Le cimetière de Cameroun saturé : “Il n’y a plus de place”, témoigne l’administrateur

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À l’ombre des stèles érodées et des grands palmiers qui ont poussé avec le temps, le plus grand cimetière de Conakry, situé dans le quartier Cameroun et créé en 1945, est devenu le témoin silencieux d’une crise qui s’aggrave chaque jour. Elhadj Biro Keita, l’administrateur de ce lieu sacré depuis maintenant cinq ans, livre un témoignage poignant et désespéré : “Il n’y a plus de place”, confie-t-il, la voix lourde de fatigue.

Chaque matin, de 6 h à 20 h, ce sexagénaire arpente les allées du cimetière où reposent des générations d’âmes. Payé 600 000 GNF par mois, il consacre sa vie à un travail qu’il décrit comme un devoir envers les vivants et les morts. Mais le cimetière est à bout de souffle, et l’avenir semble incertain.

“Le cimetière est plein”, répète-t-il, le regard perdu dans les rangées de tombes. La réalité est implacable : le cimetière a atteint sa capacité maximale depuis longtemps, et pourtant, des familles continuent d’affluer avec leurs défunts. “Il arrive que des gens viennent pour enterrer un proche, parce qu’ils ont déjà une tombe ici. Dans ces cas-là, nous sommes obligés de désosser l’ancienne sépulture pour faire de la place au nouveau corps”, explique-t-il, la gorge serrée par la peine.

Chez les chrétiens, les tombes ne peuvent être rouvertes que pour accueillir un membre de la même famille. Du côté des musulmans, les tombes non aménagées sont les premières à être dépouillées, faute d’espace. Une tâche douloureuse, et même dangereuse, pour les fossoyeurs. “Ils se blessent souvent en manipulant des ossements qui n’ont pas encore achevé leur décomposition. C’est un travail difficile, mais nous n’avons pas d’autre choix.”

Elhadj Biro Keita a tenté à plusieurs reprises d’alerter les autorités. Ses appels au gouvernorat de Conakry sont restés sans réponse. “Ils disent qu’ils vont écrire au ministère de l’Administration du Territoire, mais jusqu’à présent, rien n’a été fait”, déplore-t-il, impuissant. “Je leur demande de nous céder un espace vers la forêt, parce que nous n’avons plus de place ici.”

Le cimetière, bien que saturé, continue de recevoir des corps. Chaque décès est accompagné d’un certificat et d’une somme de 50 000 francs, versée au gouvernorat de la ville. “Nous ne demandons rien de plus aux familles”, précise-t-il. “Les seuls qui paient davantage sont ceux qui souhaitent construire des tombeaux ou des mausolées pour leurs proches. Pour cela, ils doivent se procurer un ticket de 2 500 000 francs guinéens. Après ce paiement, aucun autre frais ne leur est demandé.”

Pour les fossoyeurs, dont le travail est souvent ingrat et dangereux, certains parents offrent de petits gestes de gratitude. “Ils peuvent donner entre 50 000 et 100 000 GNF pour les remercier, mais ce n’est pas une obligation”, explique Elhadj Biro. “C’est un geste de compassion, mais cela ne résout pas le problème de fond.”

Certaines journées, le cimetière accueille plus de cinq corps, tandis que d’autres passent sans qu’aucune sépulture ne soit ouverte. Mais pour l’administrateur et son équipe, chaque jour est un rappel cruel de l’urgence de la situation.

L’appel d’Elhadj Biro Keita résonne comme un cri du cœur, un appel à l’aide adressé à ceux qui peuvent encore agir. Le cimetière de Cameroun, témoin d’une histoire longue de près de huit décennies, est aujourd’hui à bout de souffle. Combien de temps encore faudra-t-il attendre avant que la mort elle-même ne trouve plus de place pour s’installer ? Combien de temps encore devrons-nous continuer ainsi à refuser à nos morts la dignité qu’ils méritent ? Pour l’heure, ces questions restent en suspens et méritent d’être abordées par le gouvernorat de Conakry et le ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation.

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