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Le Président, en relatant le nouveau visage de son armée, aimait rappeler le courage qui l’avait animé à y faire le ménage : « Sassou, le président congolais qui est militaire et connaît les risques d’une réforme
imprudente de l’armée, m’a mis en garde lorsque j’ai voulu mettre plus de 4000 militaires à la retraite d’un trait ». « Tu es fou ! », m’a-t-il dit. Je lui avais répondu que « je m’en fous. Qu’ils me tuent s’ils veulent, je le
ferai ». Il l’avait fait et réussi. Et surtout, il ne lui était rien arrivé.
Le Président avait tiré de cet épisode glorieux une assurance certaine, au point de se convaincre qu’il n’avait plus à craindre son armée refondée.
Pour lui, le pire était maintenant derrière lui. Désormais, il ne courait plus aucun danger avec les forces armées. C’était clair que jamais son malheur ne viendrait des militaires, tous acquis à sa cause.
Le professeur Alpha Condé était informé, de temps en temps, de mouvements d’humeur au sein des troupes, de bruits de bottes. Il ne rejetait pas tout, mais préférait prendre son temps pour vérifier et approfondir les choses. Mais la plupart du temps, il n’en était pas ému, au fond de lui, rassuré qu’il était dans de bonnes mains. Il répétait à qui voulait l’entendre qu’il n’y aurait jamais de coup d’État contre lui, qu’il n’y en avait jamais eu dans toute l’histoire de la Guinée un président en exercice renversé. J’étais du même avis que lui : « Le premier pronunciamiento, le 3 avril 1984, c’était après la mort du président
Ahmed Sékou Touré, et à cause de la guerre de succession qui a suivi. Le deuxième putsch, c’est encore à la suite du décès du président, le général Lansana Conté. L’armée a pris le pouvoir devant la faillite du régime et le dysfonctionnement d’institutions délégitimées par la fin de règne quelque peu chaotique, rendues obsolètes par des mandats expirés qui n’avaient pas été renouvelés. Chaque fois donc, l’armée a profité d’un vide, soit des querelles entre prétendants à la succession, soit du déficit de confiance dans les
institutions et les élites au pouvoir, pour s’emparer du pouvoir et s’accaparer l’État.
La référence à ce passé pas si lointain confortait le Président dans sa position : l’armée, qu’il avait nettoyée en plus et mieux structurée qu’avant, est un partenaire fiable. Les quelques rares officiers qui paraissaient douteux et ambitieux n’étaient pas à des postes de commandement. Pour certains d’entre eux, ils avaient été éloignés des troupes et du pays, au profit d’hommes jugés loyaux et inconditionnels.
Le Président croyait n’avoir rien à craindre de ce côté-là et ne voulait pas vivre dans la psychose d’un renversement militaire.
Les alertes n’ont cependant pas manqué. Une fois, le chef d’état-major de l’armée de terre, le général Mohamed Diané, est allé rencontrer le Président à son Palais. Il lui a proposé de renforcer sa sécurité et celle du palais présidentiel, car il soupçonnait des velléités de déstabilisation de son régime. L’officier général a insisté auprès du Président pour le protéger et le défendre contre d’éventuels dangers.
Le Président confia avoir fait le compte rendu de son entretien avec le général Diané à ses collaborateurs proches dans ce domaine, à savoir le ministre d’État à la Défense nationale, Mohamed Diané, et le chef d’état-major général des armées, le général Namory Traoré. L’un et l’autre avaient assuré au
Président qu’il n’y avait pas de péril en la demeure, aucune raison de craindre pour sa sécurité ni d’avoir peur d’être attaqué ou renversé. Le professeur Alpha Condé s’en était tenu aux assurances données par ces hommes de confiance, plutôt que d’aller dans le sens souhaité par le chef d’état-major de l’armée de terre. Avec le recul et à la lumière des événements qui ont suivi, il confesse aujourd’hui avoir été mal inspiré de ne pas avoir tenu compte des conseils éclairés du général Mohamed Diané, destinés à prévenir tout coup d’État contre lui. Sans doute, celui- ci, jusqu’à sa mort, a vécu dans le regret de ne pas avoir été écouté et suivi par le Président jusqu’à l’irréparable.
(Extrait du chapitre IV, pp 109, 110 & 111)
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il y a 2 heures
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