New York- Tout sur Al-Ridwane Muslim Center, une fierté guinéenne (interview avec l’imam Fodé Konaté)

Une mosquée imposante de la forte communauté guinéenne à New York (États-Unis) s’élève dans le Bronx à la 166è. Cette maison de Dieu en construction sur un domaine qui coûte environ 4 millions de dollars, est l’une des propriétés guinéennes les plus marquantes et les plus solides des Etats-Unis. Une bâtisse à trois niveaux -dont un immense sous-sol- accueille déjà de nombreux fidèles les vendredis venus de toutes les communautés africaines et d’ailleurs qui mettent la main à la poche pour son achèvement.

Pour mieux appréhender l’objectif des initiateurs, nous avons interrogé l’imam Fodé Konaté. Dans un langage clair ponctué de mots tirés du Saint Coran, il est revenu sur le gigantesque projet de la mosquée Al-Ridwane Muslim Center. Entretien…

Imam Fodé Konaté

Imam Fodé Konaté : Cette mosquée qui est une cité pour la communauté ne fait que grandir. Nous sommes là dans les 30, 35, 50 ans, nous avons des grands fils ici, des parents qui viennent nous rendre visite et qui quittent un peu partout. Tout d’abord nous étions à la 165, mais on voyait que les vendredis c’est tellement plein, il y a toujours des nouveaux, la communauté, il y a les convertis. On a vu que nos enfants grandissent et on ne peut pas les laisser comme ça, donc il fallait faire tout notre possible pour avoir une grande mosquée qui comporte la salle de prière, une salle de communauté et une école, c’est la raison pour laquelle on s’est dit de chercher une place et cela fait juste 1 an depuis qu’on a eu cette place. Ce que nous demandons ce sont des douas et l’accompagnement des gens, parce qu’à date on a fait que le 1er et 3è étage. donc le 3 est là et il n’est pas encore touché, y compris le sous-sol.

Imam Fodé Konaté : Nous prions toujours pour avoir de très belles idées, ce n’est pas une seule communauté qui est là c’est toute la communauté islamique qui est là. Il y a tous les pays et toutes les communautés ici. Donc ce pouvoir d’avoir un tel domaine parce que quand on est unis on a beaucoup de force. Actuellement, on n’a pas trop de plan pour finir ça. Tout ce qu’on sait, les gens sont motivés,  on a contacté des gens partout, même le gouvernement guinéen parce que c’est un grand projet. Nous savons qu’il y a beaucoup de ministres guinéens qui viennent ici et même le secrétaire général des Affaires religieuses. On est à la tâche, on est en train de travailler, on fait appel à tout le monde pour terminer ce grand projet. C’est Dieu seul qui sait comment nous allons finir ce travail mais nous avons la volonté de travailler et de rassembler. Nous ne voulons pas que nos leaders viennent de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, du Mali, du Sénégal, du Burkina Faso et d’ailleurs  et que les vendredis ils ne savent pas où ils vont prier. Alors, cette mosquée va réunir toutes les communautés africaines. Mais avec l’aide de Dieu, nous allons finir ce projet pour que nos enfants puissent être utiles tout d’abord à la société américaine mais aussi à nos parents dans leurs pays d’origine. Donc quand nos enfants sont bien éduqués, il y a une institution islamique en place, du rassemblement, cela peut aider nos enfants à regarder d’où ils viennent et personne ne sera perdant dans cette affaire parce que le plus grand défi c’est comment élever un enfant.

Imam Fodé Konaté : Il faut d’abord retenir que dans toute chose, il y a la patience. Pour l’achat du domaine, cela nous fait 3,900,000$ (trois millions neuf cent mille dollars américains). Ce n’est pas seulement le building, il y a un autre building à côté et un garage qui font partie. À New-York, les choses coûtent cher et on a été très chanceux pour avoir ce domaine parce qu’on n’était pas seul à vouloir un espace comme ça. Pour commencer, on a payé 500,000 $. Avec les taxes et les impôts du Gouvernement, on est allé à plus de 600,000 $ qu’on a obtenus à moins de 6 mois avec la forte mobilisation de la communauté parce que les gens nous portent  une confiance. Parce que s’ils n’ont pas confiance en vous, vous n’aurez rien. Maintenant nous payons mensuellement ce qu’on doit payer et c’est pour plusieurs années. Mais notre objectif c’est de finir le payement le plus vite possible et chacun sera libre.

Imam Fodé Konaté : Al-Ridwane c’est un très bon nom parce que tout ce qu’on fait c’est de se pardonner, s’accorder, implorer le pardon de Dieu, Ridwane englobe tout ça. Et les Sahaba, quand on les cite on dit:  « Ridwann noun Lahi alayhâa » ça veut que Allah les pardonne, qu’Allah accorde sa grâce divine, donc c’est comme ça que le choix de ce nom est venu parce qu’on a tous besoin d’implorer le pardon d’Allah pour nous-mêmes, nos enfants, nos parents et pour tous les pays d’où nous venons et pour ce grand pays qui nous accueille. Tous les imams d’ici payent pour pouvoir nous acquitter de nos obligations mensuelles, parce qu’on sait qu’il faut que nous soyons des modèles pour servir d’exemple. On a 4 imams et je suis le moins âgé. (…) Nous d’abord on a pu bannir tout ce qui est ethnie, race, on est venu de partout mais quand tu nous vois travailler, on travaille comme un seul homme et ça c’est un bel exemple dans la communauté.

Imam Fodé Konaté : Ça c’est la plus belle question que vous avez posée. Quand on disait qu’on veut un grand centre pour la communauté c’était comme un rêve mais c’est quand nos mamans ont décidé sur les difficultés qu’elles ont pour élever les enfants en étant proches d’eux se sont dit pourquoi on ne dépense pas pour nous-mêmes en dépensant pour nos enfants. On s’est dit que c’est le temps de regarder et d’analyser ce qui marche et ce qui ne marche pas dans nos communautés et on s’est organisé pour mettre ça en place. Et lors de la première collecte, les femmes n’étaient pas nombreuses, on avait pu mobiliser à peu près 36,000 $. Et les femmes se sont retrouvées ensemble et on a 59,000$ en 3h du temps, c’était le premier fonds pour ce projet. À l’époque, on n’avait pas eu cette place mais on se donnait les mains et cherchait en même temps un domaine. Nos femmes-là, nos mamans-là sont à féliciter pour leur bravoure. Donc il y a une confiance qui s’est installée entre les femmes, entre les hommes, nous avons été rejoints par les enfants et les gens sont venus d’un peu partout. Nos femmes ce sont nos boussoles, c’est le socle, ce sont elles qui nous encouragent et les tapis c’est une seule femme qui l’a fait (17,500 $) avec son mari. Avant ça, elle avait donné 30,000 $ avec son mari, elle se nomme madame Diallo. Il y a des jeunes filles non mariées qui ont donné 5,000 $. Un autre qui était dans la mosquée, qui prie avec nous, toujours calme mais il nous a donné 18, 000 $. Notre imam Elhad Kabiné Bérété, celui qui a le restaurant, lui il a donné plus de 50, 000 $. Le montant est beaucoup minimisé parce qu’on ne peut évaluer ce qu’il donne à la mosquée. C’est un très gros contributeur. Quelqu’un d’autre nous a fait un crédit de 40, 000 $ et nous a dit : prenez et remboursez quand vous voulez. C’est juste quelques exemples, sinon il y en a beaucoup sans compter les travaux effectués par les femmes qu’on ne peut pas payer. Nous faisons les choses dans la transparence et des rapports chaque mois, notre secrétaire note tout, même 1 centime, nous faisons des consultations auprès des personnes qu’on appelle les généraux. Ici, il y a de la place pour tout le monde, vous avez des cérémonies (baptême, mariage, décès) il y a la place pour tout un chacun, c’est pour la communauté, parce qu’il y a une grande place ici. Pour le mariage, il y a un montant à payer et cet argent sera utilisé pour contenir les travaux de la Mosquée.

Imam Fodé Konaté : Vous savez, dans toute chose, tu sais quand tu vas commencer mais tu ne sais pas quand tu vas finir. Et tu ne sais pas non plus dans quel état toi tu seras. On sait ce qu’on vit aujourd’hui mais personne ne sait ce que demain nous réserve. Mon message c’est de rappeler que c’est une première d’avoir une telle place au sein de notre communauté et nous ne faisons que grandir, nous qui sommes là il y a 30 ans ou plus, on a déjà de grands enfants dont certains ont commencé à se marier. C’est vrai, on pense à l’Afrique mais il faut penser aussi à nos enfants qui sont nés ici parce que nous nous allons rentrer mais nos enfants n’auront pas cette chance-là parce que leurs papas sont venus ici très jeunes mais eux c’est ici ils connaissent. Donc on doit s’approprier cette grande place. Rien n’a changé depuis qu’on a commencé. Il y a la place des prières (mosquée), l’école et la salle communautaire. L’autre building (sis à proximité) est là, on pourra si on (la communauté) le souhaite avoir une morgue et espace de funérailles.

Donc ici on ne sait pas tu viens de quel pays, tu parles combien de langues, ça ne compte pas. Tout ce qui compte c’est est-ce que tu es musulman ou bien si tu es de la communauté. Alors nous demandons à tout le monde de se joindre à nous. Le 1er ou le 2è ne le sont pas ce sont ceux qui ont l’endurance qui vont s’approprier cette place. Il y a le nom de personne sur la place, personne ne peut prendre la mosquée là, c’est pour tout le monde, on a besoin de tout le monde, personne n’est supérieur à l’autre ici. Chacun est le bienvenu, ici c’est chez lui, il faut mettre en tête qu’ici c’est pour toi, peut-être tes funérailles vont se dérouler dans cette mosquée. Tu peux ne rien laisser pour tes enfants mais si tu participes activement pour laisser une mosquée pour tes enfants, un centre d’apprentissage de l’islam où ils vont apprendre le Coran, le Hadith, l’éducation islamique, tu auras laissé une belle œuvre pour tes enfants parce qu’ils n’apprennent pas ces choses-là à l’école ici.

Nous appelons tout le monde où que vous soyez, parce que nous avons reçu de l’argent depuis la Guinée, nous n’allons pas citer des noms mais ils ont trouvé le projet bon et ils ont contribué et se sont dit : ça c’est pour nous. Nous avons reçu également de l’argent des autres États (Texas, Pennsylvanie, etc..) et même de la France. Donc c’est pour dire une fois encore que le travail n’est pas fini, c’est cette année on est rentré dans ce building-là, tout ce que vous voyez là ça été fait au courant de cette année, les espaces de prière pour les hommes, nos mamans et les toilettes. C’est un grand projet, chacun est invité à venir faire ce qu’il peut faire.

Allah ne force personne à faire quelque chose sans que la personne-là ait la capacité de le faire.