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Ça y est ! Amadou Damaro Camara est enfin libre. Au terme d’une longue détention, il a purgé l’intégralité de la peine prononcée à son encontre.
Cette libération doit procurer un certain soulagement chez les anciens dignitaires du régime défunt encore en prison, qui voient l’horizon se dégager un peu. Mais ils ne peuvent s’empêcher d’éprouver du dépit, contraints d’attendre, pour leur part, l’heure tant espérée de la délivrance. Si, sans doute, ils se réjouissent que leur compagnon d’infortune ait pu franchir les grilles de la prison dans le bon sens, ils doivent être peinés de devoir languir encore, loin de leurs familles. Pour eux, la liberté demeure chaque jour un espoir, une quête désespérée dans le silence feutré et l’ennui pesant de l’isolement. Dans les frayeurs de l’abandon et de la solitude, le monde s’écroule et la vie s’estompe dans le désarroi de l’impuissance.
Dans un pays où l’on pleure rarement le malheur de l’autre et où l’on se réjouit peu du bonheur d’autrui, on peut néanmoins se permettre de plaindre des compatriotes privés de liberté et se féliciter qu’un d’entre eux recouvre la sienne.
Somme toute, on observe très peu de compassion, de solidarité ou de soutien envers ces personnalités qui ont pourtant servi leur pays du mieux qu’elles ont pu. La nature humaine est imparfaite et il y aura toujours à redire sur l’œuvre de chacun. Comme l’a dit Saint-Just, « on ne règne pas innocemment ». En tant que décideurs, représentants de l’État et administrateurs, ces infortunés ont parlé et agi au nom de la Guinée pendant des années. Tous ont incarné le pays à des niveaux élevés, disposant de pouvoirs étendus. Malgré leurs anciens statuts et fonctions, ils sont aujourd’hui oubliés et ignorés de tous. Ce n’est pas entièrement de leur faute, cela est lié à des mentalités nourries par l’instinct de survie et à une histoire traumatisante. Le passé et les passifs pèsent lourdement sur le destin du pays, empêchant l’écriture de chapitres glorieux de son histoire et entravant tout projet de rédemption et de renaissance.
On a vu récemment, en France, la levée de boucliers médiatique et politique suscitée par la condamnation et l’emprisonnement de l’ancien président Nicolas Sarkozy. Malgré les faits qui lui sont reprochés et les griefs retenus contre lui, il a bénéficié d’un élan de sympathie populaire, de reconnaissance et d’empathie de la part de fortes personnalités politiques ainsi que de la classe dirigeante. La plupart des commentaires et réactions ont semblé privilégier le fait qu’il a dirigé la France, au détriment du respect de l’État de droit, de l’autorité de la justice et de l’indépendance des magistrats.
LA JUSTICE DES HOMMES, L’OUBLI DES COMPATRIOTES
Après la libération de l’ancien président de l’Assemblée nationale, il reste toujours, entre autres, un ancien Premier ministre, un ancien ministre de la Défense et un ancien président de la Cour constitutionnelle derrière les barreaux depuis bientôt quatre ans. Qui s’en est ému ? Qui en a fait cas ? Qui œuvre à leur libération ?
Il ne serait guère exagéré de parler d’une indifférence glaciale et d’une non-assistance à personne en danger. Pourtant, lorsqu’ils étaient en fonction, ils bénéficiaient de toutes les attentions, sollicitudes, amabilités et d’innombrables marques d’allégeance. Même s’ils n’ont pas rendu service à chacun ou n’ont pas été bons pour tous, ils ont néanmoins été utiles à beaucoup, dont certains sont aujourd’hui impliqués dans la transition, occupant des postes majeurs de responsabilité et de décision.
Les dirigeants d’aujourd’hui doivent réaliser que ces personnalités ostracisées et détenues furent, en leur temps, aussi puissantes qu’ils le sont maintenant. Leur sort peu enviable peut être celui de chacun, car nul ne sait ce que demain nous réserve, même si chacun, en fonction de son œuvre et de ses actions, peut deviner son avenir.
Tous ceux qui découvrent l’État, entrent dans l’administration et s’essayent à gouverner constatent que notre société n’a d’yeux, d’oreilles et de cœur que pour les détenteurs du pouvoir. On prône la fidélité à ses intérêts et l’on interdit la loyauté envers quiconque. Les faibles sont piétinés, les absents (qu’ils soient déchus, exilés, emprisonnés ou portés disparus) ont toujours tort, ils sont stigmatisés et honnis. Seuls le titre et le rang dans l’État et la République comptent.
De l’indépendance à nos jours, nous n’avons célébré que les vainqueurs comme des héros. Les martyrs créent une mauvaise conscience, car il est plus confortable de défendre sa chapelle que de s’engager dans la lutte pour la cause des autres, pour l’honneur et la grandeur de la Patrie. Ni compassion pour les victimes, ni solidarité avec leurs familles.
Chacun voit midi à sa porte. On se soucie plus de conserver son poste, ses acquis et ses privilèges, souvent indus, que de conseiller utilement ou de sauver des âmes en peine. L’avidité a effacé toute conscience sociale, politique, morale, citoyenne, et même la moindre humanité dans les cœurs.
Ibrahima Kassory Fofana, Dr Mohamed Diané, Dr Ibrahima Kourouma, Kabinet Sylla « Bill Gates » et d’autres encore méritent, à leur tour, de humer l’air libre et de retrouver le cocon familial, grâce à une mesure de libération, quelle qu’en soit la forme et les conditions.
Il est regrettable que les défenseurs des droits de l’homme et les politiques, autrefois profondément humanistes et démocrates, qui étaient à la pointe du combat pour la fraternité, la paix sociale et la concorde nationale, se taisent désormais et s’accommodent de la souffrance de ceux qui les ont précédés dans leurs fonctions et qui les ont soutenus quand ils en avaient le plus besoin. Leur sommeil et leur conscience ne sont pas troublés par le calvaire qu’endurent des amis et compatriotes. On n’aime plus les risques des combats. On s’est installé dans le confort des compromissions.
L’homme fort du pays, face à une société peu fiable et des élites versatiles et égoïstes, devrait tirer les leçons de cette situation et en assumer les conséquences. Pour l’histoire et pour l’avenir.
Tibou Kamara
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il y a 4 heures
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