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Au compte de la rubrique ‘’Que sont-ils devenu ?, de Guinéenews, votre serviteur, reçoit dans ce présent numéro, Sékou Kourouma, musicien guitariste, membre fondateur de l’orchestre Gbassikolo jazz de la fédération de Conakry 1.
Communément appelé Maitre Sékou, il est Fils de feu Diarra, et de feue Fatoumata Oularé. Il est né à Conakry et précisément à Fotoba en 1934. Marié à une femme, il est père de sept enfants, dont quatre vivants.
Après l’école primaire effectuée à Faranah, le secondaire à Saraya (Kouroussa), Sékou Kourouma suivra la suite de ses études, à l’école normale de Dabadou, où il est sorti instituteur.
En qualité d’enseignant, il a servi à l’école de la mission catholique, et fut le 1er Directeur de l’école fondé à Lambanyi. Multi casquettes, se dit-il, il est admis à un concours de recrutement en 1957. Sékou Kourouma sera recruté par la compagnie internationale de télécommunication FRANCE CABLES RADIO, en qualité d’opérateur, puis contrôleur principal. Cette compagnie plu tard (1970) fusionnée aux PTT, Sékou Kourouma occupera le poste de chef du BTI (Bureau de Transmission Internationale), et c’est de là, qu’il fut admis, pour faire valoir ses droits à la retraite.
Musicien guitariste, rencontré à son domicile situé dans le quartier Coronthie, Sékou Kourouma nous tient en haleine sur un pan de l’histoire de la musique guinéenne, il nous parle de ses débuts, son parcours, la création de l’orchestre Gbassikolo jazz, rebaptisé plus tard Kaloum star de Conakry 1. Découvrez ses beaux souvenirs, ses remords et cris de cœur, et enfin, les conseils qu’il lègue aux jeunes musiciens.
Lisez !
Guinéenews : Bonjour Monsieur Kourouma ! Parlez-nous de votre vie de musicien, et celle professionnelle. Et par ricochet, de la musique guinéenne en général. Pouvez-vous nous parlez de vos débuts, et comment tout cela s’est dessiné ?
Sékou Kourouma : Avant de répondre à votre question, et si vous me permettez, j’aimerai bien toucher un pan de l’histoire de la musique guinéenne en général, que j’ai connue et vécue avant l’indépendance. A cette époque, ne pratiquaient la musique, que les Niamakala, les griots, les fina, les chansonniers troubadours et autres. Comme instruments traditionnels, ils utilisaient le bolon, le balafon, le djembé ou tamtam, le n’goni. A côté de toutes ces catégories sociales, il existait aussi les séréwa, qui représentaient les griots des chasseurs (Donso), et les sofas (guerriers). Eux ils étaient les parfaits connaisseurs du bolon. Je ne dirai pas qu’ils étaient les véritables griots, mais les plus respectés et craints, étaient les Konkoba dyéli. Ce sont de célèbres griots, respectés à cause de leurs connaissances approfondies de l’histoire des temps anciens, surtout celle du mandingue. Ils sont les conservateurs de la tradition orale de père en fils. Ils sillonnaient tout le pays, et s’intéressent principalement aux chefs de villages, chefs de cantons, et les hommes de haut rang. J’en connaissais 3, notamment Morysanda Kamissoko (père d’Aminata Kamissoko), le doyen Djeli Kèmo Kanté (père de feu Kerfalla Kanté), et feu Sékou Deen Kouyaté (père de feu Mory Djély Denn Kouyaté).
Guinéenews : A part les instruments traditionnels pratiqués par ces différentes catégories sociales, alors peut-on savoir, quels sont les instruments modernes qui ont vu jour à cette époque avant l’indépendance ?
Sékou Kourouma : Cette époque dont je parle, il n’y avait pas d’instruments de musique moderne, comme ceux dont nous voyons aujourd’hui sur la place, et qui sont variés. Il y a eu quelques instruments de musique de l’époque, tels la mandoline, le banjo, et l’accordéon. Ces instruments étaient l’apanage des fonctionnaires intellectuels, qui organisaient des balles poussières. Néanmoins, j’ai pratiqué un musicien guinéen en ce temps, qui jouait à l’accordéon, et qui s’était démarqué du lot. Il s’agit du créateur ou compositeur de la célèbre chanson ‘’Toubaka’’, titre qui avait complètement embaumé son nom et prénom, pour se faire appeler par tout le monde Toubaka. Il était Diabaté, et était le père de Ismaël Diabaté dit ‘’Griot galant’’, que j’ai longtemps côtoyé. Pour ma première fois de voir jouer le banjo et la mandoline, c’était avec le doyen feu Sidikiba Diabaté, le père des virtuoses Diabaté.
Guinéenews : Il n’y avait-il pas d’orchestres modernes évoluant en Guinée à cette époque ?
Sékou Kourouma : J’ai connu à l’époque trois formations orchestrales ou que j’appellerai des groupes. Il ya eu la ‘’Parisette’’ dirigé par Jean Camara, la ‘’Symphonie jazz’’ à sa tête Ibou Diallo, et le groupe ‘’Harlem Jazz’’ que dirigeait feu Kèlètigui Traoré.
Guinéenews : Il n’y a pas d’orchestres sans lieux de prestations, d’animation de soirées dansantes. Que pouvez-vous nous apprendre davantage sur ces lieux de distraction de l’époque ?
Sékou Kourouma : Je vous informe que notre orchestre répétait, là où se trouve présentement l’hôpital Bernard Kouchner, qu’on appelait avant en susu ‘Khandé gbé’’ (littéralement traduit en français ‘’ la grande cour’’). A part où se produisaient ces différents orchestres, il y avait des bars dancings tels le ‘’Bancos bar’’, où j’ai eu l’occasion de jouer avec Honoré Coppet, feu Sory Kandia Kouyaté, feu Momo Wandel et feu JK, le batteur de Harlem jazz d’alors, et par la suite de l’orchestre Kèlètigui et ses tambourinis. Le bar ‘’Bouvier’’, la ‘’Terrasse’’, le ‘’BamBam’’, étaient tous des bars dancing. La ‘’Pigalle’’ aussi était le seul night-club réservé uniquement aux européens, aux citoyens français.
En face de ce night-club, se trouvait ‘’Paris Chanson’’, qui était la maison de vente de disques européens, martiniquais. En ce temps, personnellement, j’avais un groupuscule de musiciens, avec lesquels, j’évoluais dans plusieurs bars dancings de la capitale, et cela sous contrat avec les différents tenanciers.
Guinéenews : Revenons à vos débuts, et comment vous vous êtes retrouvé dans la musique en tant que guitariste ?
Sékou Kourouma : Au départ il n’y avait pas d’école de musique, et comme je l’ai dit en l’entame, ce sont les griots, les conteurs et autres conservateurs de la tradition, qui évoluaient partout. J’ai toujours aimé ce genre musical tiré du terroir. C’est ainsi qu’à Banian (Faranah), logés à coté de mon père, Dyéli Karifa (le père de feue Mama Diabaté) et ses 2 frères jouaient régulièrement à la guitare. C’est par leur truchement, que j’ai commencé à apprendre la guitare. Plu tard arriver à Conakry, j’ai été accroché et entièrement formé par feu grand Papa Diabaté, qui revenait du conservatoire de Dakar, et qui était l’un des meilleurs guitaristes de la sous-région.
Guinéenews : Peut-on confirmer que Papa Diabaté fut votre maitre à la Guitare ?
Sékou Kourouma : Evidemment et sans nul doute, il fut mon maitre, et d’ailleurs mon idole à la guitare. En plus, après ces périodes d’apprentissage, il venait toujours après moi, dans plusieurs lieux de loisirs, où je signais des contrats de prestations avec les tenanciers des bars, en compagnie de mon petit groupe, précisément à ‘’Tabarin Bar’’ à Almamya, au bar ‘’Alpha’’ à Coronthie, à la ‘’Cantine’’ à Boulbinet’’, et à la ‘’Canne à sucre’’ à Sandervalia. Feu Papa Diabaté m’a toujours assisté sans se fatiguer, il avait une estime considérable pour ma personne.
Guinéenews : Situez nous sur votre parcours, et quelles sont les formations orchestrales auxquelles vous aviez appartenu ?
Sékou Kourouma : Pratiquement, à part ces petits groupes de musiciens, avec lesquels j’évoluais dans les bars dancing, que je viens de vous énumérer, je n’ai pas évolué dans un autre orchestre. Par ailleurs, il faut signaler, que je venais le plus souvent, relayer feu Lènkè Condé à la Guitare, dans le groupe Harlem jazz, fait qui avait contribué aussi, à parfaire mes connaissances à la guitare. Essentiellement, il faut noter que je suis le fondateur de l’orchestre ‘’Gbassikolo jazz’’, domicilié à Kaloum. Je fus le 1er chef d’orchestre, et secondé par feu Maitre Barry. C’est cet orchestre qui fut rebaptisé plu tard le ‘’Kaloum star’’ de la fédération de Conakry 1
Guinéenews : Porté à la tête de cet ensemble, pouvez-vous nous dire, les critères qui ont concouru à votre choix comme chef d’orchestre ?
Sékou Kourouma : Ecoutez ! J’étais tout d’abord membre fondateur, ensuite ma popularité était grandissante à l’époque, la maitrise de la musique, la compétence à la guitare, ma disponibilité, étaient en somme des critères, qui ont prévalu à mon choix comme chef d’orchestre.
Guinéenews : C’est une autre génération de musiciens avec lesquels vous aviez évoluez au sein du Gbassikolo jazz de Conakry 1. Pour la gouverne de nos lecteurs, pouvez-vous nous proposer la composition de cet orchestre par section ?
Sékou Kourouma : Au début, il n ya n’avait pas de section chant. Section cordes : Sékou Kouroumah (Guitare solo) ; Condé Sékou ‘’Combo’’ (guitare accompagnement). Section vent : Mamadou Aliou Barry (saxo alto) ; Amara Soumah ‘’Salade’’ (saxo). Section rythmique : N’Diaye Konaté (batterie) ; Sory Rémetter (Tumba). La section chant a été meublée plu tard, et c’est ainsi qu’Emile Beny Soumah, et Amine viendront renforcer cette section chant, et Diawara tiendra la guitare basse.
Guinéenews : Sur le plan enregistrement, aviez-vous laissez des compositions musicales, si oui, citez-nous quelques titres de vos répertoires ?
Sékou Kourouma : Il y e a eu plusieurs enregistrements, sauf que je ne peux plus me rappeler, de toutes ces compositions musicales, qui ont fait le succès de notre orchestre, lors des rencontres culturelles. Je me rappelle néanmoins du titre ‘’A fama l’heure ma’’ (littéralement traduit en français ‘’il sera à l’heure ou ponctuel’’), ‘’Conakry 1 Laginè ta’’. (Littéralement traduit en français ‘’ Conakry 1 capitale de la Guinée’’). Beaucoup de nos titres, passaient souvent à la radio-Guinée dans l’émission ‘’Disque des auditeurs’’. C’est dommage, que je ne puisse vous satisfaire entièrement sur cette question, bien évidemment la vieillesse est un mal à sa manière.
Guinéenews : Aviez-vous participez à des compétitions du genre festivals ou quinzaines artistiques ?
Sékou Kourouma : J’ai participé à plusieurs semaines artistiques à Conakry, et à l’intérieur du pays, en compagnie du Gbassikolo jazz. C’était des rencontres très fructueuses avec les autres orchestres de l’intérieur du pays.
Guinéenews : Aviez-vous à votre temps, eu l’opportunité d’effectuer des tournées africaine et internationale ?
Sékou Kourouma : Non ! Ces voyages à l’étranger, je n’ai jamais eu l’occasion d’en profiter. Je sais quand même, que les orchestres nationaux, effectuaient des tournées sur le plan africain et international. Sur le plan national, j’ai effectué beaucoup de déplacements à l’intérieur du pays.
Guinéenews : En rappel, quel est l’un des plus beau souvenir que vous gardez, et celui que vous considérez comme le pire durant votre parcours musical ?
Sékou Kourouma : C’est lors d’une semaine artistique, où à l’animation étaient programmés le Dirou band de Kindia et le Gbassikolo jazz. Ce jour, je fis des exhibitions, à n’en pas croire aux yeux, car j’ai joué la guitare sur la tête, et je l’ai ramené vers le dos, et le public n’avait pas pu se retenir en acclamations, et en cris de joies. A la fin du spectacle, feu ministre Seinkoun Kaba, qui fut un influent dirigeant politique du PDG, viendra me chercher dans les coulisses, me serrer dans ses bras, et m’inviter à son bureau, à travers sa carte de visite. C’est un jour inoubliable pour moi. Des mauvais souvenirs ne finissent jamais, et je préfère toujours m’abstenir de les raconter. Je suis croyant, et j’ai tout pardonné, sinon, il y en a qui méritent d’être relater.
Guinéenews : Sur le plan musique, quand aviez-vous pris votre retraite, et quelles étaient les principales raisons de votre recul ?
Sékou Kourouma : Si j’ai bonne mémoire, j’ai pris ma retraite au niveau de la musique en 1967, et c’était pour des raisons de famille.
Guinéenews : Est-ce la musique reste toujours une passion pour vous, ou vous vous en êtes éloigné définitivement ?
Sékou Kourouma : La musique reste toujours une passion dans mon cœur, bien qu’il y ait très longtemps que j’ai quitté la scène.
Guinéenews : Avec cette vie de retraité, quelles sont vos actuelles occupations du haut de vos 90 ans ?
Sékou Kourouma : Je suis à la maison, Dieu merci ma santé elle se maintient, et il y a longtemps que j’ai troqué ma guitare, contre la bouilloire, le tapis de prière et le chapelet. Parfois, si le temps me permet, j’assiste aux affaires sociales, je rends visite aux amis qui sont à proximité de mon domicile, et ils viennent tantôt échanger avec moi à la maison. Je suis la télévision, les informations, et autres programmes intéressants. Je suis bien entouré, et mon petit-fils Mohamed Lamine Kourouma ‘’Topi’’, que je remercie infiniment, prends bien soins de moi, il est disponible. Voilà la vie du retraité que je mène, jusqu’à ce que Dieu nous rappelle, car cela est indéniable.
Guinéenews : Comment vous vous sentez, ou qu’est-ce que vous ressentez aujourd’hui face à tout ce que vous aviez fait pour la musique guinéenne ?
Sékou Kourouma : Je pense avoir été utile à ma nation. Si le mot abandonné est juste, ou s’il y a un synonyme plus cohérent, franchement je me sens abandonné. Cela me touche au plus haut degré, et j’appelle cela, de l’ingratitude à l’état pur, pour avoir consacré plus de 20 ans de service à la culture guinéenne. J’ai animé plusieurs bars dancings avant l’indépendance, j’ai créé cette première formation musicale, qui s’est rebaptisé ‘’Kaloum star de Conakry1’’, sans compter que plusieurs virtuoses de la guitare en Guinée, sont passés un moment dans mon école, car je suis un disciple de feu Papa Diabaté ‘’Grand Papa’’, qui est plus qu’une école. Pas de la haine dans mon cœur, mais je ressens de la tristesse.
Guinéenews : Qu’est-ce que la musique vous a-t-elle apportée, durant tout le temps de sa pratique ?
Sékou Kourouma : La musique m’a rendu populaire, elle m’a permis de découvrir et de faire la connaissance de hautes autorités. J’ai eu de la notoriété, grâce à la musique, bien que financièrement, la musique ne m’ait rien apporté. Quand je me rappelle de la soirée anniversaire de la femme d’une autorité coloniale, que nous avions animé à Conakry, en compagnie de Emile TOM Papa au piano, Jean Camara au saxo, Cissé à la clarinette, Emmanuel Katty et Kara Touré au chant, et moi à la guitare, je me dis que la gloire avait commencé depuis longtemps. La musique m’a apporté de la joie et des relations humaines.
Guinéenews : Le ministère de la culture vient d’initier une prise en charge médicale, en partenariat avec NSIA BANQUES. Etes-vous imprégné de cette situation ?
Sékou Kourouma : C’est ma première nouvelle, et je ne suis pas du tout informé. Comme je vous l’ai signifié, je ne crois pas si ces cadres de ce ministère, qui se sont tant succédé, me connaissent, ou savent si je suis en vie. Si cela est vrai pour cette prise en charge, aidez-moi à intégrer le circuit, et à mon âge, j’ai besoin d’une prise en charge, car tous les matins, quelque chose se déclenche pour perturber l’état de santé. Beaucoup ont été lésés face à cette autre indemnité de 5.000.000 FG, octroyée aux anciennes gloires dit-on. Je fais partie de ce cas, et pourtant nous sommes aussi méritants. C’est vraiment triste. Je demande à ce que justice soit faite et que le partage soit équitable.
Guinéenews : Quels conseils pouvez-vous donnez à cette jeune génération de musiciens ?
Sékou Kourouma : Actuellement, les musiciens sont à la hauteur. Le malheur, est qu’il y a qu’un seul musicien, que tout le monde accompagne et celui-là, c’est le chanteur. Avant, à tour de rôle, chaque section avait sa partition dans la musique. Nous assistons aujourd’hui à une structure musicale, qui biaise des étapes essentielles dans l’arrangement musical. Le contenu des chansons, doit être revu avec censure, comme on le faisait avant. A cela, je conseillerai aux jeunes de se pencher sur l’exploitation du folklore guinéen, qui est très riche et inépuisable. Les chansons de louanges doivent être dosées, elles dominent dans les répertoires au détriment des créations, qui resteront toujours pérennes en matière de musique. Je suis inquiet de ce côté, et j’encourage la jeunesse d’en faire de la musique, un métier et non pas un abreuvoir, où l’on vient juste pour ramasser des miettes.
Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guinéenews