Que sont-ils devenus ? Chebly Hawil alias ‘’Monsieur PINOT’’ de la troupe ‘’Pèsè’’ nous plonge dans son univers d’artiste

il y a 8 mois 170
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« Nous sommes des bibliothèques, qui continuent de brûler dans le désert »

D’origine libanaise, Chebly Hawil alias Monsieur PINOT est acteur comédien et actuel Directeur de la troupe ‘’Pèsè’’.  Né à Boké en 1948, Chebly Hawil est fils de feu Aly et de feue Mary Kleit qui est métisse peulh. Du côté maternel, il est petit fils d’Aissatou Barry et arrière-petit-fils de Fatoumata Binta Barry, toutes originaires de Timbo. Chebly Hawil est marié à 1 femme et père de 12 enfants, dont 8 vivants (5 filles et 3 garçons).

Il a commencé son école coranique auprès de sa grand-mère, et a rejoint après son père à Bouramaya-Wassou (Dubréka), où il débuta son école primaire et continua au collège cours technique de Donka. Il a terminé, dit-il, ses études en Génie-civil, option Bâtiment.

Chebly Hawil a travaillé durant plusieurs années au sein des entreprises privées de construction, dont SOGUICO (Société Guinéenne de Construction), Raoul Follereau et plusieurs autres sociétés de la place. Il a servi au niveau de l’implantation des écoles, des postes de santé et des centres de santé.

Chebly Hawil a intégré pour une durée de 5 ans la fonction publique au niveau de l’usine de Sanoya. C’est à partir de là, qu’il rendra le tablier au profit des entreprises privées de construction, qu’il a trouvé plus bénéfiques car, finalement, il va créer sa propre entreprise dénommée « ECBRE » (Entreprise de Construction Bâtiment, Rénovation et Entretien). Enseignant du primaire, il l’a été aussi dans le village de Bouramaya-Wassou pendant 3 ans.

Acteur comédien, actuel directeur de la troupe ‘’Pèsè’’, Chebli Hawil est aussi chef du secteur Familia du quartier CBA Nord dans la commune de Ratoma, où il gère près de 5 000 habitants.

Dans cette interview accordée à Guinéenews, le célèbre comédien Chebil Hawil, se livre à cœur ouvert pour parler de son parcours, son recrutement au sein de la troupe pèsè, en somme de sa vie d’acteur comédien, et toutes les difficultés liées à l’exercice de ce métier.

Enfin, ‘’Monsieur PINOT’’ sollicite l’aide des autorités de ce pays, le président Général Mamady Doumbouya et son Gouvernement, pour venir au secours des acteurs pour le rayonnement de la culture guinéenne.

Lisez !

Guinéenews : vous êtes acteur-comédien et directeur de la troupe ‘’Pèsè’’. Avant tout cela, pouvez-vous nous parler de ces autres casquettes que vous portez en dehors du théâtre ?

Chebil Hawil ‘’M. Pinot’’ : je vous remercie d’avoir effectué ce déplacement pour venir me rencontrer à domicile. C’est un sacrifice que vous consentez pour nous les anciens. Après mes études au collège cours technique de Donka, j’ai été orienté en Génie-civil,  option Bâtiment. J’ai aiguisé mes armes dans la pratique au sein de plusieurs entreprises qui ont évolué dans le pays. Je peux citer la SOGUICO (Société Guinéenne de Construction), la Société de construction de Raoul Follereau et plusieurs autres avec lesquelles, j’ai participé à la construction des écoles, des postes de santé, des centres de santé et tas d’édifices publics. Je me rappelle avoir été de l’équipe, qui a construit l’usine de Sanoyah, et j’ai été finalement recruté comme employé au compte de la fonction publique. Je n’ai fait que 5 ans à la fonction publique et honnêtement, c’est sur propre décision, que j’ai rendu démission et sans vous mentir, j’étais habitué au beurre (argent) dans l’entreprenariat. J’aime dormir, me lever et travailler quand je veux. C’est dans cette optique, que j’ai créé ma propre entreprise dénommée ECBRE (Entreprise de Construction, Bâtiment, Rénovation et Entretien). Je détiens toujours mon agrément, sauf qu’il est difficile aujourd’hui d’avoir des marchés dans ce pays. Une autre seconde casquette est ce métier d’enseignant, que j’avais exercé dans mon village. J’ai enseigné pendant 3 ans le primaire dans Bouramaya-Wassou. Quant à ma venue dans le théâtre, cela date de longtemps. Après l’indépendance, tout le monde était artiste dans ce pays. J’ai joué dans le théâtre national avec plusieurs cadres de ce pays. Je peux citer Mory Condé qui était un véritable metteur en scène, feu Marcelin Bangoura, Sam, qui était au palais du peuple, Roda Fawaz, Docteur Lakiss et tant d’autres, avec les quels, j’ai partagé la scène. Avant donc la troupe ‘’Pèsè’’, j’ai appartenu au Théâtre national de Guinée. Je me rappelle encore de la pièce de théâtre intitulé ‘’ Thiaroye’’ ou ‘’ L’aube sanglante’’. C’est une pièce de la Fédération de Dabola, qui avait été primée lors des festivals à Conakry. Avec le Théâtre national, cette pièce a été rejouée au festival de Lagos. Et vu mon teint, j’ai toujours joué les rôles spécifiques du colon blanc.

Guinéenews : vous aviez eu auparavant une expérience dans le domaine des arts. Dites-nous comment aviez-vous rejoint la troupe ‘’Pèsè’’ ?

Chebil Hawil ‘’ Mr Pinot’’ : C’est un fait du destin qui m’a conduit au sein de la troupe ‘’Pèsè’’. La troupe s’était intéressée à mon jeune frère feu Said Hawil, pour qu’il joue le rôle du blanc ou du colon dans leur pièce. Mon frère n’étant pas imprégné du théâtre, il me proposa aux dirigeants de la troupe et le rendez-vous fut fixé. Bien entendu que j’avais une expérience en matière de théâtre, c’est à travers le rôle de ‘’Monsieur Pinot’’ dans la pièce ‘’Madègèma’’, que j’ai été recruté au sein de la troupe. Les téléspectateurs de la RTG se sont longtemps réjouis des prestations des différentes troupes de théâtres de la capitale. J’ai vite intégré le groupe et partout où, il y avait un rôle assigné au blanc, je l’incarnais avec sérieux et compétence. A travers cette interview, permettez-moi de rendre un vibrant hommage à mes devanciers collègues, artistes comédiens qui ont été rappelés à Dieu. Je prie le Tout puissant Allah de leur réserver le paradis céleste.

Guinéenews : A part le théâtre national, la Troupe ‘’Pèsè’’, dans votre parcours, aviez-vous évolué dans d’autres troupes théâtrales ?

Chebil Hawil ‘’ Mr Pinot’’ : de manière tampon, je réalise bien des prestations en compagnie d’autres troupes à leur demande. Sans modestie, je crois que par le fait de Dieu, le monopole de ce rôle du ‘’colon blanc’’, me revient à chaque fois que le besoin s’exprime. Je suis donc le ‘’TOUBAB’’ guinéen. Je continue à jouer avec ces troupes, je passe de temps à autres dans des sketchs, pour la sensibilisation de la population. Je passe aussi dans les vidéos des artistes et récemment, le guitariste feu ‘’Petit Condé’’ (paix à son âme), avait sollicité ma participation dans le clip d’un artiste de la place. J’avais répondu à l’appel et le clip est encore là. J’évolue avec la troupe ‘’Pèsè’’, ainsi qu’avec plusieurs autres sur demande de participation.

Guinéenews : nous avions appris un moment qu’il y avait des mésententes au sein de la troupe ‘’Pèsè’’, et pouvez-vous nous éclairer la lanterne sur cette situation de discorde entre vous les acteurs-comédiens ?

Chebil Hawil ‘’ Mr Pinot’’ : c’est après le décès de feu Alkhaly Mohamed Kéita, que je fus nommé directeur de la Troupe ‘’Pèsè’’. C’est vrai qu’il y avait eu des brouilles entre nous et Dieu merci tout est revenu à l’ordre.

Guinéenews : un certain ‘’Moungame’’ dirigeait à l’époque cette troupe. Y a-t-il 2 directeurs pour la seule troupe ‘’Pèsè’’ ?

Chebil Hawil ‘’ M. Pinot’’ : non ! Actuellement, je suis le seul directeur de la troupe. J’ai mis Moungame comme metteur en scène. Des différends ont voulu nous séparer un moment. Aujourd’hui, c’est d’autres objectifs que nous visons. Considérons toutes ces mésententes pour le compte du passé et tout va pour le mieux au sein de la troupe ‘’Pèsè’’.

Guinéenews : par ailleurs, comment se porte actuellement la troupe ‘’Pèsè’’ vu cette prolifération de troupes de théâtre dans le pays ?

Chebil Hawil ‘’ M. Pinot’’ : la troupe ‘’Pèsè’’ se porte bien et nous avons réalisé plusieurs films malgré les faibles moyens. Nous ne sommes pas face à une concurrence. La troupe ‘’Pèsè’’ est un repère. Nous avions été toujours affiliés à la RTG, et nous sommes restés toujours sans rémunération. Aujourd’hui, nous sommes les références dans ce domaine artistique, et j’avoue que nous sommes les plus pauvres dans ce domaine, en quelque sorte les plus abandonnés. Avec les moyens mis à disposition, la troupe ‘’Pèsè’’ de par son expérience et les talents de ces artistes, vous assisterez davantage à de merveilleux numéros.

Guinéenews : situez-nous sur la nature de vos relations avec la RTG et comment vont ces relations ?

Chebil Hawil ‘’ M. Pinot’’ : vous n’êtes pas sans savoir, que c’est la RTG qui avait produit tous nos films à succès. Qu’ils s’agissent de ‘’Pèsè’’, Lewru Dyèrè’’, ‘’Nil Palawou’’, ‘’Benda’’, ‘’Sodia’’ entre autres, c’est à travers cette télévision, que nos différentes œuvres ont été vulgarisées. Nous avions éduqué, informé et distrait ces téléspectateurs, tout en apportant un plus à cette radiotélévision guinéenne. La RTG est en partie propriétaire de nos œuvres. Pour l’instant, la collaboration avec la RTG n’est pas fructueuse pour nous. C’est ainsi que je me suis déplacé un temps, pour rencontrer un des directeurs qui m’a dit, que la RTG n’a rien. Nous avions entamé aussi un partenariat avec une télévision de la place, qui n’a finalement pas abouti, bien que nous ayons eu auparavant l’autorisation de la RTG. Nos relations avec la RTG sont des relations qui dorment encore dans les tiroirs, et dont on a bien envie de réchauffer.     

Guinéenews : qu’est-ce que ce théâtre vous a-t-il apporté après tant d’années en son sein ?

Chebil Hawil ‘’M. Pinot’’ : au niveau de l’Etat, franchement, cela ne m’a rien apporté, sauf ce droit d’auteur dont je bénéficie du côté du BGDA, et vous connaissez bien le contenu de cette enveloppe. J’ai gagné quand même de la réputation car, partout où je passe, je draine de la foule derrière moi. Ce nom d’acteur ‘’M. Pinot’’ est devenu courant et a remplacé mon véritable nom. La popularité est grandissante à travers ce nom, et je suis fier de comprendre, que j’ai joué un rôle important dans le développement de la culture guinéenne.

Guinéenews : vous êtes à la retraite et vous vivez de quoi aujourd’hui ?

Chebil Hawil ‘’M. Pinot’’ : n’eut-été l’économie que j’ai pu faire avec les différents marchés de constructions réalisés par mon entreprise, et le soutien de mes enfants qui sont à l’extérieur, je serai aujourd’hui en train de tirer le diable par la queue. Heureusement, je vis chez moi avec ma famille, mes enfants et mes petits-enfants et je remercie Dieu. Je viens de vous parler aussi du droit d’auteur que je perçois mais insignifiant.

Guinéenews : quel regard portez-vous sur l’actuel théâtre guinéen ?

Chebil Hawil ‘’M. Pinot’’ : ce théâtre n’est pas comme celui d’avant. Il faut oser le dire, que les temps se suivent et ne se ressemblent pas. Le théâtre d’avant était porteur de messages. Il apportait beaucoup plus à cette population. A notre époque, les sujets traités étaient vraiment sensibles, éducatifs et par le message, que par l’accoutrement, tout y était bien dosé. Je ne jette pas la pierre dans le jardin des autres. Il faut que cette jeune génération s’accroche, et puisse émettre des idées non éphémères, mais qui perdurent malgré l’usure du temps. Il ne faut pas forcément jouer pour l’argent.

Etre acteur-comédien est un don, et il faut mériter positivement ce titre. Je salue ces nombreux efforts, provenant des jeunes qui ont vraiment du talent, et qui doivent accepter d’être bien encadrés.

Guinéenews : les chaines de télévision sont inondées de programmes de séries qui sont régulièrement suivis en Guinée et partout ailleurs. Est- ce que ces programmes de séries n’ont pas d’impacts sur les productions locales du cinéma guinéen ?

Chebil Hawil ‘’ Mr Pinot’’ : ne vous posez même pas cette question car la réponse est claire. Cette invasion efface, détruit et tue le cinéma guinéen. C’est une guerre, une bombe lancée à l’endroit du cinéma guinéen. Ces films ou séries commencent même à atteindre les attitudes, les comportements, le mode d’habillement de plusieurs guinéens accrocs à la chose. Une prise de conscience doit se déclencher à tous les niveaux. Les autorités doivent soutenir le cinéma guinéen, les acteurs comédiens doivent se ressourcer, pour mieux puiser leurs inspirations dans le terroir guinéen. Restons dans cette mutation de l’arrière-grand-père à l’arrière-petit-fils. Il faut que l’Etat aide les artistes comédiens pour sortir de cet état stationnaire. Vivons et valorisons notre propre culture et laissons les identités des autres.

Guinéenews : que pensez-vous de la piraterie qui est un autre élément qui secoue votre secteur ?

Chebil Hawil ‘’M. Pinot’’ : la piraterie est un phénomène nocif pour notre secteur. Nous sommes victimes et nos productions sont piratées au vu et au su de tout le monde. C’est purement et simplement un vol et c’est méchant de leur part. Luttons contre la piraterie et c’est dans ce sens, que nous serons heureux. J’ai même proposé à mes collègues de chercher une autorisation pour vendre nos œuvres. Il n’y a plus par où donner la tête et c’est dommage pour la culture guinéenne.     

Guinéenews : quels conseils allez-vous léguer à la jeune génération de danseurs, chanteurs, acteurs comédiens pour mieux exploiter nos intarissables potentiels culturels ?      

Chebil Hawil ‘’M. Pinot’’ : à mes enfants, à nos enfants, je leur dirai de remettre les pieds sur terre. Notre pays regorge d‘inépuisables ressources dans le domaine culturel. Il faut se vêtir de la peau du Guinéen que nous avions été et que nous continuons d’être. S’habiller guinéen, danser guinéen, consommer guinéen étaient des vertus inébranlables chez le Guinéen de cette autre époque. Soudez-vous à votre culture, exploitez judicieusement ce qui se trouve dans vos mains, au lieu d’aller chercher ailleurs, ce qui ne vous appartiens pas.  

Guinéenews : physiquement, vous avez la bonne mine et apparemment bien portant. Du haut de vos 76 ans, peut-on savoir néanmoins le contenu de votre carnet de santé ?

Chebil Hawil ‘’M. Pinot’’ : je suis entièrement d’accord avec vous, quand vous dites que j’affiche une bonne mine. Quand tu es malade, il faut te soigner. Le stress ça tue ! Il ne faut pas vivre la vie des autres. L’ambition démesurée est une autre maladie qui ronge car, au risque de ne pas atteindre ces vœux imaginaires, on devient malade et je ne sais de quoi. Mon carnet de santé se porte bien. A cet âge, je gère bien mon manger, je me nourris du naturel pour conserver la bonne santé. Je vis du poisson frais, fumé et beaucoup de légumes. Je veille sur ma santé et à chaque moment, je fais des visites médicales pour me rassurer de mon état de santé. Pour l’instant tout va pour le mieux et je rends grâce à Dieu.

Guinéenews : Dieu soit loué ! vous êtes en bonne santé. Et tant d’années dans ce métier, quel est le souvenir le plus beau et le plus mauvais que vous retenez dans le parcours ?

Chebil Hawil ‘’ M. Pinot’’ : pour aller droit au but, je ne vais jamais oublier la pièce intitulée ‘’La plantation de Monsieur PINOT’’ et cette autre pièce ‘’La Guinée est une et indivisible’’.   

Guinéenews : en quoi vous n’oublierez pas ces différentes pièces de théâtre ?

Chebil Hawil ‘’M. Pinot’’ : ‘’ La plantation de Monsieur PINOT’’ a été le film qui m’a propulsé, et m’a maintenu au-devant de toutes les scènes. C’est ce film qui m’a rendu célèbre et partout où je passe, ce sont les mêmes acclamations et considérations. Je n’oublierai pas le premier jour de la projection de ce film. Tout récemment, quand nous avions été reçus par le Président de la transition, il n’a pas hésité de me dire, qu’il m’a reconnu et que j’ai un moment bercé sa jeunesse. C’est un bon souvenir pour moi. Je ne parlerais jamais de mauvais souvenirs. Je suis toujours resté positif dans ma vie. ‘’La plantation de Monsieur PINOT’’ ou ‘’Madègèma’’ restera un souvenir indélébile dans ma carrière.

Guinéenews : avez-vous un cri de cœur ou un appel à lancer en cette fin d’interview ?

Chebil Hawil ‘’M. Pinot’’ : j’ai plus qu’un cri de cœur à lancer. Nous sommes des bibliothèques, qui continuent de brûler dans le désert. Nous sommes des oubliés dans ce pays, pendant que la Guinée m’a vu naitre et j’ai vu la Guinée évoluer. Je prie le chef de l’Etat, le Général Mamady Doumbouya, et l’ensemble de son Gouvernement de nous assister, de nous aider, afin de pouvoir continuer, à participer au développement de la culture guinéenne. Il ne faut pas refuser le sucre, parce que le paquet est vilain. Et c’est dans les vieilles marmites, où sortent les douces sauces. Je vous remercie et très bon courage à vous.

Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guineenews

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