Le perfectionnement des formateurs : clé du développement de l’Enseignement Technique en Guinée

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Le perfectionnement des formateurs du système guinéen de l’Enseignement Technique, de la Formation Professionnelle (ETFP) est-il un passage obligé pour fournir à l’économie nationale des employés guinéens de qualité, en mesure de créer de la prospérité durable pour notre pays ?

Par Abdoulaye Diallo, Économiste, DG de l’École Normale des Professeurs d’Enseignement Technique et Professionnel

Pour que le système guinéen de l’ETFP atteigne le « point de non-retour » et soit capable de créer de la croissance économique et de la prospérité pour notre pays de manière durable, l’État guinéen doit stratégiquement miser sur le perfectionnement de ses formateurs !

Donc, la réponse à la question posée en titre de cette chronique est « OUI ! »

D’abord, il est utile de rappeler que l’objectif de l’Enseignement Technique, de la Formation Professionnelle (ETFP) consiste à développer les compétences techniques et professionnelles au sein de l’économie nationale.

Cela aura pour effet de fournir un accès à l’emploi et à l’entrepreneuriat à un certain nombre de jeunes et d’adultes. On comprend donc aisément l’assertion à l’entame de notre propos, stipulant que l’ETFP a un rôle central à jouer dans la stimulation de la productivité et de la croissance économique dans notre pays.

Le Président du CNRD, Président de la République, Chef de l’État, Chef suprême des forces armées, le Général de Corps d’armée Mamadi Doumbouya l’a fort bien compris et a décidé de faire de l’ETFP une de ses priorités majeures depuis sa prise de responsabilités en vue de donner à notre pays, une trajectoire de développement économique et sociale saine, constructive, inclusive et non susceptible d’être remise en question.

Les progrès accomplis sont tangibles dans un contexte où des défis significatifs doivent encore être adressés

En 2022, le gouvernement de la République de Guinée, sous la bénédiction du CNRD, a enjoint au Ministère de l’Enseignement Technique, de la Formation Professionnelle et de l’Emploi, de mettre en œuvre un plan d’urgence visant à amorcer le redressement d’un secteur stratégique pour le développement de notre pays, trop longtemps « négligé » par les gouvernances antérieures.

Ce plan conçu avec l’appui de nos traditionnels Partenaires Techniques et Financiers que sont :  Expertise France sous le leadership de l’Agence Française de Développement, a été lancé. Il est important de rappeler que ce dernier est le fruit de constats de faiblesses structurelles systémiques importantes qu’il convient de rappeler de manière non-exhaustive :

  • Manque de ressources humaines et matérielles
  • Curricula et équipements vieillissants
  • Vétusté des infrastructures
  • Insuffisance et incompétences des formateurs
  • Insuffisance des dispositifs d’accompagnement de l’école vers le milieu de travail

Sur les 2 dernières années, des efforts substantiels ont été entamés en matière de remise à niveau infrastructurel, d’acquisition d’équipements et de transformation numérique (pour notamment améliorer la gouvernance sérieusement entamée en matière de gestion d’effectifs et d’intégrité de la diplomation, ainsi que la maitrise/le contrôle efficace et efficient du secteur de l’ETFP privé.)

Les efforts entamés en ce domaine doivent être consolidés dans la durée. Cela nécessite des ressources budgétaires substantielles et régulières. Le CNRD fournit en ce sens des efforts qui sont à saluer.

Il reste aussi à considérer la problématique haut combien importante du cadre légal et réglementaire régissant l’ETFP, à l’instar de ce qui a été fait par les voisins de la sous-région notamment tels que la Côte d’Ivoire, dotée d’une loi sur l’Enseignement Technique et la Formation professionnelle. Ce faisant, la gouvernance globale ainsi que la performance du secteur ne pourra que s’en porter mieux.

Il y a également la non moins importante question de la transformation organisationnelle en termes de méthodes de travail pour une productivité accrue, à opérer tant au niveau départemental, qu’à celui déconcentré, sans oublier naturellement la direction des établissements d’enseignement technique et professionnel. La modernisation des méthodes de travail et d’organisation est là aussi une condition sine qua non de l’atteinte du point de non-retour.

Le faible niveau de compétences techniques des formateurs maintient la qualité de la formation à un bas niveau 

Cette situation a eu pour conséquence majeure, en plus de la baisse de la qualité de la formation, l’inadaptation des compétences des jeunes aux besoins du milieu de travail. Ceci est très préoccupant.

Le plan d’urgence a autorisé et financé l’organisation d’une dizaine de formations de perfectionnement, dans des filières d’une importance stratégique avérée pour notre économie nationale.

En outre, le programme d’ouverture de nouvelles écoles ainsi que de nouvelles filières d’enseignement, génère un besoin accru de recrutement de nouveaux formateurs sur toute l’étendue du territoire, ainsi que la nécessité de leur mise à niveau, et le renforcement des capacités de ceux qui étaient là avant.  Sur 2359 formateurs nécessaires, seuls 1122 sont actifs (47%).

Les bilans de compétences opérés par les partenaires extérieurs (le Système de formation guinéen n’étant pas en mesure de former des experts techniques de qualité pour l’économie nationale, la stratégie retenue par le plan d’urgence est de compter sur les ressources de partenaires de formation étrangers dotés des compétences reconnues et requises, pour opérer la transformation souhaitée au niveau de la Guinée) ont montré des niveaux de compétences très préoccupants.

C’est la première fois que des données de bilan de compétences techniques des formateurs disponibles, ont pu être fournies au ministère de l’Enseignement Technique, de la Formation Professionnelle et de l’Emploi, afin de mesurer réellement, l’étendue du problème.

Prenons l’exemple de la filière « services en restauration » au niveau BEP (Brevet d’Études Professionnelles.) Le service en restauration est stratégique pour notre économie dans la mesure où ce secteur est en développement dans un contexte ou des efforts gouvernementaux substantiels sont menés en vue de la relance du secteur touristique.

Eh bien, le bilan de compétences avant formation de perfectionnement de 10 jours, a révélé les faits saillants suivants :

  • Le rapport a noté un niveau très faible de maitrise des 12 compétences requises pour un apprenant sortant d’un BEP en services en restauration.
  • Sur les 12 compétences évaluées le nombre de compétences maitrisées par chaque formateur évaluée (environ une vingtaine) varie entre 0 et 5 avec une moyenne de 1,9.
  • Plus de 71% des formateurs maitrisent au plus 2 compétences
  • Environ 20% des formateurs ne maitrisent aucune compétence
  • 3 compétences ne sont maitrisées par aucun formateur (maitrise du service élaboré- acquérir des connaissances sur les boissons- exécuter les commandes)
  • 1 seul formateur maitrise 2 compétences (connaissances en banquet et buffet-maitrise du service des boissons)

A la fin des 10 jours de perfectionnement centrés sur le résultat de l’évaluation préformation, le test post formation a fait montre tout de même d’une certaine évolution.

En effet, le rapport stipule que sur les 12 compétences du BEP, le nombre de celles maitrisées par les formateurs variait entre 4 à 9.

On voit donc combien de fois ce type d’activités de perfectionnement sont utiles et doivent être continuellement financées par le Budget National de Développement. C’est la base de notre plaidoyer notamment lorsque nous sommes face aux autorités budgétaires et parlementaires dans le cadre de la préparation de l’exercice budgétaire. Des efforts sont faits de la part de l’État mais compte tenu du nombre de filières à couvrir par des activités de perfectionnement (l’ETFP compte environ 45 filières) l’effort budgétaire à fournir demeure encore consistant. Nous fournissons des efforts pour trouver du financement extérieur tout de même.

Plusieurs formateurs ayant bénéficié de ces activités de perfectionnement dans le cadre du programme d’urgence financé par le gouvernement sous la clairvoyance du CNRD, ont déclaré que c’était pour eux la première fois en 20 ans de carrière professionnelle de formateur. C’est dire que le diagnostic opéré plus haut est réel quand on sait que dans les environnements ou les choses se passent à peu de choses près bien, un formateur de l’enseignement technique et de la formation professionnelle bénéficie de perfectionnement tous les 2 ans en moyenne.

Nous profitons de la tribune pour attirer l’attention des autorités du CNRD sur l’exigence qu’il y a de fournir davantage d’efforts au profit de l’École Normale des Professeurs d’Enseignement Technique et Professionnel et ce de manière stratégique et structurelle, afin que les efforts entamés soient pérennisés.

Nous leur rendons hommage pour la forte volonté politique au plus haut niveau qui a permis à cet établissement de sortir de son « coma prolongé » mais nous prions pour que l’ENPETP bénéficie davantage d’attention stratégique de la part de l’État dans les exercices budgétaires prochains. Relever le défi de la qualité des enseignements dans notre système d’Enseignement Technique, de formation Professionnelle et d’Emploi en dépend.

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