Législation guinéenne : Tout acte de sodomie sur une personne mineure est un viol !

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Par Mamadou Alioune DRAME – Ancien Magistrat

Notre pays traverse une période où les mœurs sont fortement à rude épreuve : Après le viol des bébés puis des fillettes, c’est au tour des garçons de 3 à 9 ans de subir les assauts des prédateurs sexuels. Et puisque l’acte commis sur ces mineurs ne pouvant être fait que par la sodomie, une analyse juridique s’impose puisque de plus en plus une certaine confusion mérite un éclairage car il ne faut pas confondre la sodomie à l’attentat à la pudeur ou toute autre infraction sexuelle.

Mais qu’est-ce que la sodomie ?

La sodomie est l’acte par lequel une personne a une relation sexuelle avec une autre par « derrière », entendez par là une relation sexuelle anale entre personnes adultes ou entre une personne adulte avec une personne mineure contrairement à la pénétration vaginale. Cette relation quoiqu’interdite est aujourd’hui pratiquée au grand dam de nos populations.

Longtemps taboue, la sodomie s’invite aux autres pratiques sexuelles. Le mot « sodomie » a pour origine cette ville biblique (du latin « sodomia » dérivé de Sodome ville de débauche et de perversion détruite par Dieu, même si d’autres pratiques sexuelles étaient commises par ses habitants après qu’ils eurent tenté de violer des anges de Dieu réfugiés chez Loth, le neveu d’Abraham.

 

Pourquoi la sodomie ou acte de pénétration anale est un viol ?

 

Lisons les dispositions du Code pénal et du Code de l’enfant sur le viol :

Article 268 alinéa 1er du Code pénal :  Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte ou surprise, constitue un viol.

Article 818 alinéa 1er du Code de l’enfant : Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’un enfant par violence, contrainte ou surprise, constitue un viol.

Le législateur guinéen indique clairement pour qu’il y ait viol, il faut un « acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit ».

De ces définitions nous retrouvons non seulement l’élément légal de l’infraction et l’élément moral mais surtout pour cette analyse l’élément matériel du viol particulièrement sur l’acte de pénétration

L’élément matériel du viol est la manifestation extérieure de l’infraction dans la mesure où il est l’action ou l’omission permettant à l’agent pénal d’atteindre les fins qu’il s’est proposé en ayant recours à la violence, la menace, la contrainte ou la surprise mais aussi et surtout de la pénétration sexuelle commise sur la personne d’autrui.

L’élément matériel, est, en droit guinéen, la matérialisation concrète de la réalisation de l’infraction dans la mesure où le législateur n’incrimine pas les simples intentions ou les seules résolutions de commettre une infraction.

L’acte de pénétration : Au regard de la définition que donne le législateur guinéen, c’est l’« acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’elle soit » qui caractérise le viol de celui qui la subit. N’est, en conséquence, exclut du champ d’application des dispositions de l’article 268 du Code pénal, aucune sorte d’acte de pénétration à connotation sexuelle.  Ces actes, indiquent encore le législateur peuvent être commis ou subis indifféremment par un homme ou par une femme, les juges devant privilégier le caractère sexuel de l’acte commis.

Constitue ainsi le crime de viol, le fait d’introduire contre son gré un doigt dans le sexe d’un bébé, d’une fille ou d’une femme à plus forte raison lorsque la pénétration est faite par le sexe ! Il en est ainsi de l’acte qui s’est passé dans la nuit du lundi 13 novembre 2023 dans le quartier Siguiri Koura dans la commune urbaine de Siguiri où un enfant de 7 ans a été victime de viol que relate le lieutenant Abdoulaye Bassirou Condé, médecin du Haut commandement de la gendarmerie nationale en appui au service des urgences médico-chirurgicales de l’hôpital Préfectoral de Siguiri : « C’est à 21 heures que l’enfant a été retrouvé couché au sol dans le quartier Siguiri Koura 1. Nous avons observé que l’enfant avait été violé au niveau anal. Il y a une pénétration anale qui a d’ailleurs causé une déchirure anale. Franchement, c’est très grave. Souvent on apprend que les jeunes filles sont violées, mais un garçon c’est grave et inquiétant. Le petit souffrait et ne pouvait pas bouger. Il a été réanimé et il y a eu une réparation de la déchirure », a expliqué le médecin.

L’acte de pénétration peut consister en :

  • une conjonction des deux sexes : La pénétration dans le sexe par le sexe ;
    • une pénétration par le sexe, buccale (fellation) ou anale (sodomie) ;
    • une introduction de corps étrangers dans le sexe ou l’anus.

En revanche, au regard de la législation guinéenne, les fellations pratiquées par l’auteur sur la victime ne constituent pas des viols, mais des délits d’agression sexuelle, puisque l’élément matériel du crime de viol n’est caractérisé que si l’auteur réalise l’acte de pénétration sexuelle sur la personne de la victime.

Quelques exemples illustrent ces différents points :

1 – C’est le cas de ce père de famille à Nongo qui a été surpris par sa femme en train de violer sur sa propre fille de 5 ans au salon alors que la petite dormait il introduisait son doigt dans le vagin de celle-ci, puis une seconde fois, ce père a été trouvé en train de lécher sa propre fille de 5 ans dans son lit.

Trois infractions sont ainsi commises ici : L’inceste, le viol et l’agression sexuelle.

1 – L’inceste : On appelle « inceste » toute relation sexuelle entre deux ou plusieurs membres d’une même famille, reliés par un lien de parenté ou par alliance.

Au regard des dispositions de l’article 840 du Code de l’enfant : « Les viols et les agressions sexuelles sur la personne d’un enfant sont qualifiés d’incestueux lorsqu’ils sont commis par :

– un ascendant ;

– un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce ;

– son tuteur ou la personne disposant à son égard d’une délégation totale ou partielle d’autorité parentale ;

– le conjoint ou l’ancien conjoint, le concubin ou l’ancien concubin d’un membre de la famille ayant sur l’enfant une autorité de droit ou de fait ». Cette autorité de droit ou de fait concerne le père ou la mère, les grands-parents, le frère, la sœur, l’oncle, la tante, le neveu, la nièce, le cousin ou la cousine, le conjoint ou la conjointe de l’une de ces personnes.

L’inceste peut être commis en procédant à une pénétration vaginale, orale ou anale, y compris avec les doigts ou un objet. C’est aussi des attouchements sur les parties intimes, des actes de masturbation ou d’exhibitionnisme ou encore des baisers forcés.

Ainsi, en ayant des relations sexuelles avec sa fille, le père commet un inceste dont la répression est indiquée par le législateur guinéen à l’article 841 du Code de l’enfant qui dispose que : « L’inceste commis sur la personne d’un enfant est puni de la réclusion criminelle de 10 à 20 ans et d’une amende de 5.000.000 à 20.000.000 de francs guinéens ou de l’une de ces deux peines seulement.

L’interdiction de séjour de 3 à 5 ans peut, en outre, être prononcée contre le ou les auteurs et complices. Les dispositions relatives au sursis ne sont pas applicables. Lorsque l’infraction est commise par violence, contrainte ou surprise, la peine est celle de la réclusion criminelle de 10 à 30 ans et d’une amende de 10.000.000 à 30.000.000 de francs guinéens ou de l’une de ces deux peines seulement ».

2 – Le viol, c’est-à-dire le fait de « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte ou surprise » indiqué aux articles 268 alinéa 1er du Code pénal et 818 alinéa 1er du Code de l’enfant.

C’est l’acte de pénétration sexuelle qui différencie le viol des autres agressions sexuelles ou d’autres infractions à caractère sexuel, c’est-à-dire tous les crimes de nature sexuelle comme le voyeurisme, les gestes indécents, le partage non consensuel d’images intimes, etc. ou encore des infractions à caractère sexuel contre les mineurs. Il en est ainsi, par exemple de la pornographie juvénile dans le fait de produire, d’imprimer, de publier, de distribuer, de transmettre, de rendre accessible, de vendre, d’importer, d’exporter, de posséder ou d’accéder à de la pornographie juvénile,  dans le cas du leurre, c’est-à-dire dans le fait de tromper un mineur en vue de commettre une infraction, dans le fait de pousser le mineur (ou la mineure) de se toucher, de la toucher ou de toucher une autre personne dans un but sexuel, etc.

Dans ce cas de figure, nous sommes en présence d’un viol dit « viol digital » défini par la jurisprudence et notamment par la chambre criminelle de la Cour de cassation française, comme c’est-à-dire le fait d’introduire un ou plusieurs doigts dans le vagin d’une femme, dans l’anus d’un homme ou d’une femme.

Deux exemples dans lesquels le juge guinéen a retenu le viol : C’est le cas de l’accusé qui déclare : « Je l’ai touchée, mais je ne l’ai pas pénétrée [nna touché khinè, kono m’mou so akouyi]. Nous étions couchés l’un sur l’autre. Donc si on dit qu’elle a été violée je me déclarerai coupable car c’est moi qui l’ai touchée », admet-il. Pour un autre, sur l’accusation portée sur lui pour viol sur une fillette de 5 ans, il déclare : « J’ai simplement introduit mon doigt dans son vagin ! ». Devant le tribunal criminel de Dixinn, l’accusé a été condamné à 9 ans de prison !

La pénétration sexuelle est différente de l’attouchement. « Le terme « attouchement » fait généralement référence à l’action de toucher le corps d’un enfant (en particulier les parties intimes, que ce soit au-dessus ou en dessous des vêtements), et/ou de contraindre l’enfant à toucher ses propres parties intimes ou celles d’une autre personne, dans le but d’une auto-excitation/satisfaction sexuelle. Les attouchements doivent être intentionnels et être commis à des fins sexuelles ».

Pour les actes de pénétration sexuelle, le législateur guinéen retient tous les types de pénétration puisque les articles 268 du Code pénal et 818 du Code de l’enfant indiquent qu’il s’agit de « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit ». La pénétration pourra donc être buccale (fellation, que la Cour de cassation a défini comme toute « pénétration de la verge dans la bouche de la victime) comme étant un viol dès lors qu’elle est imposée par « violence, contrainte, menace ou surprise, à celui qui la subit ou à celui qui la pratique », vaginale ou anale (sodomie).

Pour la Cour pénale internationale, une pénétration, même superficielle, d’une partie du corps de la victime par un organe sexuel, ou de l’anus ou du vagin de la victime par un objet ou toute partie du corps, comme les doigts ou les mains, peut constituer un viol (Statut de Rome, Éléments des crimes, 2002).

Le fait d’introduire la langue dans le sexe d’un bébé, d’une fillette, d’une fille ou d’une femme est appelé le cunnilingus (ou cunnilinctus) qui est une pratique sexuelle orale consistant à stimuler les différentes parties de la vulve à l’aide de la langue, des lèvres ou du nez. Ce terme provient du latin cunnilinctus (de cunnus « vulve » et lingere « lécher »).

En revanche, si l’acte est fait sur un homme, il y a fellation (du latin fellatio, dérivé de fellare qui signifie « sucer, téter ») lorsque l’acte sexuel consiste en une stimulation du pénis avec la bouche, les lèvres et la langue.

Nous notons ici une lacune législative dans la définition juridique du viol en Guinée, le cas des hommes et des garçons ayant subi des fellations forcées, parce que dans ce cas de figure il n’y a pas pénétration de la victime ou les cas dans lesquels les hommes ou les garçons sont contraints de pénétrer une fille ou une femme (cas de la situation vécue à Kindia où la victime était contrainte d’avoir des relations sexuelles forcées avec les accusées).

3 – L’agression sexuelle : La troisième infraction commise est une agression sexuelle puisque le père a utilisé la langue pour lécher le sexe de sa fillette, donc absence de pénétration sexuelle. Mais peu importe l’intensité ou la profondeur de la pénétration par la langue dans le sexe de la victime.

Au regard des dispositions des articles 267 du Code pénal et 817 du Code de l’enfant, « constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ».

L’article 817 alinéa 2 du Code de l’enfant ajoute : « Constitue également une agression sexuelle le fait de contraindre une personne par la violence, la menace ou la surprise à subir une atteinte sexuelle de la part d’un tiers ».

Une agression sexuelle est donc un geste à caractère sexuel, avec ou sans contact physique, commis par l’agent pénal sans le consentement de la victime.

L’agression sexuelle est différente du viol parce qu’elle est commise sans pénétration sexuelle sans le consentement de la victime (comme dans le cas du viol).

L’agression sexuelle est un acte impudique et obscène de la même manière que des attouchements, des caresses ou encore des frottements. Dans la commission de l’infraction sexuelle, c’est l’agent pénal qui touche les parties sexuelles de la victime ou des parties à connotation sexuelle tout comme l’agent pénal peut obliger la victime de toucher ses parties sexuelles lui-même. Pour que l’intention coupable soit retenue, il appartient au ministère public de prouver que l’agent pénal avait conscience de commettre un acte obscène et impudique envers la personne qui n’a pas donné son consentement libre et éclairé.

Quelle est la différence entre la sodomie, qui est une forme de viol et l’attentat à la pudeur ?

A partir du moment où l’agent pénal a eu des relations sexuelles de « quelque nature que ce soit », particulièrement par la sodomie, il y a pénétration sexuelle sur la victime à partir du moment où il y a absence de consentement surtout lorsqu’il s’agit d’une personne mineure, le viol est constitué.

En revanche, il y a attentat à la pudeur, selon le législateur guinéen, au regard des dispositions des articles   271 du Code pénal et 832 du Code de l’enfant lorsque l’acte impudique est exercé directement, immédiatement et intentionnellement sur une personne ou la personne d’un enfant, et consommé ou tenté, avec ou sans violence.

L’attentat à la pudeur est ainsi une notion de droit recouvrant tout acte contraire aux mœurs (exhibitionnisme, gestes lascifs ou obscènes) que commet intentionnellement l’agent pénal sur une personne ou à l’aide d’une personne sans le consentement de celle-ci.

La victime peut être mineure ou majeure, consentante ou pas.

L’attentat à la pudeur et le viol ont en commun le contact matériel avec la victime et le défaut de consentement résultant soit de la violence physique ou morale et même de l’âge de la victime, soit de la contrainte et de la surprise.

L’attentat à la pudeur et le viol ne sont pas à confondre :

– Le viol implique pour sa matérialité une pénétration sexuelle alors que l’attentat à la pudeur suppose des attouchements ou des gestes obscènes ;

– Les peines concernant ces deux infractions diffèrent : Le viol est toujours puni de peines criminelles alors que l’attentat à la pudeur est parfois puni de peines correctionnelles aggravées et de peines criminelles selon la commission de l’infraction.

Pour que l’attentat à la pudeur soit caractérisé, il faut que :

  1. a) – L’attentat porte une atteinte grave à la pudeur. Il en est ainsi pour un individu de relever la robe d’une femme jusqu’à la ceinture ou le fait de toucher les parties sexuelles d’une personne de l’un ou de l’autre sexe, de toucher les seins d’une fille ou d’une femme, de contraindre une personne à se déshabiller ou à montrer ses parties génitales, etc.

A la lumière de tout ce qui précède, force est de reconnaitre que la sodomie (pénétration anale) sur une personne mineure est un viol !

Mamadou Alioune DRAME, ancien magistrat

Mamadou Alioune DRAME, Ancien Magistrat

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