Simandou : comprendre pourquoi 15 % pour la Guinée est un acquis et non une perte (Par Yakouba Deva Konaté)

il y a 3 heures 23
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Le débat autour des 15 % que détient l’État guinéen dans les structures liées à Simandou et plus précisément dans la Compagnie du TransGuinéen(CTG) occupe aujourd’hui une place centrale dans l’opinion publique. Pour comprendre ce pourcentage et ce qu’il représente réellement, il est nécessaire de revenir aux faits, d’examiner les mécanismes économiques en jeu, et d’analyser les chiffres avec lucidité.

REPLACER LES 15 % DANS LEUR CADRE JURIDIQUE ET ECONOMIQUE

Avant tout, il convient de rappeler que les 15 % détenus par la Guinée ne sont pas un chiffre arbitraire. Ils constituent à la fois une clé d’accès à la gouvernance, un levier de souveraineté et un droit de tirage sur les richesses future d’un gisement exceptionnel. Ainsi, ce pourcentage doit être lu à la lumière de trois paramètres fondamentaux, la structure d’investissement, la répartition des risques et la rentabilité projetée.

À ce titre, il importe de préciser que le Code minier guinéen prévoit une participation gratuite de 15 % de l’État dans toutes les sociétés minières. Cette disposition, automatique et non négociable, existait bien avant l’avènement du CNRD. Elle n’est donc ni une concession politique ni un signe de faiblesse, mais plutôt un fondement légal visant à garantir à l’État une présence institutionnelle au cœur de la gouvernance minière.

LA CREATION DE LA CTG, UNE RUPTURE STRATEGIQUE MAJEURE

Or, avant les réformes récentes, l’État n’avait aucun droit de propriété sur les infrastructures stratégiques de Simandou, ni sur le chemin de fer, ni sur le port minéralier. Ces installations devaient rester entièrement privées, appartenant pour 30 ans aux multinationales WCS (blocs 1 et 2) et Simfer/Rio Tinto (blocs 3 et 4).

C’est précisément pour corriger cette anomalie que la Compagnie du TransGuinéen (CTG) a été créée. L’État y détient désormais 15 % de participation sans apport financier, ce qui constitue une prouesse rare dans la structuration de projets miniers d’une telle envergure. Cette part lui offre un droit de regard stratégique, une voix dans la gouvernance, ainsi qu’une capacité réelle à orienter les infrastructures vers l’intérêt national, au-delà du seul projet Simandou.

Il s’agit donc d’une avancée structurelle, et non d’un recul. La CTG incarne un équilibre inédit entre souveraineté économique et attractivité pour les investisseurs, conformément aux standards internationaux des partenariats miniers.

POURQUOI 15 % EST UNE FORCE ET NON UNE FAIBLESSE

Il faut comprendre que dans l’industrie extractive, les États qui ne financent pas directement les phases lourdes, exploration, rail, port, installations, reçoivent rarement une part gratuite appelée free-carry.

Dans le cas de Simandou, la Guinée bénéficie ainsi de 15 % gratuits, alors que le coût global du projet oscille entre 20 et 25 milliards USD. Cette part permet à notre pays d’être présents dans le capital sans supporter les milliards de dollars de risques initiaux. C’est un atout décisif, l’État obtient une place dans un mégaprojet sans hypothéquer ses finances publiques.

Pour illustrer, 15 % de 20 milliards USD = 3 milliards USD de valeur potentielle et 15 % de 120 millions de tonnes à 100 USD/t = 1,8 milliard USD de valeur brute par an.

Et cela sans compter les royalties, impôts et dividendes.

LES BENEFICES POTENTIELS POUR LA GUINEE, UNE TRANSFORMATION A LONG TERME

Par conséquent, le véritable enjeu n’est pas le pourcentage en soi, mais ce qu’il peut rapporter. Les projections montrent que Simandou peut générer entre 800 millions et 1,5 milliard USD de recettes publiques annuelles, grâce aux royalties (3 à 3,5 %), à l’impôt sur les sociétés, aux redevances douanières et aux dividendes des 15 %.

À pleine capacité, la Guinée pourrait dépasser 1 milliard USD de recettes par an, un niveau jamais atteint dans son histoire minière.

Mais Simandou, c’est aussi un corridor de développement, zones industrielles, baisse des coûts logistiques, transformation locale (pellets, DRI, acier vert), 20 000 à 40 000 emplois directs et indirects, intégration de la bauxite, de l’or et de l’agriculture dans un réseau ferroviaire national.

Autrement dit, une infrastructure capable de redessiner la carte économique du pays.

POURQUOI LA COMPARAISON AVEC LA CBG EST ERRONEE

À ce stade, il est important de déconstruire un argument souvent avancé, « La Guinée avait 49 % dans la CBG, pourquoi seulement 15 % dans Simandou ? »

Cette comparaison est trompeuse pour trois raisons.

Primo, CBG = bauxite + infrastructures déjà existantes et Simandou = fer + rail + port, soit l’un des plus vastes projets miniers africains.

Comparer donc les deux, c’est comparer une voiture à un avion.

Secundo, la Guinée n’aurait jamais pu financer 5 % de Simandou, cela représenterait 1 milliard USD, incompatible avec la stabilité budgétaire nationale.

Tertio, les 49 % de la CBG n’ont jamais rapporté des dividendes proportionnels, en raison des amortissements, des marges faibles et des baisses de prix.

Ainsi, 15 % dans Simandou vaut bien plus que 49 % dans la CBG, en valeur absolue comme en perspective de long terme.

DES MUTATIONS STRUCTURELLES DANS LA CONDUITE DU PROJET

En parallèle, les autorités actuelles ont introduit des réformes qui ont profondément modifié le rythme et la structure du projet, remise en ordre du cadre contractuel, clarification des obligations des partenaires, structuration effective de la CTG, calendrier d’exécution ferme, intégration d’une vision d’avenir à travers Simandou 2040 (fonds souverain, industrialisation, transformation locale).

Ces éléments ont permis de débloquer un projet resté à l’arrêt pendant plus de deux décennies.

La question n’est donc pas pourquoi seulement 15 % ? La véritable question est comment transformer ces 15 % en 100 % de bénéfices pour la nation ?

Simandou est une opportunité générationnelle. Les chiffres parlent, l’histoire également. 15 % d’un projet structurant valent infiniment plus que 49 % d’un projet qui n’a jamais transformé l’économie.

Yakouba Deva KONATE

Spécialiste des questions minières, Partenariats Public-Privé & RSE

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