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En 2023, tout comme depuis l’arrivée au pouvoir du CNRD, l’appareil judiciaire a été largement discuté. Cette fois-ci, ce n’était pas souvent dans le bon sens. Entre le mouvement de colère des magistrats, l’évasion de Claude Pivi, ou encore le boycott des audiences par les avocats, la justice a été au cœur de plusieurs crises et tensions. Mais également de nombreuses critiques, notamment à l’encontre du ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Alphonse Charles Wright.
Après une année 2022 au cours de laquelle il a marqué des points, notamment en organisant le procès sur le massacre du 28 septembre 2009, l’année 2023 sonnait comme l’année de la vérité pour Alphonse Charles Wright, devenu ministre de la Justice en juillet 2022. Le ministre de la justice entreprenant a commencé l’année par une tournée d’inspection dans les juridictions du pays, où il a constaté les dysfonctionnements de l’administration judiciaire et pénitentiaire. C’était également le début des critiques, des conflits, des crises, et des tensions qui allaient marquer son année et celle du département qu’il dirige.
Une première discorde avec des journalistes dès février
Au cours de sa tournée, Charles a parfois pris des mesures à l’encontre des responsables de l’administration pénitentiaire à Guéckédou et à N’Zérékoré. À Kankan, il a également pris position dans l’affaire Nanfo, ce qui lui a valu des critiques de certains journalistes. « Ce sont des journalistes qui manquent de responsabilité, sinon, tu ne peux pas dire à un ministre qu’il est parti diviser, c’est un manque de responsabilité…, » a répliqué le ministre dans l’émission « On Refait Le Monde, » en réponse à des confrères de Kankan qui avaient critiqué son intervention dans cette affaire religieuse. C’est surtout avec les journalistes et chroniqueurs Mohamed Mara et Lamine Guirassy que la discorde a été sérieuse. Ceux-ci avaient révélé dans l’émission « Les Grandes Gueules » que Charles Wright avait amené les magistrats à cotiser pour sa tournée à l’intérieur du pays. En réaction, le ministre a intenté une poursuite judiciaire pour « injure et diffamation. » Le syndicat de la presse privée s’en était mêlé en projetant une manifestation contre le ministre, qui avait finalement retiré sa plainte – mais la HAC avait averti Mohamed Mara pour avoir tenu des propos « discourtois » à l’encontre du ministre.
La justice, jalouse de son indépendance, tente de prendre ses marques
En 2023, la justice, incarnée par le ministre Alphonse Charles Wright, tenait à son indépendance vis-à-vis de l’exécutif. Le ministre s’était donc permis de mettre en garde le Premier ministre Bernard Goumou contre le fait que celui-ci invitait, sans passer par lui, des magistrats du parquet pour discuter de la libération d’opposants. Alors que Goumou agissait dans le cadre du dialogue socio-politique qui bloquait sur la libération des opposants emprisonnés par la junte, Charles Wright n’avait pas apprécié la démarche du chef du gouvernement, mais il avait fini par lui-même céder.
Une indépendance pourtant remise en cause
Alors que Charles Wright s’est toujours montré intransigeant sur le respect de la loi et de l’indépendance de la justice, il a dû faire libérer Foniké Mengué, Ibrahima Diallo et Bilo Bah sous la pression des chefs religieux, médiateurs dans la crise sociopolitique. La libération de ces acteurs sociopolitiques en dehors de toute décision de justice avait été très critiquée par les avocats des concernés et le barreau de Guinée. « Cela a été la décision la plus difficile à prendre depuis que je suis né, mais au nom de la paix, cela a été la meilleure décision, » avait finalement concédé le ministre de la Justice.
Des audiences paralysées à tout va dans le pays
Les décisions et actes de Charles Wright ont parfois entraîné une paralysie totale ou partielle des audiences des cours et tribunaux du pays. Le procès sur les évènements du 28 septembre 2009 en a souffert. D’abord, à cause de la décision de Charles Wright de ne pas répondre favorablement à la réclamation d’aide financière des avocats (de la partie civile comme de la défense). Une solution a été trouvée. Mais les audiences ont été par la suite suspendues en raison d’une grève des gardes pénitentiaires. Puis, en octobre, il y a eu le boycott des audiences par les avocats qui réagissaient ainsi contre les agissements du procureur par intérim près le tribunal de première instance de Coyah.
Friand de communication, Charles Wright publie régulièrement les actes de suspension des magistrats, ainsi que des injonctions aux fins de poursuite contre des personnalités et autres cadres de l’administration publique. Des actes qui ne passent pas. La suspension de deux magistrats du tribunal de première instance de Labé aura été la goutte qui a fait déborder le vase. Même si le mouvement de débrayage a coïncidé à la période des vacances judiciaires, il aura impacté le fonctionnement de l’appareil judiciaire. Bien avant, les magistrats ont fait un sit-in devant la Cour suprême pour dénoncer les actes du ministre. Droit dans ses bottes, Charles Wright a finalement accepté le compromis. Ce qui a mis fin à la crise début octobre.
Charles Wright devant le TPI de Dixinn : une première pour un ministre de la Justice en activité en Guinée, un geste symbolique fort et un énormissime coup de com. réussi pour l’homme
En 2023, l’autre fait marquant aura été la comparution, pour la première fois dans l’histoire du pays, d’un ministre en fonction devant une juridiction de droit commun. Poursuivi par des responsables du FNDC pour dénonciation calomnieuse, diffamation, injures publiques, violences et voies de fait, abus d’autorité… Charles Wright a comparu en tant que prévenu devant le tribunal de première instance de Dixinn. À la barre, il a plaidé non coupable et le tribunal s’est finalement déclaré incompétent pour le juger. Mais, en comparant, Charles Wright a surtout voulu donner l’exemple et montrer que nul n’est au-dessus de la loi.
Une année d’évasions et des plus spectaculaires en Guinée
Il est vrai que les évasions des prisons guinéennes n’ont pas commencé en 2023. Mais cette année, elles ont été un peu plus fréquentes et parfois spectaculaires, à l’image de celle du 4 novembre dernier. Cette dernière, impliquant l’ancien Président Moussa Dadis Camara et trois de ses co-détenus dans l’affaire 28 Septembre, a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Claude Pivi, toujours introuvable, reste un défi pour le ministre de la Justice qui a promis cinq cents millions de francs guinéens à quiconque aiderait à mettre la main sur lui. Bien avant cette évasion, les évasions des prisons de Boké, Coyah, Pita, Mali et Siguiri intervenaient déjà comme des alertes…
Les dignitaires du régime Alpha Condé répondent devant les juges
Kassory, Damaro, Diané, Oyé Guilavogui, Remy Lamah, Souleymane Traoré… En 2023, les anciens dignitaires du régime Alpha Condé ont enfin comparu devant le juge de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF). Même si les décisions définitives n’ont été rendues que pour quelques-uns comme Remy Lamah. Pour certains de ceux qui sont encore en procès, ils ont quand même pu bénéficier d’une autorisation de sortie du territoire national.