Sanctionnée par les pouvoirs publics

Sur le plan des infrastructures, et contrairement à ce qui s’était passé à Kankan durant le règne du président Lansana Conté, Labé a été le laisser pour compte dans la réalisation d’infrastructures. Le gouvernement a réalisé des infrastructures jusqu’à Pita voisine sans rien faire à Labé.

Pour permettre aux villes de l’intérieur de bénéficier de la reconstruction et la modernisation de bâtiments admonitifs, le président Alpha Condé avait initié la fête d’indépendance dite tournante dans les différentes capitales régionales. Pour des raisons évidentes, Labé fera l’exception. La fête organisée à Mamou en 2014 permettra de reconstruire et de moderniser tous les bâtiments administratifs des trois préfectures de cette région : Mamou, Dalaba et Pita.

Alors que jusqu’aujourd’hui, certains bâtiments administratifs de Labé datent de l’époque coloniale. Comme la poste ou la préfecture. Ces dernières années, le CNRD a lancé deux projets dans la ville : le bitumage de la voirie urbaine et la reconstruction de la grande mosquée. Le premier bat de l’aile. La grande agglomération du Nord ressemble à une bourgade abandonnée. Le second projet, lui, est en cours d’exécution. Alors que c’est le contraire qui aurait dû se faire. A défaut de pouvoir réparer les routes et la mosquée, l’Etat devait s’occuper de la voirie urbaine et laisser les fidèles musulmans s’occuper de leur mosquée.

Habib Yembering Diallo, journaliste-écrivain

Par Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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