Regroupement familial et l’enfer des vieux en Guinée (Par Habib Yembering Diallo)

il y a 4 semaines 76

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La société guinéenne connaît de profondes mutations dans tous les domaines avec, à la clé, des situations inimaginables il y a quelques années. Parmi lesquelles, l’apparition d’une nouvelle couche vulnérable. En l’occurrence les vieux abandonnés par les leurs dans un pays où les personnes âgées étaient vénérées. Jusqu’ici l’Afrique était enviée pour le respect et la protection dont les personnes âgées font l’objet. Une qualité qui est en train de voler en éclat. Désormais il existe bel et bien des vieux abandonnés dans nos pays, comme le prouvent quelques exemples qui sont loin d’être des cas isolés.

La particularité de cette situation abracadabrante est que, contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce ne sont pas des personnes démunies qui sont les victimes. Bien au contraire, ce sont plutôt des gens relativement nantis. Ou qui l’ont été. Certains ont même fait la pluie et le beau temps.

Pourquoi une telle calamité sociale dans un pays où les personnes âgées sont censées être protégées et même vénérées ? Comment expliquer la vulnérabilité d’une personne qui fait partie de l’élite du pays ?

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce sont des gens, enviés autrefois, qui se retrouvent du jour au lendemain tout seul dans une grande, belle et vaste maison. Conséquences de l’exode de l’élite vers les pays développés. Un homme, pour la plupart des cas monogame, envoie femme et enfants au Canada, en Europe ou aux Etats-Unis pour, selon l’intention du départ, former ses enfants et mettre son épouse à l’abri des situations imprévisibles dans nos pays chroniquement instables. Il reste seul. Avec une femme de ménage qui s’occupe de sa nourriture. Et quelques neveux ou cousins qui viennent de temps en temps pour combler le vide familial.

Le piège

Quand les enfants finissent d’étudier, la première chose qu’ils font c’est évidemment chercher du travail. Personne ne veut entendre parler de retour au pays. Y compris leur mère. Une femme a craché sur le pauvre mari resté au pays que même son cadavre ne reviendra pas en Afrique. Le monsieur est pris au piège. Devant le danger qui les guette, certains anticipent. Comme ce retraité ayant compris l’obsession de sa femme à aller aux Etats-Unis, s’est marié à une paysanne et analphabète de son village. Pour un autre, c’est la femme même qui s’est investie à lui trouver une femme pour se libérer. Ces deux cas ne sont qu’une goutte d’eau dans un immense océan.

Car pour un vieux les obstacles sont nombreux parfois infranchissables pour trouver une femme. Même s’il veut, il ne peut pas. Et pour cause, non seulement son âge, mais aussi l’opposition de la première femme. Même absente, cette dernière ne tolérera pas un tel acte. Encore moins ses enfants. C’est le début de l’enfer pour un homme qui aura consacré toute sa vie pour rendre une femme et ses enfants heureux. Pour l’honneur et la dignité des victimes, nous nous abstenons de citer des noms. Mais ils sont désormais nombreux et leur situation parfois dramatique, comme nous allons le voir.

Ceux qui se marient sans le consentement de la première femme et parfois ses enfants, le font à leur risque et péril. Comme le cas de ce grand cadre de l’administration qui avait profité de l’absence prolongée de sa femme pour prendre une autre. La première, ne digéra pas l’affront. Après avoir obtenu le divorce, elle avait réussi à rallier leurs deux garçons à sa cause. L’un des enfants, ira jusqu’à demander à son père de calculer tout ce qu’il a dépensé pour lui afin qu’il rembourse ces frais. Après ce remboursement les deux hommes devaient rompre tout contact.

Après de longues années de mariage, retour au célibat

C’est pour éviter de tels déboires au crépuscule de leur vie que beaucoup d’hommes se résignent à renouer avec le célibat après avoir mené une vie conjugale pendant trois à quatre décennies. Comme ce fonctionnaire victime d’un AVC pendant que sa femme et ses enfants se trouvaient à l’extérieur du pays. Informés, les parents du village s’étaient réunis dans l’urgence pour désigner un d’entre eux afin de venir à Conakry pour rester au chevet de son frère. Cette famille avait estimé qu’elle ne pouvait, en aucun cas, abandonner cet homme qui a été tout pour eux à ses heures de gloire.

Au moment même où nous mettons ce papier en ligne, il y a le cas malheureux d’un autre fonctionnaire à la retraite. Malade est abandonné par les siens. Pendant la journée une femme de ménage s’occupe de sa nourriture. Le soir venu, elle rentre à la maison. Abandonnant le vieux malade tout seul dans un vaste bâtiment où il y a tout sauf une épouse. Ce fonctionnaire à la retraite, qui a sillonné le monde pendant sa vie active, sait que les pays développés ne sont pas un Eldorado pour les personnes âgées. Malgré le souhait de ses enfants de les rejoindre, il préfère la solitude africaine que l’indifférence américano-européenne. Sans compter que d’autres femmes, pour obtenir des papiers, se déclarent divorcées dans leur pays d’accueil. Ce qui fait que la présence d’un intrus à la maison peut susciter des interrogations.

Un bémol

A tous ces problèmes malheureux, il y a des exceptions qui confirment la règle. Comme cet homme, ayant une situation plutôt enviable au Canada, qui était revenu pour s’occuper de ses parents. Ironie du sort, c’est sa mère, plus jeune que son père, qui décède la première. Il décide alors que seule la mort va le séparer de son vénéré père, malade et veuf.

Au regard de tous les problèmes, auxquels cette couche vulnérable est confrontée, le ministère des Affaires sociales devrait tenir compte de cette nouvelle dimension sociale pour identifier certaines personnes âgées et abandonnées par les leurs. Car si les femmes et les enfants étaient jusqu’ici les seules personnes vulnérables, désormais nous assistons à un revers de la médaille avec des vieux qui rallongent la liste des personnes nécessitant une protection sociale. Et, paradoxalement, ce sont des vieux qui sont tout sauf pauvres.