Elhadj Demba Fadiga : parcours, engagement et promotion de la chefferie traditionnelle

il y a 13 heures 20
PLACEZ VOS PRODUITS ICI

CONTACTEZ [email protected]

Après la grandiose cérémonie d’intronisation du Kountiguigbé de la Basse Guinée, les 22 et 23 février 2025, nous avons jugé utile de rencontrer l’ancien député uninominal de Kindia, Honorable Demba Fadiga, pour parler de la génèse du Kountiguiya dans la région naturelle de la Guinée Maritime. Dans cet entretien, il est revenu sur son parcours, son engagement et le rôle qu’il a joué dans la valorisation de la chefferie traditionnelle dans cette région.  

Un parcours académique et professionnel remarquable  

Natif de Kindia, issu d’une famille profondément religieuse, Elhadj Demba Fadiga a grandi dans un environnement où la foi et la discipline régissaient le quotidien. Après des études à Kindia, il poursuit sa formation au lycée 2 octobre avant d’être admis à l’université Gamal Abdel Nasser, où il sort major de sa promotion en sciences administratives et comptables. « À l’époque, ceux qui sortaient major étaient tout de suite orientés vers l’enseignement. J’ai donc été professeur de comptabilité et gestion à la faculté des sciences administratives et comptables », explique-t-il.  

Son passage dans l’enseignement est bref, car en novembre 1981, un décret présidentiel le nomme inspecteur des services financiers et comptables stagiaire. Cependant, il décide de s’expatrier en raison de conflits familiaux liés à l’héritage de son fortuné grand père Feu Karomoko Fodéba Fadiga, ami intime de l’illustre feu Alpha Yaya Diallo: « C’était très difficile à vivre, car la diffamation doublée de la délation était larme fatale qui attendait au tournant tousceux qui sortaient leur ‘’tête de l’eau’’. Nous qui avions réussi à percer, nous étions des cibles pour toutes sortes de tracasseries. J’ai décidé de partir suivre mon propre chemin. Malheureusement, plusieurs de frères en ont payé les frais. »  

Une carrière en Côte d’Ivoire et un retour stratégique  

En Côte d’Ivoire, il rejoint la Société Commerciale des Ports de l’Afrique de l’Ouest (SOCOPAO) en tant que responsable du service débours avant de gravir les échelons pour devenir chef de la comptabilité analytique et contrôleur de gestion. « La société comptait 1045 employés dont 45 cadres expatriés et locaux, et j’étais parmi eux malgré le fait que j’avais étudié en Guinée », souligne-t-il avec fierté.  

Vers la fin des années 80, la guerre civile au Libéria qui a vu périr plusieurs Guinéens le pousse à réfléchir à un retour au pays : « J’étais bien intégré en Côte d’Ivoire, mais voir nos compatriotes périr au Libéria, doublé de menaces à peine voilées de certains adeptes de l »ivoirité m’ont  poussé à revenir au pays. »  

De retour en Guinée en 1990, il reprend son poste chez SOCOPAO Guinée sur insistance de la direction générale à Puteaux (France), qui connaissait des difficultés financières. Il participe à la restructuration de l’entreprise qui avait été rachetée par le groupe Bolloré : « Mon objectif était de me lancer dans les affaires, mais la société a insisté pour que je reprenne du service en Guinée. En effet, la même société y existait, bien qu’elle soit en grande difficulté. Elle était engluée dans des problèmes liés aux « tiers détentions », un terme commercial. Il fallait donc quelqu’un pour redresser SOCOPAO. Nous étions 22 travailleurs, et nous nous sommes battus pour cela, nonobstant un environnement économique morose.   M.r Vincent Bolloré, qui m’avait trouvé en Côte d’Ivoire en 1985 et qui souhaitait investir en Guinée, a d’abord racheté la société Delmas, qui est ensuite devenue S.D.V. J’ai intégré cette entreprise en tant que Responsable des Affaires Administratives et Financières de SOCOPAO Guinée. Grâce à nos efforts, l’entreprise a connu une progression significative. Delmas était un armateur, tandis que SOCOPAO était spécialisée dans le transit et la logistique. Le groupe s’est donc intéressé à l’intégration de Delmas dans son portefeuille. Par la suite, nous avons également racheté la SAGA SOAEM, connue localement sous le nom de SOAEM. Avec cette acquisition, toutes ces entités ont été regroupées sous une seule bannière, donnant naissance au groupe Bolloré.    

En vue de me préparer pour les nouvelles responsabilités, j’ai bénéficié de nombreux stages de formation :  

-en anglais au Ghana  

-en technique commerciale et shipping à Etretat (France)  

-en management à Saint Germain en Laye (France)  

-en shipping à Séoul en Corée du Sud, à Hong Kong et à Taipei.    

Nous avons officialisé ce regroupement lors d’un événement au Kenya, où j’ai assisté au baptême de Bolloré Africa Logistics. J’ai poursuivi ma carrière au sein de ce groupe en tant que directeur des affaires maritimes et responsable de la qualité. J’ai eu l’honneur d’occuper ce poste avec une grande considération, d’autant plus qu’en Afrique, nous n’étions que trois directeurs des affaires maritimes.»

Parallèlement à cette fonction, il a occupésuccessivement les fonctions de président de l’AGEMAP-BMOP (Association guinéenne des entreprises  manutentionnelles du port autonome de Conakry et Bureau de la main d’œuvre portière), membre du conseil d’administration du port autonome de Conakry, vice-président de l’Agence guinéenne de consignataires maritimes (AGUICOM), ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, commandeur de l’ordre national du mérite de la République de Guinéepour services rendus à la nation, en 2008.

Le combat pour la chefferie traditionnelle  

Elhadj Demba Fadiga a également joué un rôle clé dans la restauration et la reconnaissance de la chefferie traditionnelle en Basse-Guinée. Il explique : « Donc, en même temps que j’étais ici, j’ai pensé qu’il fallait un cadre en Guinée, surtout en Basse-Guinée, un cadre coutumier qui puisse offrir une orientation à la jeunesse afin qu’elle ne divague pas, faute d’encadrement. Vous vous rappelez que le président de la Première République avait supprimé la chefferie traditionnelle.  

Mais cette suppression a eu un impact principalement en Basse Guinée, car ailleurs, les sotikemo sont restés en place. Mais ici, étant le siège du pouvoir, la chefferie a été supprimée, laissant place à un vide institutionnel et coutumier. »  

Conscient du vide laissé par cette absence, il entreprend de recréer un cadre d’encadrement pour la jeunesse : « Les jeunes de la Basse-Guinée, livrés à euxmêmes, n’avaient aucun cadre de concertation pour les accompagner dans leur évolution. C’est dans ce contexte que, ayant été désigné par les ressortissants de Kindia pour assumer la lourde tâche de président de leur association, j’ai œuvré pendant 25 ans avec de nombreuses réalisations à la clé, à Kindia. Parmi celles-ci, on peut citer le bitumage des 12 premiers kilomètres de route encore visibles aujourd’hui, la fourniture de médicaments essentiels aux populations de notre préfecture pour endiguer le choléra qui faisait des ravages à l’époque. A cela il faut ajouter d’autres actions, telles que la réalisation d’une dizaine de forages dans la commune urbaine, le lobbying pour la construction du pont de Madina-Oula en remplacement du sempiternel bac, la construction de la route Tabily-Fossikhouré avec au moins 7 ouvrages de franchissement, sans parler de la couverture réseau téléphonique de ces zones. Le don d’un mini-bus aux personnes porteuses de handicap de Kindia pour l’acheminement des matériaux de fabrication des meubles en rotin, la remise d’une ambulance à la sous-préfecture de Molota, l’offre d’un bateau de plaisance surnommée ‘’Pas sans mal’’ à la sous-préfecture de Samaya pour réduire les noyades de nos parents de cette contrée. La mise en valeur d’une plantation de 50 hectares à Linsan, secteur Boucherie, mais qui été malheureusement incendiée. J’ai également œuvré au renforcement de l’unité et de la cohésion des fils de Kindia. Au même moment, m’inspirant des chefs traditionnels en Côte d’Ivoire, où cette institution est plus structurée, j’ai pris l’initiative d’installer un Kountigui à Kindia. C’est ainsi que nous avons organisé l’intronisation du premier Kountigui de Kindia, Elhadj Momo dit Damodou, sous le régime du feu général Lansana Conté. Cet exemple a servi d’inspiration pour les fils de la Basse Guinée et c’est ce qui nous a amenés à introniser feu Elhadj Sékhou Ismaël Soumah de Dabondy comme Kountigui de la Basse Guinée et ce, avec la bénédiction des sages, khalifs et imams de la région. Après la disparition de ce dernier, des prétentions fortes se sont manifestées parmi lesquelles le très respectueux feu Général Facinet Touré. Finalement, le destin a décidé : Elhadj Sékhouna Soumah de Tanènè a été désigné Kountigui sur proposition de feu Elhadj Ndoungou Soumah, lui-même fils de feu Almamy Kalah, chef traditionnel des Bagas. Et feu général Facinet Touré a accepté de porter le lourd fardeau de Médiateur de la République. Nous avons continué à évoluer, et cela a pris encore plus d’importance. Lors de l’organisation de l’intronisation d’Elhadj Sékhouna , j’occupais le poste de président du comité d’organisation à Kindia. Tout s’est très bien déroulé, ce qui a permis de consolider la notion de Kountigui, qui est devenue aujourd’hui Kountiguigbé avec la terminologie soboti. Après l’installation d’Elhadj Sékhouna, j’ai réuni autour de moi, à la demande du Kountigui un collège d’une quinzaine de cadres issus de toutes les préfectures de la Basse-Guinée afin de rédiger la charte du Kountiguiya enseptembre 2016. »  

Un engagement politique et institutionnel  

En parallèle, son engagement pour Kindia le pousse à entrer en politique : « Au même moment, j’étais également député. Les populations de Kindia estimaient qu’il était inconcevable d’aller chercher un député ailleurs. C’est ainsi que j’ai été coopté par le RPG pour occuper ce poste, malgré le fait que je n’appartenais pas à ce parti. Ce n’était pas par vocation politique, mais un choix qui s’est imposé à moi. J’ai donc assumé mes fonctions de député uninominal en tant que président de la commission Aménagement du territoire, Énergie, Transports et Travaux publics. De nombreux dossiers ont été traités sous ma responsabilité. »  

A la tête de cette commission où il bénéficiait de la confiance du président de l’Assemblée nationale et de ses pairs, il a joué un rôle clé dans plusieurs projets, dont la réalisation des plans architecturaux del’Assemblée nationale, les projets Kaleta et Souapiti, la route nationale n°1 Coyah-Dabola, entre autres. «J’ai été l’interface avec la Chine, bien sûr avec la supervision des cadres du ministère de la Coopération pour obtenir le financement et faire venir quinze ingénieurs chinois de l’Université de Tongi. Nous avons travaillé jour et nuit pendant deux semaines pour concevoir le plan du siège. Je suis heureux aujourd’hui de constater que le projet a démarré sur le terrain avec le concours très appréciable des autorités actuelles à tous les niveaux », a-t-il précisé.  

A la question de savoir qu’est-ce qu’il pense de la transition actuelle, l’Honorable Demba Fadiga a répondu sans équivoque : “La transition actuelle présente des atouts très importants pour le développement socio-économique de notre pays par rapport aux transitions passées. Même si quelques petites anomalies inhérentes à toute œuvre humaine sont à corriger, bref le positif l’emporte sur le négatif.  Ceci est palpable dans le contexte macroéconomique et dans la réalisation des infrastructures d’intérêt public, sans oublier les avantages sociaux pour les travailleurs, les artistes et les personnes porteuses de handicap.”

En fin, il lance un appel pressant aux Guinéens: “Je lance un appel aux fils et aux filles de ce pays qui nous est cher pour que, dans le pardon et la cohésion sociale nous puissions faire de ce pays un modèle de développement global dans l’intérêt de tous.”

À travers son parcours, Elhadj Demba Fadiga incarne un modèle de leadership et de résilience. De son ascension dans le secteur privé à son engagement pour la chefferie traditionnelle et le développement de Kindia, il a laissé une empreinte indélébile.  

Lire l'article en entier