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Retour de Donald Trump à la Maison Blanche : enjeux géopolitiques en Afrique et impacts potentiels sur les conflits en Ukraine et à Gaza. Thierno Boubacar Tounkara, économiste et chargé de cours sur les problématiques contemporaines dans plusieurs universités guinéennes, partage ses préoccupations dans une interview exclusive accordée à notre rédaction. Lisez!
Guinée360 : Quels pourraient être les impacts de la réélection de Trump sur le continent africain?
Thierno Boubacar Tounkara : Il faut admettre que l’Afrique n’a pas occupé une grande place dans la récente campagne présidentielle des États-Unis. On a rarement parlé de l’Afrique. En tout cas, je n’ai pas entendu de mention significative à ce sujet.
Qu’en est-il des autres parties du monde?
Par ailleurs, même si les relations internationales n’ont pas été au cœur des discours, on n’a pas observé d’énoncés cohérents ou structurés qui présentent des intentions claires ou des actions futures. En somme, les questions internationales ont été les grandes absentes de cette campagne électorale. Cela dit, les relations entre l’Afrique et les États-Unis restent très limitées. Il existe d’abord un accord d’échange, appelé African Growth and Opportunity Act (AGOA), qui permet à certains pays africains d’exporter des produits vers le marché américain sans droit de douane.
Que gagnent en retour les Etats unis ?
Les États-Unis dépendent aussi de l’Afrique pour certaines matières premières, notamment le pétrole et d’autres ressources stratégiques comme la bauxite, qu’on trouve par exemple en Guinée. Mais, la place de l’Afrique dans la politique étrangère des États-Unis reste très réduite. On en parle peu. À la place, le débat sur l’immigration est omniprésent, mais concerne surtout les Hispaniques et les pays d’Amérique latine.
Durant la campagne, Donald Trump a évoqué son engagement de rapatrier les migrants. Qu’en pensez-vous?
Il n’a pas spécifiquement mentionné les Africains. Le discours visait davantage les immigrés de façon globale, en mettant surtout l’accent sur les Hispaniques, car ils sont les plus nombreux aux États-Unis. Dans cette campagne, il est essentiel de distinguer le discours d’un candidat de celui d’un président élu. En campagne, il est fréquent de brandir des intentions de rapatriement de clandestins pour capter l’opinion publique. Ce discours a effectivement joué un rôle dans l’élection de Trump, en jouant sur les peurs liées aux crises économiques et à l’inflation. Trump a d’ailleurs récemment remercié ses électeurs, mentionnant les différentes communautés étrangères aux États-Unis, dont les Hispaniques et les Arabes. Cela montre qu’il commence à nuancer son propos. Attendons de voir comment en tant que président, il traduira ces paroles en actions.
Peut-on s’attendre à des changements dans les relations entre l’Afrique et les Etats-Unis?
Il est difficile de prédire ce qui se passera, car l’Amérique fait face à de nombreuses pressions géopolitiques et économiques, notamment de la part de la Chine, de l’Inde, et de l’Union européenne, avec lesquels elle enregistre un déficit commercial. La politique de Trump dépendra donc des pressions exercées par ces pays concurrents. Dans ce contexte, l’Afrique pourrait intéresser les États-Unis pour son marché et ses ressources naturelles. D’ailleurs, Joe Biden, dans un contexte de crise, avait évoqué la possibilité d’intégrer deux pays africains au Conseil de sécurité des Nations unies, comme une tentative de rapprochement avec l’Afrique. En général, les Républicains accordent moins d’importance aux questions de droits de l’homme et de démocratie que les Démocrates, qui mettent davantage l’accent sur ces valeurs. Les républicains, eux, privilégient souvent un réalisme économique.
Trump a également promis de mettre fin à la guerre en Ukraine. Pensez-vous qu’il respectera cet engagement ?
Les promesses de campagne sont souvent des déclarations d’intention. On ne met pas fin à une guerre d’un simple geste ; c’est une question complexe. Trump entretient de bonnes relations avec Poutine, et l’Ukraine retient son souffle, car il est difficile de prévoir quelle approche Trump adoptera pour mettre fin au conflit. Pour que la guerre s’arrête, soit la Russie capitule, soit on lui accorde certaines concessions, notamment concernant sa sécurité. La Russie souhaite que la partie orientale de l’Ukraine reste une zone tampon entre elle et l’OTAN. Un ancien accord, celui de Minsk, stipulait que l’OTAN ne déposerait pas de forces dans les anciens pays de l’Est. La Russie se bat pour maintenir cette zone tampon avec l’Ukraine. Si l’Ukraine souhaite adhérer à l’Union européenne et à l’OTAN, il faudra trouver un compromis sur cette question. Mettre fin à la guerre en Ukraine pourrait donc impliquer soit l’acceptation de cette zone tampon, soit une défaite militaire de l’Ukraine. Autrement, il est difficile de voir comment le conflit pourrait se conclure.
Pensez-vous qu’il s’appliquera de la même façon pour mettre fin à la guerre à Gaza?
Là aussi, il y a un problème. D’abord, il y a une donnée fondamentale : toute la communauté américaine, tous ses chefs d’État, sont d’accord sur la protection d’Israël. C’est une donnée inaliénable de la géopolitique américaine. C’est l’un des principes de base. Israël est défendu à tout prix, contre toute morale. Deuxièmement, Trump est plus pro-israélien que toute l’administration américaine. Parce que Kamala Harris et Biden sont d’accord pour soutenir Israël, mais, pour eux, l’aboutissement de la guerre serait la formation de deux États, alors que cela n’apparaît pas dans le discours de Trump. Trump a déplacé l’ambassade des États-Unis à Jérusalem, ce qui signifie qu’il n’est pas dans la logique d’avoir deux États. Mais, je ne vois pas comment il pourra s’en sortir, malgré le fait qu’il reconnaisse le vote des Arabes en sa faveur. Or, le problème des Arabes américains, c’est l’aide américaine à Israël, notamment pour l’armement. Mais il y a une porte de sortie dans cette analyse que je fais : Trump 1 n’est pas égal à Trump 2. Quand Trump 1 est monté au pouvoir, il n’avait pas une idée de cette machine géopolitique qu’est l’Amérique. Je crois qu’avec le temps, alors qu’il a quitté le pouvoir, il a eu le temps de réfléchir, de revoir son comportement, sa stratégie et surtout de s’entourer de gens compétents.
Un message particulier aux dirigeants africains suite à cette élection de Donald Trump ?
Les dirigeants africains doivent encore et encore réfléchir à 1000 choses. Ils doivent privilégier les intérêts de leurs pays au lieu de s’abandonner aux puissances étrangères. Et le président Mamadi Doumbouya avait dit une phrase très importante à la tribune des Nations unies : « Nous ne sommes ni pro ni anti américain, ni pro ni anti chinois, ni pro ni anti français, ni pro ni anti russe, ni pro ni anti turc. Nous sommes tout simplement pro africains», il faut que cette phrase soit ancrée chez tous les dirigeants africains, il faut défendre les intérêts africains en relation avec les puissances.
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