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Tout le droit international de la démocratie a été bâti autour d’un postulat qui est celui de la présupposée vertu des dirigeants civils. A partir de ce postulat, il a été formellement interdit à l’Armée de prendre le pouvoir. Or, l’observation de la réalité permet de conclure que les gouvernants civils ne sont pas si vertueux que ça et qu’au contraire ils sont parfois plus vicieux qu’on ne le croit et ne peut l’imaginer : ils ne respectent pas les règles qu’ils se sont librement fixées ; ils modifient à leur convenance les constitutions dans le seul but de s’éterniser au pouvoir, parfois au prix de crimes contre l’humanité ; ils affichent une mauvaise gouvernance économique, toutes choses constitutives de « coups d’Etat civil » par rapports auxquels, le droit international de la démocratie reste totalement muet. Et pourtant sans le dire formellement il y a un droit international de la transition militaire qui se met progressivement en place sous nos yeux.
Pour l’heure, il se décline en cinq points à savoir :
1- )la condamnation de principe de tout coup d’Etat militaire ;
2-) l’engagement des discussions avec la junte au pouvoir, ce qui est une reconnaissance de fait de leur autorité ;
3-) l’exigence de libération du dirigeant déchu et arrêté ainsi que ses plus proches collaborateurs et, au besoin, les autoriser à voir les médecins de leur choix à l’intérieur ou à l’extérieur du territoire national ;
4-) la détermination d’un commun accord de la durée de la transition, ce qui équivaut à une reconnaissance de jure et enfin
5-) la désignation d’un Représentant chargé du suivi de la Transition et du retour à un nouvel ordre constitutionnel. Tout ceci relève d’une hypocrisie qui décrédibilise, discrédite et délégitime, chaque crise un peu plus, ces Organisations sous-régionales et régionales.
C’est pourquoi, nous pensons qu’au nom de la Real Politik, il faut avoir le courage de sortir de cette hypocrisie en concevant un Droit international de la transition militaire qui formalisera les conditions, d’une part, de la prise du pouvoir par les Armées, ce qui s’entend, aussi bien des motifs que de la procédure et, d’autre part, d’organisation de la transition militaire.
En ce qui concerne les conditions de prise de pouvoir par les Armées, il y aurait la mal gouvernance politique caractérisée et la mal gouvernance économique chronique.
Dans le registre de la mal gouvernance politique, on peut citer pêle-mêle, le refus systématique de violer la Constitution, la modification intempestive de la Constitution en particulier, pour faire plus de deux mandats présidentiels et/ou pour s’arroger tous les pouvoirs, les répressions sauvages contre les populations civiles et les crimes contre l’humanité.
Dans le registre de la mal gouvernance économique, on pourrait citer entre autres et sans prétendre à l’exhaustivité, les détournements massifs des deniers publics et la gestion patrimoniale de l’Etat.
En revanche la procédure de prise de pouvoir doit faire en sorte que ce soit l’Armée (l’institution) qui prenne le pouvoir et non « des militaires » (individus) afin d’éviter les guerres fratricides entre frères d’arme. Ainsi donc, une procédure interne à l’Armée pourrait être établie allant des consultations préalables jusqu’au passage à l’acte de sorte qu’en cas de survenance de coup d’Etat, tout le monde saura par avance que c’était inévitable.
En ce qui concerne l’organisation de la Transition, il faut en fixer la durée non négociable ; cette durée doit être raisonnable ; c’est d’ailleurs le sens des discussions aujourd’hui avec les différentes juntes au pouvoir en Guinée, au Mali au Burkina Faso et au Niger.
Pour certains, une transition ne saurait durer quatre ans, c’est la durée d’un mandat démocratique au Nigéria par exemple. Pour d’autres, un mandat inférieur à trois ans serait insuffisant pour résoudre les causes profondes qui ont conduit au coup d’Etat et occasionnerait de facto une instabilité car, il suffirait de faire une transition de moins de trois ans, de partir pour mieux revenir six mois après. Trois ans serait une bonne durée pour une transition militaire réussie.
L’initiative d’un droit international de la transition militaire peut apparaître comme une apologie aux coups d’Etat mais il n’en est rien ; elle fonctionnerait plutôt comme une dissuasion, une épée de Damoclès sur la tête des gouvernants civils qui n’auront pas d’autre choix que de bien faire : aujourd’hui, aucun des contre-pouvoirs civils, qu’ils soient politiques ou juridictionnels ne les effraie ; seule l’Armée les effraie ; si ce Droit avait existé, il n’y aurait jamais eu un troisième mandat ni au Togo, ni en Guinée, ni en Côte-d’Ivoire, pas plus qu’on n’aurait pas connu la crise au Mali et peut-être aussi qu’on aurait pas connu celle du Burkina Faso et du Niger.
Nankouman Keita est étudiant en Master à Hubei University en Chine
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