PLACEZ VOS PRODUITS ICI
CONTACTEZ [email protected]
Le retrait des agréments d’installation et d’exploitation de trois médias (Djoma, Espace et Fim) par l’arrêté n°686 du 21 mai 2024 du ministre en charge de l’Information et de la Communication soulève encore et toujours des interrogations sur les véritables motivations de cette décision.
En effet, l’acte administratif fait état de violations du contenu du cahier des charges, sans autre précision sur la clause de ce cahier qui aurait été violé.
Fort malheureusement, les prises de parole officielles ne contribuent pas à y voir clair en raison des multiples variations dans les propos de ceux qui s’expriment sur la question.
Pour comprendre les conditions d’exploitation des radios et télévisions privées, il sied de jeter un regard sur la législation en la matière.
À l’origine, il y a le décret n°037 du 20 août 2005 relatif aux conditions d’installation et d’exploitation des radios et télévisions privées en Guinée. Ce décret a été suivi par l’arrêté d’application n°4470 du 15 septembre 2005.
Sur la base de ces deux actes réglementaires, un cahier des charges en date du 16 août 2006 a fixé les conditions d’implantation et d’exploitation des radios et télévisions communautaires en Guinée.
Le 30 septembre 2010, est intervenu un autre arrêté n°4316 portant application du décret relatif aux conditions d’installation et d’exploitation des stations de radios et de télévisions en République.
Par la suite, le Conseil National de Transition a voté la loi organique L002 du 22 juin 2010 relative à la liberté de la presse. Un nouveau cahier des charges en date du 18 septembre 2015 a été signé par la Présidente de la HAC d’alors.
En 2020, précisément le 03 juillet, l’Assemblée nationale a voté la loi organique L0010 portant attributions, composition, organisation et fonctionnement de la Haute Autorité de la Communication.
Et enfin, un nouveau cahier des charges a été signé le 22 décembre 2020 par le ministre de l’Information et de la Communication. C’est le dernier en date et donc, celui en vigueur
Au regard des textes ci-dessus évoqués, on peut relever un certain nombre de d’éléments qui permettent de se faire une idée sur cette crise, n’ayons pas peur des mots, consécutive à l’arrêté n° 686 du 21 mai 2024 qui retire les agréments d’installation et d’exploitation des trois médias concernés.
Premièrement : Selon l’article 3 de la Loi L0010 du 3 juillet 2020 dernier alinéa, le ministère de l’Information et de la Communication retire l’agrément sur saisine de la HAC.
Or, dans l’arrêté n°686 du 21 mai 2024, il n’est nulle part fait mention de la saisine par la HAC du ministère de l’Information et de la Communication. L’absence de cette saisine peut être considérée comme un vice de procédure.
Deuxièmement : Le ministère de l’Information et de la Communication assure le contrôle l’application du cahier des charges.
Le cahier des charges en vigueur compte 23 articles. Pour permettre aux médias dont les agréments ont été retirés de savoir de manière précise ce qui justifie cette décision, l’arrêté aurait dû mentionner la clause du cahier des charges qui a été violée. Cela est d’autant plus important qu’en cas de recours pour excès de pouvoir ou recours en annulation contre cet arrêté, la chambre administrative de la Cour suprême exerce son contrôle notamment sur les motifs de la décision.
Troisièmement : Selon l’article 4 de la loi L0010, c’est la HAC qui attribue les fréquences aux médias audiovisuels et c’est elle qui les lui retire. Or, dans le cas d’espèce, on peut penser que c’est plutôt l’Autorité de Régulation des Postes et Télécommunications (ARPT) qui a procédé au retrait des fréquences.
En effet, dans ses courriers en date du 23 mai 2024 adressés notamment à Djoma et FIM, le directeur de l’ARPT parle de notification du retrait des fréquences. Mais qui a retiré les fréquences ? Les courriers ne le disent pas. En tout cas, aucun élément ne permet d’affirmer que c’est la HAC.
Dans le processus qui a abouti au retrait des agréments et des fréquences des trois médias concernés, l’on a impression que la HAC a tout simplement été placée devant le fait accompli. Ce qui est regrettable pour une institution dont les missions sont entre autres de veiller à l’émergence et à la promotion de médias libres et responsables ainsi qu’au respect du droit d’accès à l’information publique.
Il est temps que la HAC se mette dans la peau d’une véritable Autorité Administrative Indépendante pour jouer pleinement et efficacement le rôle qui est le sien. Et ce rôle est d’autant plus important que les médias, quoi qu’on fasse, sont nécessaires et incontournables dans un État de droit en ce sens qu’ils contribuent d’une certaine manière à façonner l’opinion à travers une bonne information. Ce n’est pas pour rien qu’elle figure au nombre des institutions dissoutes après le 5 septembre 2021 et « ressuscitées » par la suite.
Me Mohamed Traoré
Ancien Bâtonnier