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Monique Curtis est membre du Comité Technique de la Mise en Œuvre des Recommandations des Assises Nationales. Nous l’avons interrogée pour parler des grands axes de la Réconciliation nationale en Guinée…
Journaliste : Madame Curtis, merci de nous accorder cet entretien. Vous êtes membre de la Commission Technique qui accompagne le Comité de Pilotage des Assises Nationales. Quelles sont, selon vous, les principales avancées enregistrées dans la mise en œuvre des recommandations des Assises ?
Monique Curtis : Merci à vous. Effectivement, depuis la remise du rapport des assises nationales en Août 2022, on peut noter plusieurs avancées majeures dans la mise en œuvre des 45 recommandations. Au lendemain de la remise de ce rapport, nous avons tout de suite entamé la vulgarisation des 45 recommandations du rapport à travers tout le pays. Parmi les réalisations concrètes, je citerais aussi la mise en place des instances de suivi des recommandations, l’adoption de la loi sur la protection des victimes et témoins, la tenue du procès des événements tragiques du 28 septembre 2009, ainsi que la prise en charge médicale des victimes de violences corporelles. L’un des résultats les plus significatifs est la restitution des titres fonciers et des plans parcellaires aux victimes des déguerpissements de Kaporo-Rails, Kipé 2 et Dimesse, des événements de 1998 et 2019 qui ont laissé des cicatrices profondes dans ces communautés. D’autres réformes qui relèvent des politiques publiques sont en cours et elles sont plus difficiles à percevoir. Mais il y a de l’action.
Journaliste : Vous évoquez la restitution des titres fonciers pour les victimes de Kaporo-Rails. Quelle est l’importance de cette mesure dans le processus de réconciliation nationale ?
Monique Curtis : Cette restitution est symboliquement très forte. Elle permet non seulement de réparer un tort historique, mais aussi de restaurer la dignité des victimes qui ont longtemps attendu justice. Ces expropriations ont laissé des milliers de personnes sans ressources, et la restitution de leurs biens fonciers représente un pas important vers une réconciliation plus large, en rendant justice à ces familles. Ce geste témoigne également de la volonté ferme du gouvernement de mettre en œuvre les recommandations des Assises et de tenir ses engagements.
Journaliste : Mais il y a une action en justice sur ce dossier. Est-ce que votre démarche est la bonne ?
Monique Curtis : Le comité national des assises n’est pas la justice encore moins le comité technique chargé du suivi de la mise en œuvre des recommandations des assises. Un travail a été confié à une catégorie de citoyen avec des TDR clairs pour le comité des assises nationales à savoir, écouter les citoyens, procéder à un recensement des différentes situations de violence d’état, d’injustice sociale et administrative. Et nous avons accompli notre mission dans les délais impartis et nous avons aussi rendu compte à son Excellence monsieur le Président de la République et son gouvernement. Il faut situer les choses dans leur contexte. Nous effectuons un travail d’accompagnement. Le comité technique de suivi de la mise en œuvre des recommandation des assises n’est pas là pour juger, mais d’accompagner, en toute discrétion, la mise en œuvre des recommandations des Assises Nationales, conformément à la mission qui lui a été confiée. Elle œuvre à la matérialisation des actions en faveur de la réconciliation et de la réparation des torts, tout en respectant les procédures légales en vigueur. Sa mission est avant tout celle d’un facilitateur, garantissant que les recommandations soient traduites en actes concrets pour renforcer la cohésion sociale. Et pour conduire cette action, nous avons un président et un comité de pilotage.
Journaliste : Quelles sont les autres actions entreprises dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations des Assises Nationales ?
Monique Curtis : Au-delà de la question foncière, de nombreuses actions visent à améliorer la gouvernance et la lutte contre les inégalités. Nous avons assisté à l’adoption d’une loi cruciale pour la protection des victimes et des témoins, renforçant ainsi l’accès à la justice. Le procès des événements du 28 septembre 2009 a aussi marqué une étape importante dans le processus de vérité et de justice. Nous travaillons activement à la prise en charge des victimes de violences corporelles qui ont témoigné lors des Assises, et cela se fait avec des soins médicaux appropriés.
Journaliste : Comment évaluez-vous l’engagement des autorités, notamment du Président de la République, dans ce processus ?
Monique Curtis : Le Président de la République, le Général de Corps d’armée Mamadi Doumbouya, a clairement manifesté sa volonté de faire avancer le processus de réconciliation nationale. Lors de la cérémonie de remise du rapport final des Assises, il a pris un engagement solennel pour veiller à la mise en œuvre de chacune des 45 recommandations. Les avancées que nous constatons aujourd’hui, notamment la restitution des titres fonciers ou encore la protection des victimes, en sont la preuve. Cet engagement est crucial pour la réussite de ce processus.
Le rapport des assises avait suggéré des démarches en Guinée et à l’étranger pour l’obtention de la déclassification des archives portant sur le pays, afin d’entamer un travail mémorial qui sera piloté par un comité scientifique qui aura pour mission d’écrire l’histoire générale de la Guinée.
Aujourd’hui, un groupe de travail est créé pour la réécriture de l’histoire de notre chère Guinée au-delà de toute passion et par des historiens guinéens. Ce travail sera fait en collaboration avec l’UNESCO et sous la tutelle du ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de l’Innovation. Je vous prie de noter que le dialogue politique conduit par les trois facilitatrices est une recommandation des Assises Nationales. Nous effectuons notre travail et nous rendons compte avec des propositions concrètes.
Journaliste : Quelles sont les prochaines étapes pour la Commission Technique ?
Monique Curtis : Nous continuerons à travailler pour assurer la mise en œuvre effective des recommandations dans leur totalité. Il s’agit d’un processus continu qui demande la mobilisation de tous les acteurs impliqués. Nous allons intensifier nos efforts pour renforcer la cohésion sociale et promouvoir la réconciliation nationale. Cela inclut des mesures supplémentaires pour améliorer la gouvernance et la transparence, ainsi que des actions pour garantir la protection et l’égalité des droits pour tous les citoyens. Nous sommes fortes des propositions et des actions de suivi. Nous ne sommes pas la justice. Mais le fait déjà de mettre en place une commission chargée de ce sujet est un pas. C’est un long processus.
Journaliste : Un dernier mot pour nos lecteurs ?
Monique Curtis : Je voudrais rappeler à tous les Guinéens et Guinéennes que la réconciliation nationale est l’affaire de tous. Nous devons soutenir ce processus initié par le Président de la République. Cette dynamique bénéficie d’un soutien du Premier ministre Amadou Oury Bah, lui-même ancien membre du comité national des assises nationale et aussi membre du comité technique chargée de la mise en œuvre des recommandations des assises. Si vous avez suivi l’actualité des dernières semaines, le Premier ministre n’a pas manqué de marteler l’importance de la réconciliation et les acquis de la mise en œuvre des recommandations des assises. Les avancées sont notables mais nous n’allons nous satisfaire tout d’un coup car il reste beaucoup à faire.
Le travail de la commission technique est semblable à celui d’une horloge silencieuse ; invisible pour beaucoup, mais essentiel pour que chaque seconde du processus de réconciliation nationale avance avec précision et justice.
J’invite aussi vous les médias à vous s’intéresser à ce processus de réconciliation par un travail de recherche pour partager avec les citoyens ce qui a été fait et ce qui reste à faire ou le train qui n’est pas arrivé à l’heure dans ce processus. Votre mission est aussi d’éclairer les différentes parties prenantes.
Propos recueillis par Mamadou C. Savané
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