Législatives anticipées : Après le choc des résultats du 1er tour, la France peut encore éviter le pire [Tribune]

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 Après le choc des résultats du 1er tour, la France peut encore éviter le pire [Tribune]

Ce 30 juin 2024, la France a vécu un tournant historique, un choc politique dont les répercussions résonneront longtemps. Ce jour restera gravé dans ma mémoire et, sans doute, dans celles de millions d’autres personnes, comme un jour de désolation profonde et de franche déception. Les résultats de ces élections législatives ont confirmé la montée inexorable et inquiétante du Rassemblement National (RN) vers le pouvoir. Ce parti, fondé entre autres par des sympathisants nazis et connu pour ses positions ouvertement racistes, fascistes, antisémites et régressives sur de nombreux sujets sociaux, continue de bouleverser le paysage politique français après des scores déjà exceptionnellement élevés lors des élections européennes (7,7 millions de voix) du début du mois.

Les sondages avaient donc raison cette fois-ci. Dans cette élection visant à désigner d’urgence des députés dans les 577 circonscriptions qui composent le pays, une participation massive d’environ 67% a été enregistrée, un taux inédit depuis 1997. Emmanuel Macron, après la gifle du dernier scrutin, espérait reconquérir la confiance des Français. Hélas, il a échoué de manière retentissante, plongeant la France dans une certaine incertitude. À quelques semaines du démarrage des Jeux Olympiques, le pays se dirige donc à grands pas vers une possible crise institutionnelle à l’issue du second tour prévu dimanche prochain. Avec 34,5% des suffrages exprimés, le RN est arrivé en tête, reléguant le Nouveau Front Populaire (NFP) à 28% et Ensemble, la majorité sortante, à un maigre 20%. Des résultats qui sonnent tel un coup de massue, et qui scellent probablement le sort de la Macronie dont l’irruption sur la scène politique aura été aussi disruptive que brève.

Lors du premier tour de ce scrutin législatif, les Français avaient le choix entre trois grands blocs, chacun portant une vision singulière du pays. Cependant, ils ont majoritairement choisi de placer en tête un parti qui a fait du rejet de l’autre sa marque de fabrique. De manière encore plus troublante, malgré des propositions telles qu’une retraite progressive à 60 ans, une revalorisation du SMIC à 1 600 euros nets, et d’autres mesures similaires qui répondent à des préoccupations concrètes liées notamment à l’amélioration de leur pouvoir d’achat, ils ont opté pour une retraite à 66 ans, des politiques plus dures à l’encontre de l’immigration et une défiance vis-à-vis de l’Europe, le tout mené par une équipe composée d’aventuriers sans expérience pour partie. Peu importe le manque de crédibilité de leur programme, les électeurs ont majoritairement choisi le Rassemblement National, comme aveuglés par une force que l’on peine encore à comprendre et à déterminer, face à laquelle les politiques successifs, il faut bien l’avouer, peinent visiblement à apporter une réponse efficace.

C’est simple, depuis 2017, les voix du RN sont passées de 3 millions à 12 millions au fil des différents scrutins tenus sous Emmanuel Macron. Ce chiffre ahurissant équivaut, par exemple, à la population de la Belgique et est supérieur à celle du Portugal, ou encore aux populations du Danemark, de la Finlande et du Luxembourg réunis. Est-ce à dire que la France est devenue raciste ? Ce constat est difficile, douloureux même et je continue à ne pas m’y résoudre car le second tour donne l’opportunité, si ce n’est de renverser la table, de limiter la casse et empêcher une majorité absolue pour le RN.

La menace du RN au pouvoir est réelle et urgente. Face à cette menace, certains leaders du MoDem, d’Horizons, et de Les Républicains, qui ont largement contribué à cette situation, ont montré une ambivalence sidérante, sans doute motivée par des arrière-pensées et des calculs politiques. À ce stade, ces acrobaties grammaticales ne tiennent plus. Bien que le front républicain, autrefois capable de s’opposer efficacement au RN, soit devenu plus poreux, il n’a pas totalement volé en éclats. Les leaders des partis d’une Gauche unie et digne ont d’ores et déjà annoncé se désister partout où ils sont arrivés en troisième position, appelant à soutenir le candidat le mieux placé pour battre le RN ; dans la foulée, ils ont été rejoints de façon surprenante par Gabriel Attal et quelques voix de Renaissance.

Au cours de la semaine à venir, il est impératif de continuer à fédérer toutes les forces républicaines pour contrer cette vague au second tour. Face à cette montée constante et dramatique du Rassemblement National, la participation exceptionnelle doit à minima se maintenir afin d’empêcher la catastrophe annoncée : l’arrivée au pouvoir d’un parti fondé sur des principes de haine et de division. La désolation ressentie aujourd’hui doit se transformer en une détermination sans faille pour contrer cette vague extrémiste et maintenir les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité qui sont le socle de la République.

Souleymane Camara
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