Agriculture/Guinée : quand le Fouta, champion du climat, achète ses fruits à l’étranger

il y a 2 heures 13
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Par le passé, c’est le Fouta en général et la Guinée en particulier, qui alimentaient les pays voisins de la sous-région, en produits de première nécessité. Une situation qui est en train de changer, radicalement.

Désormais, en plus de l’importation de viande du Mali voisin, le marché central de Labé est inondé de fruits venus de toute l’Afrique, comme l’a constaté sur place, la rédaction régionale de Guinéenews.,

Réputé être une terre d’éleveurs mais aussi d’agriculteurs, le Fouta est désormais, une terre de consommation de produits importés du monde entier. L’élevage et l’agriculture continuent d’être relégués au dernier plan. Le commerce semble être la priorité absolue des Peuls, pourtant connus sous le sobriquet « Poullo ko Ngaïnako », signifiant littéralement « le Peul est un éleveur ».

De nos jours, en plus du riz, importé à plus de 80 % de la Chine et de l’Inde, depuis des décennies, la viande est également importée, depuis quelques années, pour combler le manque à gagner qui s’accentue davantage en saison sèche, dans la région administrative de Labé.

Ainsi, depuis quatre à cinq ans, des zébus (grosses vaches) sont importés du Mali voisin, pour renforcer la production locale et satisfaire la demande en viande. Cette situation avait été source de vifs conflits entre bouchers et autorités locales, notamment entre 2019 et 2022.

Mais, depuis le lancement de cette vaste opération d’importation, les plaintes se sont réduites de ce côté et les boutiques de vente ne semblent plus manquer de viande, a constaté la rédaction régionale de votre quotidien électronique.

Comme si cela ne suffisait pas, on assiste de nos jours à une forte importation de fruits, essentiellement des bananes, mandarines et oranges, pour ne citer que ceux-là.

Selon nos informations, les belles bananes que vous voyez en images et qui inondent les marchés de la région administrative de Labé viennent toutes du Sénégal.

« Oui, c’est effectif. Ces bananes viennent depuis des mois du Sénégal. Actuellement, ce sont trois bananes pour 10 000 GNF, car elles sont grosses. Sinon, il y a parfois quatre bananes pour 10 000 GNF, et ainsi de suite. J’ai acheté cher, voilà pourquoi on vend à ce prix, car il faut qu’on fasse des bénéfices », explique Adama Oury Diallo, marchande rencontrée au carrefour GTZ de Labé.

La qualité et la quantité des bananes importées sur le marché auraient même fait disparaître les bananes locales, qui peinent à faire face à la concurrence.

« Désormais, on achète ces bananes là, car elles sont plus présentables que nos bananes. Celles-ci attirent la clientèle et la recette est meilleure », enchaîne la marchande.

Venu s’approvisionner en fruits, Mamadou Sadio Baldé a partagé son indignation. « C’est hallucinant. Une banane à 3 000 ou 4 000 GNF au cœur du Fouta ! C’est incroyable, mais on n’a que nos yeux pour pleurer, car nous sommes tous responsables de cette situation. En plus, comprenez qu’il s’agit de bananes importées. Avec tout ce que l’environnement nous offre, on se retrouve aujourd’hui obligé d’importer de la banane d’un pays quasi désertique. C’est le comble. La Guinée est un pays surprenant », estime-t-il.

Lors de la réalisation de ce reportage, notre attention a également été retenue par la présence de très belles mandarines aux abords du marché central de Labé. Ces fruits auraient également été importés, cette fois-ci de l’Afrique du Sud, explique ce grossiste. « Effectivement les femmes ont raison : ces mandarines viennent de l’Afrique du Sud. C’est de là-bas qu’on lance les commandes pour récupérer au niveau du port de Conakry. Ensuite on achemine dans les villes de l’intérieur du pays. Au fait, la demande est très forte, alors que la production en mandarine est faible chez nous. Pour ne pas perdre la clientèle on importe mandarines et pommes, pour maintenir le business», déclare Abdourahmane Sérima Diallo.

« Il faut qu’on se réveille, il faut travailler, sinon ce n’est pas bon. Il ne faut pas se laisser faire à ce point. Le ministère de l’Agriculture doit prendre ce problème à bras-le-corps, sinon, dans un avenir très proche, nous serons appelés à importer des oranges, des mangues et même du maïs, car la nature a horreur du vide », a martelé Madame Diallo Habibatou.

Le Fouta, autrefois grenier de l’Afrique de l’Ouest, est aujourd’hui le miroir d’une crise agricole inquiétante. Entre l’abandon des champs et l’attrait des étals étrangers, l’urgence n’est plus seulement de combler une pénurie, mais de réhabiliter une vocation nationale.

Si l’on ne se ressaisit pas face à cette vague d’importations, la Guinée pourrait rapidement payer le prix fort de son inertie; celui d’une dépendance alimentaire totale, où même le fruit que sa propre terre peut produire, viendrait d’ailleurs.

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