Liberté de la presse en Guinée : « Le régime de transition, installé depuis le coup d’État de septembre 2021, n’a pas tenu ses promesses » (RSF)

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Le régime de transition, installé depuis le coup d’État de septembre 2021, n’a pas tenu ses promesses de garantir la liberté de la presse en Guinée. Malgré le pluralisme des médias existant, les entraves et attaques contre les journalistes et les médias s’enchaînent dangereusement.

Depuis les années 1990, la presse écrite est florissante : sur 65 hebdomadaires existants, dix paraissent régulièrement, qu’il s’agisse de journaux satiriques comme Le Lynx, ou de journaux d’information générale comme L’Indépendant. Le secteur audiovisuel est composé d’au moins 60 radios et d’une dizaine de chaînes de télévision. En ligne, une centaine de sites d’information ont vu le jour en 25 ans. Le paysage médiatique est pluraliste. La loi sur la liberté de presse de 2010 empêche aussi une concentration excessive des médias. Pourtant, la production d’informations critiques est de plus en plus difficile sous les autorités de la transition. Quatre stations de radios privées font l’objet d’un brouillage constant depuis novembre 2023, trois chaînes de télévision privées sont quasiment inaccessibles, et au moins trois sites d’information ont été bloqués pendant plusieurs semaines sans explication en 2023.

Alors que le gouvernement de transition s’était engagé auprès de RSF à respecter la liberté de la presse, juste après son arrivée au pouvoir en octobre 2021, les atteintes commises par les autorités se sont multipliées ces derniers mois, notamment via la censure de plusieurs médias à grande audience. Les médias concernés ont tous en commun de suivre une ligne éditoriale libre et critique. L’organe de régulation des médias, la Haute Autorité de la communication (HAC), a retiré en décembre 2023 trois chaînes de télévision de bouquets télévisuels pour des raisons de “sécurité nationale”. C’est également un « problème sécuritaire » que le ministre des Affaires étrangères avait invoqué pour expliquer le blocage de l’accès aux réseaux sociaux dans le pays durant trois mois.

La fin des peines privatives de liberté pour les délits de presse consacrée dans la loi sur la liberté de la presse promulguée en 2010 constitue une avancée majeure pour protéger les journalistes. Toutefois, des journalistes continuent de faire l’objet de convocations ou d’arrestations, comme ce fut le cas pour une dizaine de journalistes en octobre 2023, puis en janvier 2024. La loi organique portant sur le droit d’accès à l’information publique et instaurant le principe de transparence n’est toujours pas en vigueur malgré son adoption en novembre 2020. En septembre 2022, la Haute Autorité de la communication (HAC) a suspendu cinq journalistes sans respecter les procédures légales.

En Guinée, les médias de service public sont favorisés aux dépens des médias privés, l’État leur donnant la priorité dans l’accès aux événements officiels et pour effectuer les communications gouvernementales. Les subventions accordées aux médias privés sont jugées insuffisantes. Les médias privés fonctionnent surtout grâce aux annonceurs. Mais lorsqu’ils sont restreints ou censurés, ces annonceurs se montrent frileux et résilient les contrats. Les médias concernés sont obligés de réduire leurs programmes ou de cesser complètement de fonctionner, mettant les journalistes en chômage technique, faute de moyens.

Quelques sujets comme l’homosexualité la polygamie ou les violences conjugales sont traités avec une certaine prudence, voire de la retenue pour ne pas heurter la morale publique. Il arrive également que des journalistes abordant la question de la lutte contre les mutilations génitales féminines ou du mariage forcé soient ciblés par des groupes d’intérêt religieux.

Les journalistes sont régulièrement victimes d’agressions et de violences, particulièrement lors de manifestations politiques. Ils sont également fréquemment victimes de menaces de mort et de harcèlement sur les réseaux sociaux. Les auteurs de ces actes de violence, souvent des agents des forces de l’ordre mais aussi des militants de partis politiques, restent dans l’immense majorité impunis. Les arrestations de professionnels des médias sont aussi régulières. Le secrétaire général du principal syndicat de la presse, Sékou Jamal Pendessa, a passé plus d’un mois en détention pour avoir voulu organiser une manifestation pour la liberté de la presse. Le journaliste français Thomas Dietrich a été expulsé début 2024 alors qu’il enquêtait sur des faits de corruption au sein de la Société nationale des pétroles (SONAP).

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