Haute Guinée : des citoyens accusent des militaires à Mandiana de confiscation d’essence, l’armée évoque un trafic vers le Mali

Une saisie de 59 bidons d’essence provoque la colère de maraîchers à Balandougouba, sur fond de crise du carburant et de soupçons de contrebande.

La crise du carburant qui frappe la Haute Guinée continue d’alimenter les tensions.

À Mandiana, une affaire de saisie controversée de 59 bidons d’essence oppose depuis plusieurs jours des maraîchers de Balandougouba à des militaires stationnés à Sidikila, localité frontalière du Mali.

Les premiers dénoncent une confiscation arbitraire, tandis que les seconds affirment avoir intercepté un trafic transfrontalier.

Des maraîchers dénoncent une confiscation arbitraire

Selon plusieurs habitants de Balandougouba, leur carburant, destiné à l’irrigation de leurs jardins, aurait été saisi par des militaires déployés à Sidikila.

« Nous avions acheté 59 bidons d’essence à Siguiri pour arroser nos jardins », explique un des propriétaires.

« Arrivés à Sidikila, des militaires de la société GBG ont arrêté notre véhicule. Ils ont tout envoyé à leur base. Quand nous avons voulu négocier, un soldat nommé Billy nous a dit que c’était fini. Ils ont partagé les bidons entre eux et revendu le reste aux habitants du village, avant d’envoyer l’argent au colonel à Mandiana. »

Les maraîchers affirment avoir perdu leurs récoltes à cause de cette saisie.

« Sans carburant, nous ne pouvons pas pomper l’eau. Toutes nos plantations sont gâtées. Nous demandons simplement que notre argent nous soit rendu », plaident-ils.

Le PDS de Balandougouba appuie les plaignants

Le président de la délégation spéciale (PDS) de Balandougouba confirme leur version.

« Effectivement, le carburant provenait de Siguiri et était destiné à l’irrigation. J’ai appelé le capitaine Billy Condé pour lui expliquer, mais il m’a dit avoir déjà informé le colonel Sandey Touré. Ce dernier a refusé de restituer les bidons, prétextant qu’il s’agissait d’un trafic vers le Mali », explique-t-il.

Selon lui, malgré des alertes adressées au préfet et au maire de Mandiana, aucune solution n’a été trouvée.

« Le carburant a été revendu et l’argent envoyé au camp, sans que les propriétaires ne reçoivent un seul franc », regrette le PDS.

Le colonel Sandey Touré assume et contre-attaque

Contacté par notre rédaction, le colonel Sandey Touré, commandant du camp militaire de Mandiana, assume la saisie mais réfute toute illégalité.

« Le PDS de Balandougouba est lui-même impliqué dans le trafic de carburant. Ce n’est pas la première fois », soutient-il.

« J’ai ordonné à mes hommes de revendre l’essence au prix réglementaire de 12 000 francs le litre et de distribuer les bidons par groupe de quatre. L’argent a servi aux besoins des troupes sur le terrain. »

Et de conclure : « Si le PDS veut porter plainte, qu’il le fasse. Moi, je suis tranquille. »

Le préfet de Mandiana se désolidarise

Interrogé sur l’affaire, le préfet de Mandiana prend ses distances : « Lors des réunions de coordination, il a toujours été formellement interdit de revendre les carburants saisis. Ces produits doivent être remis à la SONAP. Si le colonel a fait autrement, cela n’engage que lui », a-t-il précisé.

Des témoignages contradictoires sur le terrain

Mais tous ne partagent pas la version des maraîchers.

Kémo Camara, citoyen de Farassaba-Bin, affirme qu’un trafic vers le Mali existe bien : « C’est nous qui sommes sur place. L’essence est destinée au trafic. À Sidikila, ils ont des pirogues pour la faire passer sur le fleuve, la nuit. Je les ai vus de mes propres yeux. »

Un autre habitant de Balandougouba, sous couvert d’anonymat, renchérit : « Dire que l’essence était pour le maraîchage, je n’y crois pas. Ici, on paie un litre d’essence à 80 000 francs guinéens. Il y a forcément un trafic. »

Une tension croissante dans un contexte de pénurie

Dans cette région frontalière où le carburant se fait rare, l’affaire révèle un climat de méfiance entre civils et militaires.

Entre accusations croisées, pertes économiques et suspicions de contrebande, la tension reste vive en Haute Guinée, où chaque litre d’essence vaut désormais son pesant d’or.

Karifa Doumbouya, correspondant régional à Kankan

612 512 279

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