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La récente condamnation d’Aboubacar Toumba Diakité par le tribunal de Conakry pour son rôle dans les massacres du 28 septembre 2009 aurait dû marquer un point d’inflexion dans l’histoire de la Guinée. Ce jour tragique, des centaines de Guinéens, majoritairement des opposants politiques, ont été tués, violés ou mutilés au stade de Conakry sous l’égide de la junte militaire dirigée par le capitaine Moussa Dadis Camara. Sa condamnation avec 7 autres accusés le 31 juillet dernier pour crimes de sang, aurait dû offrir un certain apaisement aux familles des victimes et donner un signal clair que la justice, bien que tardive, finit toujours par triompher.
Cependant, à la surprise générale et dans une démarche pour le moins provocante, un parti politique vient d’être lancé ce 21 septembre 2024 au nom de Toumba Diakité. Comment comprendre cet acte qui semble défier à la fois la mémoire des victimes et l’autorité de la justice guinéenne ? Est-ce une simple manœuvre politicienne visant à tirer profit de la polarisation sociale et du désenchantement populaire, ou un véritable pied de nez aux familles endeuillées et aux valeurs de justice et de réconciliation nationale ?
Il est certes vrai que la politique en Guinée, comme dans bien des pays, a souvent été marquée par des stratégies opportunistes, mais là, c’est une marche périlleuse sur un terrain miné. En glorifiant un homme reconnu coupable de crimes contre l’humanité, on réduit au silence les cris des victimes et on ravive les plaies à peine refermées. Pire encore, on piétine les valeurs morales de toute une société en créant une figure politique à partir de la controverse et du sang.
L’histoire récente de la Guinée, avec ses coups d’État, ses crises économiques et ses tensions ethniques, a montré à quel point la manipulation des symboles et des figures peut diviser un peuple. Toumba Diakité n’est pas simplement un héros. Il est aussi un symbole de la brutalité d’un régime militaire qui a écrasé l’espoir de nombreux citoyens pour un avenir démocratique. Faire de lui le visage d’un mouvement politique est non seulement un acte de révisionnisme historique, mais aussi une insulte directe aux principes mêmes de justice et de réconciliation.
En soutenant la création de ce parti, les promoteurs de cette initiative jouent avec le feu. Ils risquent d’aggraver les tensions dans un pays qui peine déjà à se stabiliser après des années de troubles politiques. En Guinée, comme ailleurs, la politique ne devrait jamais se faire au détriment de la mémoire collective ni sur les ruines d’un massacre.
Les victimes du 28 septembre méritent que leur mémoire soit honorée, et non trahie. Elles méritent que leur souffrance serve à bâtir un avenir où la justice, la paix et l’unité nationale priment sur les calculs politiques de courte vue. Le défi de ces lignes est de faire en sorte que cette tentative de réhabilitation d’un condamné pour crimes contre l’humanité soit un échec retentissant, en faveur d’une société plus juste et plus solidaire.
En définitive, la justice ne doit pas être réduite à une simple formalité juridique. Elle doit aussi trouver sa place dans les cœurs et les esprits des citoyens. L’heure est venue de choisir : voulons-nous glorifier les bourreaux ou bâtir un avenir digne des sacrifices des victimes du 28 septembre ?
Bangaly KOUROUMA, président des Guinéens de Lyon