Le tribunal guinéen ne devrait pas juger un accusé en fuite ( Juriste Kalil Camara) 

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Dire qu’un jugement par défaut signifie qu’une personne a été jugée en son absence, c’est ignorer les règles liées à cette procédure et les droits y afférents. Une personne peut être jugée en son absence alors que ce jugement  est réputé contradictoire à son égard. C’est ce qu’on peut déduire du code de procédure pénale traitant du jugement par défaut. 

Lorsque le jugement par défaut est reconnu, la personne concernée dispose du droit de faire Opposition. L’Opposition consiste à ramener la juridiction qui a jugé la première fois l’affaire, à juger à nouveau la même affaire, sans que l’opposant ne soit privé du droit d’appel. Cette procédure n’exclut pas la défense de l’accusé ou du prévenu non comparant ou non excusé ou en fuite( même si ce n’est pas le cas en droit guinéen).

Cependant, il manque au code de procédure pénale guinéen la procédure de jugement par défaut d’un accusé. Cette loi prévoit le jugement par défaut d’un prévenu ( poursuivi pour délit), mais  pas celui d’un accusé( poursuivi pour crime). Pourtant la loi distingue les règles relatives à la comparution et au jugement d’un prévenu de celles applicables à un accusé. Et lorsque ces règles sont communes, la loi l’indique expressément. A défaut de cette précision, les dispositions prévues à l’égard du prévenu sont inapplicables à l’accusé. 

De la Comparution de l’accusé

L’article 478 dispose que « Le prévenu, régulièrement cité à personne doit comparaître, à moins qu’il ne fournisse une excuse reconnue valable par la juridiction devant laquelle il est appelé». Un prévenu qui a reçu la citation est tenu de se rendre au tribunal au jour et à l’heure indiqués. Au cas contraire, il sera jugé et ce jugement, bien qu’il soit absent, est réputé contradictoire ( et non défaut). Il en est de même lorsque le prévenu, bien que n’ayant pas été cité à personne, a eu connaissance de la citation régulière le concernant. Et l’article 482 prévoit que nul, parlant bien sûr de prévenu, n’est recevable à déclarer qu’il fait défaut dès lors qu’il est présent au début de l’audience.

De la comparution de l’accusé

Le législateur guinéen est parti du postulat que l’accusé est toujours détenu. Car même l’accusé qui a été mis en liberté ou qui n’a jamais été détenu au cours de l’information doit se constituer prisonnier au plus tard la veille de l’audience ( Article 252 C.Pr.Pén). 

Au visa de l’article 410 à 412 de la loi susvisée : « L’accusé comparaît libre et seulement accompagné de gardes pour l’empêcher de s’évader». S’il refuse de comparaître, sommation lui est faite par exploit d’huissier. S’il n’obtempère pas à la sommation, le président peut décider qu’il soit amené par la force publique devant le tribunal ou ordonner qu’il soit passé outre aux débats. Dans ce dernier cas, le compte rendu de l’audience lui est fait par le greffier, et tous les jugements rendus sont réputés contradictoires. Ces dispositions traitent de la situation d’un accusé détenu. Mais aucune disposition du code de procédure pénale ne prévoit la procédure de jugement par défaut pour un accusé. 

Qu’en-est-il alors de l’accusé en fuite et particulièrement celui qui était présent au début de l’audience? Le juge guinéen peut-il le condamner? 

Si tribunal constate l’état de fuite de l’accusé qui est différent de la situation d’un accusé détenu qui,  refusant de comparaître reçoit tout de même les procès verbaux et compte rendu du procès, il a le devoir de voir ce que prévoit le législateur dans un cas pareil. Et puisque le législateur guinéen est muet sur cette question, le tribunal ne doit pas se prononcer sur la culpabilité, surtout sans aucune défense. « La fuite ne signifie pas forcément que l’accusé a tort». ( Voir Jurisprudences sur la défense: Le conseil constitutionnel🇫🇷 , la CEDH et la CJUE ont déclaré contraire aux principes de la defense, le fait pour une juridiction de juger un accusé non comparant et non excusé sans avocat alors que celui-ci s’est présenté). 

Dès lors on peut dire que le juge n’a pas le pouvoir de se prononcer sur la culpabilité d’un accusé en fuite, aussi bien que ce dernier soit présent au début de l’audience. En dépit de ce qui précède, la loi détermine également de manière expresse, les mandats de justice et les contextes dans lesquels les magistrats peuvent les décerner. Or, aucune disposition du code n’indique que le tribunal pouvait décerner mandat d’arrêt contre l’accusé en fuite ou détenu. 

Il appartient au législateur de déterminer le pouvoir du juge face à accusé en fuite et la possibilité d’entendre son avocat, comme l’ont fait les législateurs des autres États de de droit ou, de mieux au procureur de rechercher l’accusé. Le pouvoir du juge devait se limiter dans les cas prévus par la loi. 

Kalil Camara, Juriste Journaliste 

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