Au cœur des familles des migrants disparus sur le chemin de l’immigration irrégulière : douleur, misère, souffrance…

il y a 3 heures 22
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Après les émotions des premières heures, qui se soucie des veuves, des orphelins et des parents de ces migrants morts dans le désert et dévorés par des requins en mer ? Qui fait face à leurs progénitures laissées derrière eux ? Qui les prend en charge ? Personne. Ces familles végètent et pleurent en silence sans l’aide ni l’assistance. Nous sommes allés à la rencontre de ces proches des migrants disparus dans l’océan, brûlés par la canicule dans le désert, ces proches meurtris qui attendent désespéramment les gestes des bonnes volontés pour pouvoir faire face aux réalités de la vie.

Kaloum, quartier administratif de Conakry. Ici, s’est établie depuis 2022, dame Foulematou D. Son gagne-pain ? La vente d’orange et de la banane douce. Plus de deux mois après son veuvage, c’est là qu’elle vient tous les jours ouvrables pour avoir sa pitance quotidienne. Sinon, où aller ? Cette ancienne restauratrice s’est reconvertie en vendeuse de fruits après le décès de son mari sur la route périlleuse de l’immigration irrégulière. Quand il tentait l’aventure sur Lampedusa, elle était enceinte  de leur dernière fille. Le père de ses trois enfants dont la benjamine dans ses bras qui ne connaitra jamais son géniteur. Elle qui était embryon quand il partait en mer pour rejoindre l’Europe afin de sauver la famille de la pauvreté. Comment sa vie a-t-elle basculé au point de perdre son restaurant et se retrouver à vendre des oranges en bordure de la rue ? Difficile alors de retenir les larmes de cette jeune dame.

« …Je vends des oranges et de la banane douce pour faire face aux dépenses de la maison, et m’occuper de mes enfants  C’est moi désormais le chef de famille. Mon mari est mort sur la mer. Il m’avait dit qu’il partait à l’aventure pour mettre fin à notre galère. Par quels moyens ? Il m’avait dit par l’eau. Je n’étais pas d’accord, mais il a tellement insisté que j’ai fini par céder et il est parti… On se communiquait jusqu’à un jour il m’a appelé qu’il lui faut de l’argent. J’ai vidé mon compte y compris quelques crédits par-ci par-là pour lui envoyer la somme demandée. J’avais espoir. Mais hélas ! Quelques jours après, la communication est rompue entre nous. Quand j’ai appelé sur son numéro, c’est quelqu’un d’autre qui a décroché le téléphone et qui s’est mis à me gronder. Comme quoi, je n’ai pas vite envoyé l’argent. J’ai répondu que la situation est difficile au pays. Il m’a raccroché pour m’appeler cinq jours après et me dire qu’il a reçu l’argent mais que malheureusement mon mari n’a pas survécu après le chavirement de leur bateau. Il est en plus resté dans l’eau (elle fond en sanglots)…Il m’a laissé trois enfants sous la main dont j’ai de la peine à élever seule. Ses parents m’accusent d’avoir poussé leur enfant sur le chemin de la mort. Personne ne vient à mon secours. C’est la rentrée scolaire. J’ai pu inscrire le premier mais son frère est encore à la maison, faute de moyens. C’est difficile. Je n’en peut plus… », conclut-elle en larmes.

Hafia, un sous quartier de Conakry. Une autre famille d’un migrant décédé en mer avec sa femme enceinte, laissant derrière eux, une sexagénaire et deux enfants. Tous pleurent aujourd’hui celui qui était le pilier de la famille. Depuis sa disparition, la vie a cessé d’être rose et pour la grand-mère et pour les petits enfants orphelins de père et de mère. La vieille pleure en silence et gère la douleur de la perte d’un premier fils disparu dans des conditions tragiques. Celui qui état tout pour elle. « C’est mon fils. Celui sur lequel repose tout mon espoir. C’est moi qui devrais partir avant lui. Non…Sa disparition me fait très mal. Je le vois encore vivant à côté de moi… Avant de me rendre compte de son décès, j’ai fait trois mois sans le voir. Inquiète, je me suis rendue chez lui à domicile où il vivait avec son épouse. C’est là-bas on m’a informé de son voyage avec sa femme enceinte et leur enfant de trois ans. Un mois après ma visite à son domicile, la triste nouvelle est tombée. Le bateau dans lequel voyageaient mon fils et sa famille a chaviré. Tout le monde était au quartier et même au marché où je vends…Je dis bien tout le monde sauf moi. Comment m’informer, comment me dire que tous mes quatre proches sont restés dans l’eau ? Seuls l’Imam et le chef de quartier ont eu le courage de venir chez moi à la maison pour m’annoncer la triste nouvelle…J’étais évanouie…Imaginez ! Mon fils, sa femme enceinte, leur enfant de trois ans  au fond de l’océan entrain de crier sans secours…jusqu’à rendre l’âme », se lamente-t-elle.

En dehors de ces deux familles, ils sont nombreux les proches des disparus sur le chemin de l’aventure, qui pleurent en silence chaque jour que Dieu fait. Des familles qui ont engagé toute une fortune pour le voyage réussie et qui en retour reçoivent la triste nouvelle de la disparition de leurs enfants, leurs espoirs. Pis, ces familles vivent dans l’indifférence, pleurent dans le silence, souffrent sans que ça n’ému personne. On ne parle pas de ces parents meurtris, de ces enfants orphelins, de ces veuves sans moyens.

Il est donc temps de tirer la lumière sur ces parents et enfants qui ont perdu un membre de leur famille en mer. Certes, l’argent ne peut pas remplacer l’être humain, mais ça peut soulager, sauver des vies. C’est bon de ramener et s’occuper des migrants bloqués dans les pays maghrébins ou dans le désert, mais il est encore humain et bon de lorgner du côté des familles qui elles ont perdu les siens, leurs espoirs et végètent dans la misère. Le ministère des Affaires Sociales doit en faire une préoccupation.  Sauver ces mères, ces veuves, ces orphelins de la misère, c’est sauver l’humanité.

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