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En Guinée, la corruption reste un problème omniprésent et complexe depuis quatre décennies. Malgré ses répercussions négatives considérables sur l’économie, le système politique et le tissu social, elle se pratique au grand jour, devenant une réalité quotidienne. La quête de gains faciles et l’impunité ont engendré une érosion des valeurs morales et éthiques parmi les agents publics, et même ceux du secteur privé. D’un domaine à l’autre, les comportements favorisant la corruption abondent : pots-de-vin, commissions généralisées, racket par les forces de l’ordre, favoritisme dans les passations de marchés publics, irrégularités dans les opérations douanières et pratiques douteuses lors des concours de recrutement de la fonction publique. Transparency International classe le pays 147e sur 180 en matière de corruption.
Ainsi, en accédant au pouvoir le 5 septembre 2021, le général Mamadi Doumbouya a fait de la lutte contre la corruption une priorité. Il a rapidement doté la Guinée d’une Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF), instituée dès les premières heures de son régime. Cette juridiction pénale, qui agit à la fois en première et en deuxième instance, a pour vocation de combattre les infractions économiques et financières. Elle cible également la corruption, le blanchiment de capitaux et les violations du droit des affaires.
Dès son installation en décembre 2021, la CRIEF a commencé à traiter des dossiers transmis par les autorités. Des enquêtes judiciaires ont été ouvertes pour des faits présumés de détournement de fonds publics. Les archives judiciaires ont été revisitées pour relancer des procédures longtemps restées en suspens.
Les audits réalisés en 2009 sous le régime du CNDD dirigé par le capitaine Moussa Dadis Camara, mais restés inexploités, ont été réexaminés. Des enquêtes ont été menées sur la gestion d’une dizaine d’entités, telles que la société Air Guinée, la Banque centrale, la Société des Chemins de Fer et la défunte société FUTURELEC, appartenant à l’homme d’affaires et politicien Mamadou Sylla. Les responsables de ces institutions ont été convoqués pour rendre des comptes sur leur gestion des biens publics.
Loin d’une chasse aux sorcières, la CRIEF, basée à Conakry, a pour mission de réprimer toutes les infractions économiques ou financières identifiées dans les secteurs public et privé. Avec ses chambres de poursuite et de jugement, elle traite les dossiers de corruption ou de détournement de fonds d’un montant égal ou supérieur à un milliard de francs guinéens (environ 150 000 dollars).
La CRIEF s’est également attaquée à ceux qui se sont illégalement approprié des biens du patrimoine public ou qui ont pillé les caisses de l’État. Après avoir traité des dossiers issus du régime Conté, elle s’est penchée sur ceux de l’administration du professeur Alpha Condé. Parmi les premiers cas examinés figurait celui de la société Djoma SA, une entreprise détenue par l’ancien Intendant général à la Présidence. S’en est suivie une série d’arrestations impliquant des personnalités influentes, telles que l’ex-gouverneur de la BCRG, l’ancien président de l’Assemblée nationale, un ancien Premier ministre, ainsi que plusieurs anciens ministres et cadres. Ces derniers ont été placés sous mandat de dépôt après des interrogatoires au Service d’Investigation de la gendarmerie.
Pour la première fois dans l’histoire de la République de Guinée, un ancien Premier ministre et un ancien président de l’Assemblée nationale ont été emprisonnés pour détournement de fonds. Cette rupture initiée par le CNRD marque un tournant historique. Jusqu’ici, aucun dirigeant n’avait osé lutter véritablement contre les infractions économiques, préférant parfois utiliser ces accusations comme outils de chantage politique.
Cependant, cet élan courageux du général Doumbouya est loin d’être parfait. Trois ans après son accession au pouvoir, de nouveaux cas de corruption émergent parmi les responsables nommés sous son régime. Des cadres assermentés, y compris des hauts responsables des douanes, des services fiscaux et de l’OGP, se retrouvent eux-mêmes impliqués dans des malversations. Ironiquement, ces nouveaux « fossoyeurs » des caisses publiques partagent aujourd’hui les cellules de la Maison centrale de Conakry avec les responsables des régimes précédents.
Ce comportement suscite des interrogations et une certaine lassitude parmi la population : si même ceux qui ont juré sur des livres saints de servir avec intégrité cèdent à la tentation, à qui peut-on faire confiance ?
Malgré ces défis, la machine anti-corruption du général Doumbouya poursuit son chemin. Inspiré par des exemples tels que le Botswana et le Rwanda, il maintient un engagement fort en faveur de la tolérance zéro. Pour de nombreux Guinéens, cette lutte acharnée contre la corruption donne espoir que l’émergence économique prévue pour 2040 ne sera pas compromise par l’émergence de nouvelles formes de corruption.
Au Palais Mohamed V, les scandales récurrents n’ébranlent pas la détermination du général Doumbouya, qui reste le principal artisan de cette bataille contre les pratiques corruptrices.