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Depuis quelques jours, la question mémorielle est encore au centre de l’actualité guinéenne. Les différentes versions de notre histoire commune s’affrontent, parfois de la plus mauvaise des manières.
En effet, la commémoration du 26 mars 2024 marquant le quarantième anniversaire du rappel à Dieu de feu Ahmed Sékou Touré a encore relancé le débat sur l’épineuse question mémorielle en Guinée. Il en est ainsi chaque fois qu’il s’agit d’une page heureuse ou douloureuse de notre histoire commune. Du Général Lansana Conté au Président Alpha Condé, en passant par le Capitaine Moussa Dadis Camara et le Général Sékouba Konaté, le peuple de Guinée reste divisé, en raison notamment des clivages politiques et ethniques, autour des questions mémorielles. Chacun va par exemple de ses propres récits et commentaires concernant entre autres l’agression 1970, les évènements du 4 juillet 1985, des 2 et 3 février 1996, du 12 juin 2006, de janvier-février 2007 et du 28 septembre 2009.
Les guinéens restent opposés par la mémoire. Ces clivages ou batailles mémorielles s’expliquent surtout par le fait qu’il n’y a jamais eu de débats sérieux sur les différents visages de notre passé qui ne cessent de faire couler beaucoup d’encre, de salive, susciter des commentaires nombreux et abondants.
Aucune bride de notre passé commun, aussi simple soit elle, ne fait l’unanimité. Au lieu d’une histoire commune avec une seule version, nous avons une histoire commune avec plusieurs versions. Malgré nous appartenons à un même Etat, nous nous reconnaissant en une même Nation, chacun raconte, comme il le veut, l’histoire de notre patrimoine commun, en fonction de ses intérêts. Oui, depuis toujours, l’histoire de la Guinée est l’otage des personnes qui tirent profit surtout des mémoires douloureuses de notre parcours collectif.
La question que nombre de guinéens se posent depuis belles lurettes est : que faut-il véritablement faire pour régler définitivement cette question mémorielle en Guinée ?
Cette question est d’autant plus importante qu’elle nous interpelle tous. Même si notre vécu collectif nous rassemble, notre mémoire, quant à elle, nous oppose sur moult questions relatives au passé de notre pays. Comment réconcilier aujourd’hui les mémoires au Paradis ?
L’État ne doit aucunement attendre que les témoins des événements qui divisent l’opinion guinéenne disparaissent les uns après les autres pour engager notre pays dans un processus d’écriture de notre passé commun car, sans ces véritables témoins de notre histoire, il serait difficile voire impossible d’écrire notre histoire commune. D’où l’impérieuse nécessité de mettre en place une commission nationale pour l’éclaircissement et la recherche de la vérité historique.
Effectivement, pour taire les distensions autour de notre passé commun et permettre de l’enseigner aux jeunes et enfants dans le cadre de son appropriation par les jeunes et la meilleure connaissance de leur pays, il faut écrire notre histoire commune. Qui a fait quoi, quand, où et comment dont certains ne présentent que les côtés et aspects négatifs sur le dos d’une seule partie, doit être su par tous les guinéens. D’où l’obligation, une fois encore, pour l’État de mettre en place une commission nationale d’écriture de l’histoire de la Guinée. Cela est extrêmement important et même indispensable pour la réconciliation nationale. L’avenir de la Guinée en dépend.
En d’autres mots, pour faire toute la lumière notamment sur les pages sombres de notre vécu commun diversement apprécié par l’opinion, il serait important de créer une commission nationale d’écriture de l’histoire de la Guinée. Cette commission sera composée d’éminentes personnalités venant notamment du sérail universitaire, à savoir des historiens, des sociologues, des juristes et des hommes de lettres. Outre ces universitaires, des témoins vivants, des représentants des différentes associations des victimes, des communicateurs traditionnels venant des quatre régions naturelles de la Guinée et des personnes ressources étrangères.
Cette commission nationale d’écriture de l’histoire de la Guinée aura entre autres pour tâche de rassembler toutes les brides de notre passé. Cette démarche, bien que laborieuse, est une garantie non seulement pour penser et panser les plaies ainsi qu’éclairer la lanterne de tous les guinéens sur le passé de notre pays de l’indépendance à nos jours, mais également pour mettre fin aux délires, à la manipulation et à la déformation pour les nouvelles générations.
Que doit faire l’État, une fois la mise en place de cette commission nationale d’écriture de l’histoire de la Guinée ?
Il doit créer les conditions pouvant faciliter l’accès à la totalité des archives guinéennes, y compris celles encore classifiées, en demandant par exemple à la France et toutes autres puissances (Nations) conservant par devers elles certaines de nos archives, la déclassification de tous les dossiers relatifs aux complots que la Guinée a connus de 1958 à 1984 et aux pages douloureuses de notre parcours collectif. L’accès à ces documents couverts par le secret de la défense nationale française pourrait bel et bien permettre la manifestation rapide et sûre de la vérité sur plusieurs zones d’ombre de notre histoire qui opposent les guinéens.
Comme l’a dit l’autre, sans passé partagé, pas de présent commun. C’est pourquoi, nous devons assumer ensemble le poids de notre histoire commune.
Sayon MARA, Juriste