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Quelques jours après la réception de 6 000 kits d’enrôlement, le gouvernement de transition a annoncé le lancement du recensement électoral à partir du 15 avril 2025, aussi bien à l’intérieur du pays qu’au sein des ambassades et consulats à l’étranger. Suite à cette annonce, le leader du Bloc Libéral, Dr Faya Millimouno, a préconisé lors d’une interview accordée à Guinée360.com ce jeudi 10 avril 2025, l’ouverture d’un dialogue constructif, permettant aux différents acteurs de prendre part au processus électoral.
Guinée360.com : Vous êtes leader du Bloc Libéral. Comment réagissez-vous à l’annonce du MATD concernant le début du recensement électoral prévu pour le 15 avril 2025 ?
Dr Faya Millimouno : Dorénavant, il faut que le CNRD et le gouvernement arrêtent la fuite en avant, puisque nous sommes une République. Quand on dit qu’on va entamer un processus électoral pour un retour à l’ordre constitutionnel, il ne s’agit pas d’une procédure d’intronisation d’un monarque. Cela obéit à un certain nombre de contraintes, parmi lesquelles l’ouverture de dialogue pour associer les différents acteurs censés prendre part au processus.
Qu’est-ce que vous craignez?
Une élection, elle est fraudée dès l’élaboration des fichiers électoraux. C’est à ce niveau que la fraude commence. Et aujourd’hui, on est en train de poser des actes importants sans associer aucun acteur politique. Or, ce sont ces acteurs politiques qui seront les compétiteurs. Je donne un exemple : lorsqu’on veut frauder une élection, notamment à la phase de recensement électoral, on envoie moins de kits dans les zones supposées favorables à l’opposition. On dépêche moins d’agents recenseurs, et on manipule même le paiement des primes dans certaines localités, simplement pour les décourager et bâcler le travail. C’est-à-dire que, dès lors que le CNRD a montré qu’il veut avoir un candidat, il n’est plus neutre. Il fait de la politique politicienne. Or, il devrait ouvrir le dialogue et obtenir un consensus sur les questions importantes avant de poser des actes. Sinon, on pourrait aller vers une démarche sans issue, qui ne nous permettra pas de préserver la paix et la sérénité nécessaires à l’organisation d’élections.
Pensez-vous que le délai de 45 jours est suffisant pour cette opération ?
Nous sommes aujourd’hui le 10 avril. À moins que tout cela ne soit une sorte de poisson d’avril — parce qu’on est en avril, tout est possible — la première question à se poser est la suivante : est-ce que les kits sont déjà distribués dans les quatre coins de la Guinée ? C’est-à-dire, partout où le recensement doit se faire, les kits ont-ils été déployés jusqu’au dernier mètre carré du territoire ? Ce redéploiement ne se fait pas au hasard, ni du jour au lendemain. Autre question : qui sont les agents recenseurs ? Ont-ils déjà été recrutés ? Formés ? Sont-ils formés à l’utilisation des kits ? Parce qu’il ne reste que quatre jours. Le cinquième jour, les opérations sont censées commencer. J’ai bien peur qu’on ait besoin de journées de 240 heures au lieu de 24 heures ! Voilà ce qui sème le doute dans mon esprit et m’amène à me poser des questions. Je tiens à la paix dans ce pays. Tout ce qui menace cette paix, je le dénoncerai. Ce n’est pas acceptable. On doit ouvrir un dialogue pour se mettre d’accord sur la manière dont le processus électoral, le processus référendaire, tout cela doit se mettre en place de façon consensuelle. C’est extrêmement important.
Selon le MATD, les 6 000 kits ont coûté 35 millions de dollars, soit plus de 300 milliards de francs guinéens. Qu’en pensez-vous ?
La question qu’il faut se poser est de savoir : y a-t-il eu un appel d’offres ? Si oui, a-t-il été conduit conformément à nos lois ? Parce que, des dizaines de millions de dollars, ce n’est pas un montant qu’on attribue à la légère. Ce n’est pas à un copain, une copine ou un cousin qu’on attribue un tel marché. Non, ça ne se fait pas comme ça. C’est un travail d’une extrême importance. On ne pourrait répondre à cette question que si la procédure avait été transparente, s’il y avait eu des compétiteurs, et si l’on savait ce que chacun proposait comme solution. Mais si l’argent du contribuable est pris et donné à quelqu’un, sans appel d’offres, pour dire : « c’est vous qui allez nous fournir la solution du recensement », ce n’est pas ainsi qu’on gère une République. À cette allure, les erreurs du passé sont bel et bien en train de se répéter. En pareille circonstance, on lance un appel d’offres international, si l’on estime que les compétiteurs nationaux ne sont pas en mesure de fournir le service souhaité. Mais je ne crois pas que ce soit ce qui s’est passé ici. Or, il paraît que le CNRD est venu pour lutter contre la gabegie financière et les détournements. Pourtant, tous les actes qu’il pose vont dans le sens contraire : ils favorisent la corruption, les détournements, l’enrichissement illicite, etc. C’est ce qui explique d’ailleurs que, en trois ans, le montant déclaré détourné au préjudice de l’État dépasse celui des onze années de gouvernance d’Alpha Condé.
Le gouvernement a décidé que c’est désormais le MATD qui organisera toutes les élections. Quel est votre point de vue ?
Ce n’est pas une décision qui relève du gouvernement. C’est une question républicaine. Et dans une République, il y a des acteurs politiques qui seront les compétiteurs. Il faut rappeler que lorsque le CNRD est arrivé, un dialogue a été organisé. On a demandé aux acteurs ce qu’ils souhaitaient concernant l’organisation des élections. Étant donné que le président Mamadi Doumbouya avait déclaré — et répété à plusieurs reprises, même s’il ne le répète plus maintenant — que lui-même, les membres du CNRD et ceux du gouvernement ne seraient pas candidats, on avait pensé qu’on pouvait donner une chance à notre pays, comme le Sénégal, où le ministère de l’Administration du territoire organise les élections. Mais, comme on dit dans ma langue : « tresse-moi comme ma coépouse » — encore faut-il que vous ayez les cheveux comme votre coépouse ! La Guinée n’est pas le Sénégal. Le Sénégal n’a jamais connu de parti unique. La Guinée, si. Aujourd’hui, dans toutes les régions du pays, que ce soit à Conakry, N’zérékoré, Kindia ou Boké, ceux qui organisent les marches dites « pour la paix » sont des fonctionnaires. Or, selon l’article 57 du statut général de la fonction publique, ils devraient faire preuve de réserve en matière politique. Mais aujourd’hui, ce sont même les gouverneurs qui disent qu’en Guinée, on n’a plus besoin d’élections ! Certains vont jusqu’à affirmer qu’il suffit de proclamer Mamadi Doumbouya président. Dans un tel contexte, penser que l’organisation des élections par le MATD va garantir la paix et la stabilité est une illusion. Je dis non, on se trompe. Il faut que les gens arrêtent de rêver debout. Les élections doivent être organisées dans les règles, ou alors, qu’ils s’apprêtent à signer un décret et nommer un monarque guinéen absolu. Mais je ne crois pas que ce soit ainsi qu’on agit dans une République.
Quel message adressez-vous aux compatriotes, et en particulier aux militants du Bloc Libéral, à l’approche du recensement ?
Mon message reste inchangé : soyez vigilants, et surtout, participez à l’enrôlement. Je m’adresse ici aux cadres du parti, aux réseaux, aux mouvements, aux associations affiliées au Bloc Libéral et à tous les militants, sur chaque mètre carré de la Guinée : faites du porte-à-porte, encouragez et aidez nos compatriotes à se faire enrôler. Parce que même si, demain, on annonçait la date du référendum, il ne suffirait pas d’annoncer cette date. Il faudrait aller en campagne. Or, on ne peut pas commencer une campagne référendaire cinq mois à l’avance. Le premier trimestre est terminé, et il n’y a toujours pas de décret. Il n’y a aucune condition…
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