La célébration de la journée internationale des travailleurs garde sa pertinence en Guinée [Par Safayiou Diallo]

il y a 4 heures 24
PLACEZ VOS PRODUITS ICI

CONTACTEZ [email protected]

En dépit d’un environnement des affaires propice aux initiatives économiques afin 2024 (cf. Note de conjoncture de l’économie guinéenne n°142 du 4ème trimestre 2024), en lien avec la mise en œuvre du programme d’accompagnement de l’Etat visant à favoriser la formalisation des entreprises, la Guinée fait face à une crise persistante du marché du travail. Car, les opportunités diminuent constamment et les secteurs traditionnellement porteurs connaissent un ralentissement sans précédent.

Au lieu de célébrer cette journée ici en Guinée, nous devrions plutôt la mettre à profit pour toucher du doigt la situation du chômage. Suivant le Bulletin trimestriel des statistiques du marché du travail au troisième trimestre 2024 paru au mois de novembre de la même année, les créations d’entreprises ont connu une hausse significative de (+8,4%) après une baisse de (-4,7%) au trimestre précédent. De plus, si, 994 demandeurs d’emploi se sont fait enregistrer auprès de l’AGUIPE et les agences privées de placement et d’intérim seulement 259 offres d’emplois ont été enregistrées au troisième trimestre 2024. Dans ce même rapport, il est indiqué que 1 919 embauches ont été réalisées dont 400 hommes. Ce qui contraste tout de même avec les offres d’emplois (259) sauf s’il s’agit d’un cumul de plusieurs demandes non satisfaites de par le passé. Bref, selon l’INS, les embauches ont augmenté de 21%, après une baisse de 24% au trimestre précédent.  

A la lecture de ces chiffres, l’on se rend compte de la situation gravissime qui, sans action majeure, risque de se détériorer d’année en année. Nul besoin de rappeler le contraste déjà étayé entre demandeurs d’emploi et offres d’emploi. De plus, même s’il y a offre, nous savons tous d’avance que la plupart des postes sont déjà pourvus ou réservés à des parents ou proches alors que les appels d’offres ou intentions formulées ne sont que des feux de paille. Ce n’est pas pour rien que bon nombre de jeunes guinéens estiment de nos jours que leur avenir est ailleurs et non ici, car pour eux le principe décliné par le Professeur Joseph Stiglitz des 1% des riches qui continuent de s’enrichir et des 99% des pauvres qui continuent de s’appauvrir ne fait que s’accentuer. Cela me rappelle un peu la fameuse phrase du Professeur Kako Nubukpo, selon laquelle, je le cite : « J’ai comme l’impression qu’en Afrique, on vit deux (2) histoires : les riches vivent leur histoire à part, les pauvres aussi vivent la leur ». Tout ceci met un accent particulier sur les inégalités de revenus.

Au lieu d’en faire une fête, cette journée du 1er mai doit privilégier la rencontre entre jeunes demandeurs d’emplois et les entreprises. En accueillant ces jeunes qui attendent désespérément qu’on leur ouvre la porte, on pourrait leur redonner une lueur d’espoir. De plus, cette rencontre pourrait susciter d’autres rencontres qui aboutiront éventuellement à des offres de stages ou des contrats de travail. De même, elle pourrait également être une occasion pour les employeurs de dénicher des nouveaux talents, mais aussi et surtout de faire la promotion de leurs produits qu’ils proposent à une clientèle variée.

De l’autre côté, cette journée devrait ainsi permettre d’ouvrir un vaste chantier sur ce que l’Etat guinéen pourrait faire pour maintenir ne serait-ce que les emplois créés. De plus, les syndicalistes devraient saisir cette occasion pour trouver les voies et moyens d’engager des réformes novatrices dans les relations professionnelles avec les employeurs à travers un nouveau contrat social fondé sur un partenariat de plus en plus responsable.

Nul besoin de rappeler que le Covid-19 nous a montré la voie à suivre, tout en rappelant qu’il est important d’investir dans le secteur de la santé qui permettra à moyen terme de renflouer la trésorerie essentielle au développement économique et éviter ainsi aux guinéens de se rendre à tout moment dans les pays voisins et parfois même lointains pour des soins sanitaires. Cet investissement permettra également aux jeunes dont 50% ont moins de 30 ans (cf. enquête démographique réalisée en 2016 par le Ministère du Plan) de trouver une opportunité d’emploi, car le chômage est un phénomène structurel qui frappe davantage les jeunes diplômés. Pour preuve, les chiffres officiels estiment que le taux du chômage se situe à 8% en Guinée en 2024 (chiffre gouvernemental sous-estimant la réalité du terrain). 60% de la population dont l’âge se situe entre 18-35 ans sont particulièrement touchées par ce phénomène. Au niveau des femmes, 42% d’entre elles sont touchées par le chômage. Ce qui dénote une inégalité persistante sur le marché du travail.

Même s’il y a parfois de l’emploi, il s’agit de celui créé au niveau du secteur informel (absence totale de couverture sociale). Nul besoin de rappeler que le secteur informel représente plus de 80% des emplois créés en Guinée en 2024 avec pour corollaire 65% des acteurs du secteur qui sont des femmes. Et même avec le peu de travailleurs formels, seulement 12% ont une assurance maladie, 19% sont couverts contre les risques professionnels (accident de travail par exemple). Bref, c’est seulement 8% des travailleurs qui cotisent pour leur pension contre 15% des familles qui reçoivent des allocations familiales.

En somme, dans un pays comme la Guinée, les perspectives et le modèle de développement économique, social et politique des décennies prochaines dépendent notamment de notre aptitude à créer un nombre suffisant d’emplois décents, susceptible de réduire le chômage et la pauvreté. De nos jours, s’attaquer à la problématique du chômage semble être indispensable en République de Guinée, car les jeunes sont les plus concernés par ce phénomène. Ils sont soit sans emploi, soit cantonnés dans des emplois très peu rémunérés, voire pas du tout rémunérés, appartenant souvent au secteur de l’économie informelle où les heures et les conditions de travail sont inacceptables…

Safayiou DIALLO, Economiste

L’article La célébration de la journée internationale des travailleurs garde sa pertinence en Guinée [Par Safayiou Diallo] est apparu en premier sur Mediaguinee.com.

Lire l'article en entier