Crief : une année 2024 marquée par des avancées et des controverses

il y a 1 jour 19
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En 2024, la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF) s’est acquittée de sa mission cruciale dans la lutte contre la corruption et les infractions économiques en Guinée, tout en faisant face à des défis internes et externes. Si de nombreux dossiers importants ont été traités et certains jugements prononcés, l’année a aussi été marquée par des controverses et des décisions qui ont suscité des débats dans la société.
Des procédures judiciaires notables
La CRIEF a mené plusieurs enquêtes et procès dans des affaires de détournement de fonds publics, de corruption et d’enrichissement illicite. Le cas des anciens membres du gouvernement de la transition, accusés de corruption dans les passations de marchés, s’est terminé par un non-lieu en août 2024, les éléments disponibles ne justifiant pas de poursuites, selon le procureur. Cette décision a été une déception pour certains activistes de la société civile, qui s’attendaient à une plus grande sévérité.
D’autres affaires non moins graves, ont pris une tournure plus grave, comme celles concernant les responsables de la Direction générale des douanes, cités dans des pratiques de corruption et de détournement de fonds. L’enquête a mis en lumière un préjudice estimé à près de 700 milliards de francs guinéens, choquant l’opinion publique et exacerbant la colère des citoyens contre les pratiques des autorités. Les suspects, qui comprennent plusieurs hauts responsables, ont été déférés devant la CRIEF fin décembre, dans un dossier qui promet de marquer les esprits en 2025.
Une autre affaire marquante a été celle des 420 conteneurs de bois de vène saisis par la CRIEF. Des enquêtes ont été ouvertes pour exportation illégale de bois. Ce qui constitue une violation des conventions internationales, et l’issue de cette procédure pourrait avoir des implications importantes pour le secteur environnemental du pays.
Poursuites et Jugements d’anciens « hommes forts » 
Le bilan de la CRIEF pour l’année 2024 inclut plusieurs condamnations et décisions marquantes. La plupart de ces anciens dignitaires en détention depuis avril 2022, ont enregistré beaucoup de rebondissements dans leurs dossiers respectifs au cours de 2024.
Oyé Guilavogui, ancien ministre des Télécommunications et Michel Kamano 1er questeur de l’assemblée nationale, autorisés à se faire soigner à l’étranger pour une durée déterminée ne sont jamais revenus après échéance de leurs autorisations. Cependant, même en son absence Michel Kamano a été sévèrement condamné en compagnie de Amadou Damaro Camara. Quant à l’affaire de Oyé le dossier est ultimement renvoyé pour la comparution du prévenu même si son avocat soutient qu’il n’est pas en état de revenir.
Le procès de l’ex-président de l’Assemblée nationale, Amadou Damaro Camara, a abouti à une condamnation de quatre ans de prison pour détournement de fonds et corruption, avec une amende de 10 millions de francs guinéens et la confiscation de ses biens. Dans la même affaire, cinq ans de prison ont été prononcés contre Michel Kamano et une amende de 4 milliards de fg. La cour a également décerné mandat d’arrêt contre lui. Quant à l’homme d’affaires chinois Jin Sun Cheng Jiin-Suey alias Kim, il a été condamné à un an de prison assorti de sursis et une amende de 10 millions de francs guinéens. Et, Zeinab Camara a été renvoyée des fins de la poursuite pour délit non constitué. Cette décision a été perçue comme un message fort dans la lutte contre la corruption, bien qu’elle n’ait pas été exempte de controverses. Dans cette affaire, l’ancien PAN et ses co-accusés ont été jugés pour détournement de deniers publics, enrichissement illicite, corruption d’agents et prise illégale d’intérêt et complicité portant sur 15 milliards destinés à la construction du nouveau siège de l’assemblée.
Une autre affaire majeure a été celle de Dr Mohamed Diané, ex-ministre de la Défense nationale sous Alpha Condé. Après plusieurs rebondissements, notamment le retrait de ses avocats, son silence notaire pendant la phase de débat, la CRIEF l’a condamné pour détournement de fonds publics, enrichissement illicite et blanchiment de capitaux, le 18 novembre 2024, après plusieurs mois de débats. La cour a aussi saisi une vaste quantité de biens appartenant à Diané, notamment dans les régions de Kankan, Coyah et Conakry. Parmi les biens saisis figuraient des terrains agricoles, des duplex, des écoles privées, des hôtels et même des usines. L’ampleur des saisies a mis en lumière l’étendue des détournements auxquels l’ancien ministre aurait été impliqué.
Les biens immobiliers saisis à Kankan, en particulier, sont vastes et incluent des propriétés dans des zones telles que Karfamoria, Missira et Bordeaux, mais aussi des infrastructures commerciales et résidentielles.
L’ex-responsable logistique du ministère de la Santé, Soriba Keïta, a également été condamné en mai à deux ans de prison avec sursis et une amende de 50 millions de francs guinéens pour détournement de deniers publics.
L’affaire Rémy Lamah, ancien ministre de la Santé, a également retenu l’attention. Dans cette affaire il a été jugé avec la société SOGUIMAP par la société chinoise ZMC pour avoir résilié un contrat de fourniture de produits pharmaceutiques obstétricaux et néonataux d’une valeur de 102 milliards GNF.
Bien que les appels du ministère public et des parties civiles aient été rejetés, la décision de première instance a renvoyé le dossier sans poursuites, faute de preuves suffisantes.
De même, l’ex-DG du Fonds d’Entretien Routier, Souleymane Traoré, a été acquitté en appel, après avoir purgé une peine de prison en lien avec des accusations de corruption et de blanchiment de capitaux.
Souleymane Traoré, ex-DG du Fonds d’Entretien Routier (FER) a été jugé par le parquet spécial dirigé par Aly Touré pour détournement et malversations financières présumés au préjudice de l’État de plusieurs montants en francs guinéens et en devises. Il s’agit de 10 milliards 510 millions 112 mille 592 francs guinéens, 387 mille 489 dollars et 771 mille 730 euros.
Par ailleurs, l’ancien DG de la SEG Mamadou Djouldé et son comptable jugés pour faux en écritures publiques, d’enrichissement illicite et blanchiment de capitaux, après plusieurs mois d’ennui judiciaire ont fini par être renvoyés des fins de la poursuite pour délit non constitué à leur égard. Cela, même si le ministère public avait requis une peine de 4 ans d’emprisonnement avec sursis, assortie d’une amende de 100 millions de francs guinéens pour les deux prévenus.
Dans le cadre de la lutte contre la vente illicite de médicaments, 10 vendeurs ont également été condamnés en janvier 2024, par la CRIEF. La procédure ouverte en flagrant délit contre Alpha Abdoulaye Diallo, Djibril Barry et huit autres personnes pour atteinte à la santé publique, usurpation de fonction, exercice illégal de la profession de pharmacien et complicité. Interpellés à Madina et mis sous mandat de dépôt le 28 novembre 2023, les prévenus ont été reconnus coupable d’atteinte à la santé publique et condamnés à trois ans d’emprisonnement dont deux ans assortis de sursis et à cinq millions d’amende chacun. Également, la confiscation et l’incinération des produits pharmaceutiques et matériels médicaux saisis au frais des condamnés.
Sur l’action civile, ils ont été condamnés solidairement a alloué en faveur de l’Etat guinéen, la somme de 200 millions de francs guinéens pour toute cause de préjudice confondus.
Défis Internes et Externes
Malgré ces avancées, la CRIEF a fait face à des défis internes. En mai 2024, trois magistrats de la Cour ont été suspendus pour des fautes professionnelles liées à des violations des droits de la défense et à une gestion défectueuse des dossiers. Cette situation a jeté un doute sur l’intégrité et l’efficacité de l’institution, d’autant plus que des décisions controversées prises par le procureur spécial, comme la libération de Kabinet Sylla alias Bill Gates, ont ravivé les débats sur les pratiques judiciaires.
Plus de cinq fois le procureur spécial près la CRIEF perd la bataille dans cette affaire, et plus de cinq fois il refuse d’abdiquer. Par conséquent, malgré les ordonnances de mise en liberté et de main levée sur ses biens, Bill Gates aura passé toute l’année 2024, en détention attendant un dénouement de son affaire. L’affaire se trouve en ce moment devant la cour suprême saisie par le procureur spécial Aly Touré.
En outre, la question de la santé de l’ex-Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana a également posé des problèmes.
La Chambre de Jugement de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF) dans un délibéré ambigu a ordonné le transfert de Dr Ibrahima Kassory Fofana vers un centre médical spécialisé pour des soins. Sans toutefois préciser lequel ni clarifier si ce transfert inclut une possibilité de sortie du pays.
Les avocats de la défense, en particulier, avaient plusieurs fois demandé le transfert de leur client vers un centre médical spécialisé à l’étranger. Des demandes qui, d’ailleurs, avaient été rejetées jusque-là.
La décision de la CRIEF, a semblé avoir satisfait à cette demande, mais avec des ambiguïtés sur plusieurs points.
Deux semaines après ce verdict du juge, Kassory n’a jamais été transféré dans un centre spécialisé, plutôt, il a été extrait de la clinique Pasteur où il recevait des soins depuis près d’une année, pour réintégrer son lieu de détention, la maison centrale comme Amadou Damaro Camara.
Le collectif des avocats de Kassory Fofana a crié au chantage et au harcèlement judiciaire contre leur client après que le Procureur spécial près la CRIEF ait sollicité que le juge chargé du dossier soit dessaisi de l’affaire, après ce délibéré. Le procureur spécial a obtenu gain de cause auprès du Président de la CRIEF et le juge Yacouba Conté, a été récusé.
Le procès d’Abdoul Gadiri Fofana, ancien directeur comptable au Ministère du Budget sous le régime d’Alpha Condé, a aussi pris une place importante dans les affaires traitées par la CRIEF cette année. Le 27 novembre 2024, il comparaît devant la cour dans le cadre d’une affaire impliquant un détournement de 125 milliards 991 millions de francs guinéens, ainsi que des accusations d’enrichissement illicite, de corruption d’agents publics et de blanchiment de capitaux.
Les faits remontent à 2020, après un accord signé avec les syndicats de l’éducation pour le paiement de primes d’incitation aux enseignants, d’un montant variant entre 450 000 et 1 300 000 GNF en fonction des zones géographiques. Fofana, en tant que comptable principal de la commission, est accusé d’avoir mal géré ces fonds. Cependant, il a nié les accusations, affirmant que seul un montant de 37 milliards GNF avait été effectivement alloué aux primes et que les paiements avaient été effectués sous la supervision des commissions spécialisées.
Le procès de Mamadi Camara, ancien ministre de l’Économie et des Finances, a également été une étape importante de l’année judiciaire 2024. Ce procès a vu l’ancien ministre confronté à des accusations de détournement de fonds publics et de blanchiment d’argent. Le montant contesté dans cette affaire est colossal : 80 milliards 349 millions 913 mille 302 GNF, destinés à des fournisseurs.
Le ministre a expliqué que son rôle se limitait à des questions d’intérêt national, et que la gestion du budget de son ministère relevait du cabinet et des directeurs. Malgré ses dénégations, l’Inspection générale d’État a présenté un rapport incriminant sa gestion, bien que la défense ait contesté ce rapport, soulignant son absence de consultation de l’ex-ministre.
Le procès est toujours en cours, et un rapport définitif sur l’exécution budgétaire de son ministère est attendu pour éclaircir les accusations portées contre lui.
Au-delà de ces procès phares, la CRIEF a également traité plusieurs autres dossiers.
Le consultant de la société Guinée Bauxite, Dr David MaKongo, poursuivi pour des faits présumés « d’occupation illégale, destruction de l’environnement et évasion » a bénéficié d’une mise en liberté provisoire, ce jeudi 26 décembre 2024 par devant la chambre des appels de la cour de répression des infractions économiques et financières (Crief). Cela après le refus le 23 décembre dernier de la chambre du jugement d’accorder une liberté au prévenu. Coffré le 16 décembre à la Maison centrale de Coronthie pour « occupation illégale, destruction de l’environnement, évasion et harcèlement moral », David Makongo a rejeté en bloc ces charges. Le ministère public le poursuit pour avoir défriché des domaines pour construire des routes minières dans les préfectures de Boffa, Fria et Télimélé, au nom de la société Guinea bauxite Group (GBG) dont il se dit être le Consultant. Selon la défense, la société GBG a payé 1 milliard 700 millions de francs guinéens au ministère de l’Environnement et du développement durable pour cela. Même le ministère des Transports a autorisé l’ouverture des routes », avance la défense.
L’affaire est encore pendante devant la chambre de jugement.
L’année 2024 a ainsi vu un renforcement de la lutte contre la corruption, avec une plus grande volonté politique de sanctionner les responsables des dérives financières sous le régime d’Alpha Condé.
Cependant, malgré les avancées, les procès ont souvent été marqués par des reports, des débats sur la validité des preuves et des rapports d’expertise. L’efficacité de la CRIEF reste donc un sujet de débat, bien que la cour ait montré sa capacité à traiter des affaires complexes.
En conclusion, l’année 2024 représente un tournant pour la CRIEF, avec des affaires de détournements de fonds publics qui secouent les fondements mêmes de la gestion des finances publiques en Guinée. Ces procès devraient avoir des répercussions durables sur la perception de la lutte contre la corruption dans le pays et pourraient bien marquer un précédent en matière de justice économique.
En 2025, la CRIEF devra relever de nouveaux défis pour renforcer sa crédibilité et poursuivre son combat contre les infractions économiques.
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