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Cent (100) jours après la disparition de Foniké Menguè et de Billo, tous leaders du FNDC, la crainte devient grandissante chez les organisations de défense des droits de l’homme. L’OGDH s’inquiète du silence notamment de la justice sur ce qu’elle qualifie de disparition forcée. Son responsable en charge de la communication appelle les magistrats à faire face à leur responsabilité. Alseny Sall répond aux questions de Mohamed Bangoura.
Bonjour Alseny Sall ? 100 jours après la disparition de Foniké Menguè et de Billo Bah, on n’a toujours pas de nouvelle des deux activistes. Comment le comprendre ?
Pour nous le silence des autorités dans ce dossier est plus que préoccupante dans la mesure où comme vous le savez en vertu des obligations internationales de l’État en matière des droits de l’homme, c’est sur l’État guinéen que pèse l’obligation première de respecter nos engagements internationaux en matière de droits de l’homme mais aussi de garantir les droits de tous les citoyens Guinéens et étrangers établis sur notre territoire national ; Or depuis la survenance de ces faits le 9 juillet 2024, la seule communication des autorités judiciaires que nous avons enregistrée est la sortie du Procureur général de la Cour d’appel de Conakry pour informer l’opinion qu’aucun organe d’enquête relevant de l’institution judiciaire n’a procédé à aucune interpellation ou arrestation de qui que ce soit tout en ajoutant que les établissements pénitentiaires du pays ne détiendraient aucune personne faisant l’objet d’enlèvement tout en annonçant l’ouverture d’une enquête. Depuis, c’est silence radio de la part de notre institution judiciaire annoncée pourtant le 05 septembre 2021 comme étant désormais la boussole de la conduite de tout citoyen Guinéen ! Avec le recul, nous pensons qu’il est important aujourd’hui de s’interroger sur ce silence radio pour communiquer le niveau d’avancement des enquêtes de la part de nos autorités judiciaires chargées de garantir nos droits et libertés.
Des témoins ont mis en cause des éléments des forces spéciales et de la gendarmerie. Faut-il parler d’une disparition forcée ?
Il faut rappeler que selon la Convention des Nations-Unies sur les disparitions forcées, toute arrestation, détention, enlèvement ou toute forme privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, l’empêchant d’obtenir la protection de la Loi est considérée comme une disparition forcée. Or, si vous avez bien suivi les témoignages de Monsieur Mohamed Cissé qui est la 3ème victime dans cette affaire ainsi que les membres de la famille de Foniké Manguè qui étaient présents lors des évènements, il y a eu bel et bien enlèvement par des agents de l’État dans cette affaire. Et l’inaction de notre institution judiciaire garant de nos droits et libertés et la banalisation de ces faits par certains hauts commis de l’État, notamment membres du gouvernement qui bénéficient des largesses du pouvoir actuel peuvent également s’analyser comme étant des comportements ou attitudes visant à empêcher Foniké Manguè et Billo Bah a bénéficié de la protection de la Loi.
Faut-il également mettre en cause la justice qui peine à faire correctement son travail ? Etes-vous inquiet ?
Ce qui est encore plus inquiétant pour nous, en dépit des cris des cœurs faites par les épouses de ces deux personnes, leurs familles ainsi que les organisations des droits de l’homme et partenaires au développement, notre institution judiciaire continue à rester indifférente à cette situation. Nous pensons qu’il est important d’interpeller la conscience collective, plus particulièrement les magistrats sur cette situation car quels que soient les faits qu’on reproche à ces deux ces messieurs, ils ont le droit à la protection de la Loi.
Un appel à lancer à la justice ?
C’est vrai que ces derniers temps notre pays a enregistré des avancées en matière de protection légale des droits de l’homme, mais aussi longtemps que nos magistrats ne prendront pas leurs responsabilités et courage pour faire appliquer ces textes, la situation ne va pas évoluer. Dans tous les pays du monde, où les droits de l’homme sont mieux protégés aujourd’hui, il a fallu surtout l’audace et la responsabilité des magistrats pour appliquer la Loi à tous les citoyens sans discrimination. Alors battons-nous tous pour le respect de nos lois car c’est le moyen le plus sûr pour lutter contre les injustices et inégalités sociales, fondement de l’État de droit.
Merci à vous Alseny SALL
Interview réalisée par Mohamed Bangoura