Plongée dans le quotidien d’Aissatou Camara, 55 ans de pratique de fumage de poissons

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Sous une pluie battante, Aissatou Camara, enveloppée d’une épaisse fumée s’active sous une tente installée à Tayaki dans la commune de Sonfonia, en haute banlieue de Conakry. Elle déverse des poissons éventrés sur le fumoir. La septuagénaire revendique 55 ans de pratique de fumage de poissons.

Mme Aissatou Camara a grandi à Gbessia Cité 1 où elle a appris le métier après le décès de son père. “J’ai commencé à fumer du poisson Bonga que je récupérais au port de Boussoura. Mon père étant décédé, il ne restait personne pour s’occuper de nous. Le fumage de poissons est ainsi devenu notre moyen de subsistance. Nous sommes restés dans cette activité, et après mon mariage, je suis venue m’installer à Tayaki”, explique la vieille dame.

Ce qui avait commencé comme un simple moyen de survie est devenu un mode de vie permanent. Grâce à sa détermination, elle a réussi à se construire un toit. “En arrivant ici, j’ai commencé à poser des filets en mer pour attraper du poisson, moi-même, en tant que femme. Dès que j’ai pu économiser un peu d’argent, j’ai construit une maison. Aujourd’hui, je suis tellement habituée à cet endroit que j’ai presque l’impression de ne jamais avoir connu Gbessia. C’est ici désormais chez moi. Je ne fais rien d’autre que fumer et revendre du poisson.”

Le silure fumé ou « Konkoye en langue soussou», est très apprécié par les consommateurs. Pourtant, obtenir cette précieuse ressource maritime n’est pas chose aisée. Il faut une grande patience et un travail de longue haleine, nécessitant une coopération étroite entre pêcheurs et fumeuses avant que le poisson n’arrive sur les étals du marché.

“Les pêcheurs nous approvisionnent en silure lorsqu’ils reviennent de la mer. C’est ainsi que nous gagnons notre part. Mais les pêcheurs n’ont pas d’horaire fixe. Ils peuvent revenir à tout moment, parfois même en pleine nuit, et je reste ici à les attendre. S’ils reviennent le matin, comme aujourd’hui, je fume les poissons et je finis avant la prière de 14 heures. S’ils reviennent à minuit, je passe le reste de la nuit à fumer pour finir au petit matin. Dès le lever du soleil, je pars vendre le poisson au marché, parfois à Entag, parfois à Gbessia”, explique Mme Camara.

Comme toutes les activités génératrices de revenus, le fumage du silure est accompagné de nombreuses difficultés et d’une fatigue constante. “Les défis sont énormes. La fumée me fatigue beaucoup, surtout les yeux. Mon corps ne tient plus. Je vais souvent à l’hôpital où on me recommande des perfusions ou de boire du lait fréquemment. J’ai déjà été très malade et j’ai dû être hospitalisée”.

Malgré son âge avancé (plus de soixante ans), Aissatou est encore contrainte de continuer cette activité, qui a marqué son enfance et est devenue aujourd’hui son seul moyen de subsistance.

“Aujourd’hui, j’ai des petits-enfants, mais je suis la seule à continuer de fumer le poisson. Si je poursuis cette activité, c’est uniquement à cause de la pauvreté ; sinon, j’aurais déjà abandonné, car les bénéfices sont devenus très maigres. Ce que je gagne suffit juste à couvrir les dépenses quotidiennes”.

Sur les côtes guinéennes, Aissatou n’est pas la seule. De nombreuses femmes, tout aussi courageuses, continuent de se consacrer au fumage de poissons, perpétuant ainsi une tradition artisanale malgré les difficultés croissantes.

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