La Guinée, 66 ans de liberté dans la dépendance [edito]

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Par son “Non” à la France du 28 septembre 1958, la Guinée est devenue le premier pays d’Afrique francophone à accéder à l’indépendance, le 2 octobre 1958.

“Nous préférons la liberté dans la pauvreté à l’opulence dans l’esclavage.” Ces mots résonnent encore dans les esprits du “peuple fier et jeune” de Guinée, comme le chante l’hymne national.

Mais de quoi être fier dans un pays qui survit grâce aux aides et aux dettes ? Rien. La fibre patriotique ne peut réellement vibrer dans l’esprit d’un citoyen qui a faim.

Depuis son indépendance, la Guinée n’a connu qu’une seule alternance démocratique, signe des grandes difficultés du pays.

Quand un père de famille décède, si ses enfants ne parviennent pas à perpétuer l’héritage qu’il leur a laissé, c’est qu’il ne les a pas réellement préparés.

Sékou Touré a régné pendant 26 ans. À sa mort, c’est l’armée qui a pris le pouvoir. Pourquoi ? Parce que le peuple ne voulait ni de ses héritiers ni de son système.

En 1984, Lansana Conté s’installe au pouvoir et y reste jusqu’à sa mort. Là encore, c’est l’armée qui reprend le contrôle, car les institutions qu’il a laissées étaient moribondes. Dadis Camara tente sa chance, sans succès. Sékouba Konaté termine la transition du CNDD.

En 2010, Alpha Condé devient le premier président démocratiquement élu en Guinée. Il se fait appeler “Mandela”, mais force un troisième mandat. Il est renversé par un coup d’État le 5 septembre 2021. À la tête du CNRD, le colonel Mamadi Doumbouya, devenu entre-temps général, s’était engagé à ce que ni lui ni aucun membre des organes de la transition ne soit candidat, et qu’il ne resterait pas une minute de plus au pouvoir au-delà du 31 décembre. “Les promesses n’engagent que ceux qui y croient,” enseigne le dicton.

C’est dans ce contexte que nous célébrons le 66e anniversaire de notre indépendance. En plus d’un demi-siècle, la Guinée dépend toujours des aides et des dettes. Un pays presque dépourvu de tout : pas d’écoles, pas de centres de santé, pas d’infrastructures routières.

“Château d’eau d’Afrique de l’Ouest”, mais les robinets sont secs, et c’est un bateau turc qui fournit l’électricité dans le pays. “Scandale géologique” qui continue d’exporter des minerais bruts.

Jamais discours n’a été aussi insensé que “Nous préférons la liberté dans la pauvreté.” Au-delà du patriotisme creux, qu’avons-nous à célébrer si, 66 ans après, nous sommes dirigés par une junte qui a versé le sang pour conquérir le pouvoir et qui semble vouloir le confisquer ?

Les Guinéens doivent sortir de leur docilité et se montrer plus exigeants envers leurs dirigeants. Il n’y a que nous-mêmes que nous trahissons en criant à tue-tête “sa liberté”, pour finalement aller dormir le ventre vide.

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