Fodé Mohamed Soumah : « Nous devons rompre avec le cycle infernal de l’éternel recommencement… » (Entretien)

il y a 2 heures 13
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La Guinée s’apprête à organiser une élection présidentielle le 28 décembre 2025. Cependant, malgré l’adoption et la promulgation de la nouvelle Constitution ainsi que du Code électoral, qui prévoit la création d’un organe indépendant de gestion des élections, cette institution n’a toujours pas été mise en place.

Le ministère de l’Administration du territoire continue d’assurer la conduite du processus électoral.

Cette situation est également marquée par la candidature du président de la transition, le général Mamady Doumbouya, qui s’était pourtant initialement engagé à ne pas se présenter.

Ce vendredi 7 novembre 2025, notre rédaction s’est entretenue avec le président du parti Génération Citoyenne (GéCi), qui s’est exprimé sur la situation politique actuelle et les enjeux de la prochaine élection présidentielle.

Mosiaqueguinnee : M. Soumah, la Guinée a récemment adopté et promulgué une nouvelle Constitution. Quelle lecture faites-vous du contenu de cette loi fondamentale ?

Fodé Mohamed Soumah : J’estime que notre pays n’avait pas besoin d’une nouvelle Constitution. Il suffisait d’amender celle de 2010 et de réviser les listes électorales de 2020. Les Burkinabais ont fait le job en une semaine, avec des patriotes qui ont refusé même de se faire payer. Nous disposons de nombreuses compétences intramuros à cet effet. C’était l’occasion d’un gain de temps, et orienter les dépenses vers d’autres secteurs névralgiques.

Cette Constitution est présentée comme un texte d’ouverture démocratique par certains leaders politiques proches du pouvoir. Partagez-vous cette perception ?

La Constitution est le 1er texte fondateur d’un pays. C’est la nation qui est concernée, et non une frange de la population, fut-elle composée de thuriféraires, de girouettes ou d’arrivistes. Le fameux slogan fédérateur est battu en brèches, car ce qui nous ressemble/rassemble, ne doit pas nous diviser dans le même temps. Sitôt promulguée, elle est déjà en déphasage avec le code électoral sur de nombreux aspects.

Bref, à la GéCi, nous avons insisté pour les candidatures indépendantes au niveau des élections locales uniquement, car cela relève de la démocratie participative et de proximité. Les gens se connaissent, et offrent leur confiance aux citoyens du sérail. Pas de parachutage ni de combines politiciennes. Mais toutes les autres élections, doivent être l’affaire des structures politiques.

Le Code électoral a été également adopté et promulgué. Quelles appréciations faites-vous de ce document ?

Volonté manifeste du forcing et improvisation, car certaines dispositions sont en contradiction avec la nouvelle Constitution. Comme l’organe chargé d’organiser la Présidentielle et les parrainages effectués par des non élus, par exemple. Nous versons dans une sélection orientée/préméditée, et non pas une élection ouverte à la compétition des urnes.

Ce Code prévoit la création d’un organe indépendant de gestion des élections, mais celui-ci n’a toujours pas été mis en place. Dans moins de deux mois, le pays doit organiser une présidentielle, toujours sous la gestion du ministère de l’Administration du territoire. Qu’en pensez-vous ?

Vous avez du retard à l’allumage, car il est déjà dit que c’est la DGE qui organisera ladite élection, en lieu et place d’un organe indépendant. C’est une autre violation flagrante de la Constitution.

Selon vous, l’absence de cet organe à ce stade du processus peut-elle remettre en cause la crédibilité du scrutin ?

On parle de crédibilité d’un scrutin, par rapport aux dispositions consensuelles en amont. Ce n’est toujours pas le cas. C’est pourquoi, certains prédisent/conseillent un report en 2026.

Le Code électoral impose également aux candidats indépendants de se faire parrainer par les présidents de délégations spéciales, qui sont nommés par l’administration. Quelle est votre lecture de cette disposition ?

Le parrainage ne fait pas partie de notre culture politique. Les élections ont toujours été l’affaire des partis politiques. Celui qui veut compéter, crée son Parti ou adhère à une structure partisane. D’ailleurs, la GéCi va plus loin, en réclamant la mise en place d’une structure d’évaluation (moralité, compétence…) afin de mettre un terme aux candidatures fantaisistes ou pécuniaires. Ce n’est pas faire preuve d’ostracisme, que de mettre des préalables dans le cas d’espèce. Dans certains pays, même une nomination par le Président est passée au crible par une commission, pour savoir si le choix est bon pour le pays.

Pensez-vous que cette exigence pourrait constituer un obstacle pour certaines candidatures ?

Du moment que cela relève de personnes nommées et non pas élues, votre question ne se pose pas. Dans les pays où cette disposition est en vigueur, l’élu est protégé de facto par son statut, et dans son choix.

La date de la présidentielle est fixée. Estimez-vous que toutes les conditions sont réunies pour tenir ce scrutin ?

Ma préoccupation repose sur le climat socioéconomique qui commande la politique. C’est un tout. Il faut être aveugle et sourd, pour ne pas sentir que la colère gronde. La misère rampante se généralise. Le tissu social est en lambeaux. L’injustice est criante. La gabegie est à ciel ouvert. Les Guinéens se regardent en chiens de faïence. La justice est à géométrie variable, l’insécurité est palpable… Donc, il est de la responsabilité des autorités de calmer le jeu et d’aller à l’essentiel. Les Guinéens sont fatigués.

Le président de la transition, le Général Mamady Doumbouya, a décidé de se porter candidat, malgré son engagement initial de ne pas le faire. Comment analysez-vous ce revirement ?

Ce n’est pas un revirement, mais plutôt une situation à laquelle il fallait s’attendre. Plus une transition dure, et plus les autorités en place s’accrochent pour des raisons diverses. Achever l’œuvre entreprise. Exercer la pression sur toute forme d’opposition ou de blocage. Resserrer les rangs du cercle des thuriféraires. S’entourer de garanties pour protéger les siens. Se prévaloir de la volonté divine, etc.

À votre avis, quelles pourraient être les conséquences politiques et sociales de cette candidature sur le climat national ?

Le climat délétère ne présage rien de bon, car nous devons rompre avec le cycle infernal de l’éternel recommencement. La GéCi a été aphone depuis la mise en place de la clé de répartition du CNT, alors que la classe politique avait un poids conséquent à l’époque. Aujourd’hui, le rapport de forces a changé de camp. Dans la vie, les erreurs se rattrapent. Mais les fautes politiques se payent cash.

Quel message souhaitez-vous adresser à la classe politique et au peuple de Guinée à l’approche de cette élection ?

Quel message ? Mais les jeux sont clairs. En cas d’élection, il n’y aura pas de second tour. Personne n’a les moyens de sécuriser ses voix. Je ne parle même pas des 5% requis pour rentrer dans ses fonds. C’est par rapport à cet imbroglio qui a inversé l’ordre préétabli de la Charte, que la GéCi a décidé de ne pas participer à ce scrutin. Malgré le fait qu’elle ait été présente dans toutes les élections majeures de la Guinée et investi les institutions. Elle se prépare aux prochaines échéances électorales, pour vendre le REVE de cohésion nationale, de justice sociale et de développement à la mère patrie : la Guinée, les Guinéens et les générations futures.

Entretien réalisé par Hadja Kadé BARRY

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