Guinée : les 3 autres hypothèses sur la dissolution du gouvernement

il y a 9 mois 124
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Le président de la transition a mis fin, le 19 février 2024, au contrat du gouvernement Bernard Goumou. Qu’est-ce qui sous-tend cette décision au-delà de la version officielle ? Quid du désaccord entre le Premier ministre et le ministre de la Justice ? Faut-il y voir, à travers cette dissolution, une volonté de proroger le calendrier de la transition ? Où un complot contre l’Etat déjoué comme le prétend une certaine opinion ?

Nommé ministre du Commerce, de l’industrie et des petites et moyennes entreprises, le 27 octobre 2021, Bernard Goumou avait été choisi, en juillet 2022, pour assurer l’intérim après “la démission” du Premier ministre, Mohamed Beavogui avant d’être confirmé, le 20 août de la même année.

La défiance du ministre Charles Wright

Même si les rumeurs ont toujours persisté sur le manque de leadership de Bernard Goumou, elles ne se sont confirmées véritablement qu’ à partir d’avril 2023, à la suite de l’arrestation de certains acteurs des forces vives. A l’époque, les leaders religieux dont le Premier imam de Fayçal, El Hadj Saliou Camara et l’archevêque de Conakry, monseigneur Vincent Koulibaly, ont sollicité l’implication du Premier ministre, garant du dialogue politique, pour la libération des leaders de la Société civile afin d’éviter les manifestations projetées par les forces vives.

Alors que des tractations étaient en cours, le ministre de la Justice, Alphonse Charles Wright, s’est fendu d’un communiqué, le 13 avril 2023, dans lequel il a fustigé la démarche du Premier ministre qu’il accusait de s’interférer dans les procédures judiciaires. «Les magistrats du Ministère public n’exercent leurs fonctions que sous le contrôle du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme et ce, conformément aux dispositions du Code de procédure pénale. À cet égard, il n’est permis à aucun magistrat de donner son avis sur une procédure judiciaire ou sur des questions d’ordre politique à toute autre autorité. En conséquence, tout manquement à cette prescription légale exposera son auteur à des sanctions disciplinaires », avait prévenu le Garde des Sceaux.

Même si le PM avait fini par obtenir la libération des acteurs de la société civile, son leadership avait déjà pris un coup dur.

Bernard Goumou n’en pouvait plus…

Avec le temps, les relations entre Goumou et Wright semblaient s’être normalisées. Mais c’était sans compter sur l’intransigeance du Garde des Sceaux quant au respect de l’indépendance de la justice. L’interdiction des voyages des Directeurs affaires administratives et financières (DAAF) des ministères, des Directeurs généraux des EPA et des Maires a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

Le PM s’est vu dans l’impossibilité d’envoyer les fonctionnaires susvisés à des missions à l’étranger à cause des injonctions de Charles Wright. A cet effet, il saisit le Secrétaire général à la présidence pour solliciter son intervention. Dans un autre courrier, il fait part de son agacement au ministre de la Justice. «J’apprends par les médias les injonctions que vous faites aux procureurs pour l’ouverture d’enquêtes », avait écrit le PM tout en demandant la suspension de toutes les procédures qui, selon lui, empêchent le fonctionnement normal de l’administration publique.

«L’action publique ne peut être ni interrompue ni suspendue ou éteinte par l’instruction du pouvoir exécutif », lui rétorque Charles Wright qui met en garde le chef du gouvernement contre toute entrave aux procédures judiciaires.

Dissolution du gouvernement : les 3 autres hypothèses

C’est dans un contexte que le président de la transition a dissous le gouvernement dirigé par Bernard Goumou. Selon le général de brigade Amara Camara, ministre secrétaire général et porte-parole de la présidence, la décision vise à “redonner un nouveau souffle” à l’exercice des fonctions des ministres en Guinée. Mais au sein de l’opinion publique, la raison est ailleurs. Pour d’autres, cette décision n’est que prétexte pour retarder davantage le déroulement du chronogramme de la transition et compromettre le retour à l’ordre constitutionnel prévu au plus tard le 31 décembre 2024.

L’autre hypothèse: Après son retour de Dubaï, n’ayant digéré “l’insubordination” de son ministre de la Justice, Bernard Goumou aurait pris un arrêté suspendant Charles Wright. Celui-ci a, à son tour, comme dans son habitude, aurait, lui aussi, enjoint au parquet général de Conakry d’engager des poursuites contre le Premier ministre “pour entrave à la justice”.

Face à la situation explosive, le Cnrd qui est l’organe central de la transition, s’est immédiatement retrouvé pour juguler la crise. C’est ainsi que la décision de dissoudre le gouvernement aurait été prise. Et pour éviter que les courriers ne se retrouvent sur la place publique comme ce fut le cas des deux premiers, le chef de la junte aurait donc signé le décret de dissolution et instruit qu’il soit publié avant le journal de 20h30’ de la RTG.

Sur la toile comme de l’avis de plusieurs acteurs politiques et sociaux, la dissolution est consécutive à un profond désaccord entre les membres du Cnrd dont certains seraient soupçonnés de “fomenter un complot contre l’Etat”.

Le défi du futur gouvernement…

La dissolution survient dans un contexte où la Guinée fait face à une crise sociale et économique majeure, caractérisée par une série de problèmes allant de la restriction d’internet à la colère des fonctionnaires non rémunérés depuis décembre 2023 pour les uns.

Dans ce contexte difficile, l’espoir réside dans la formation d’un gouvernement d’union nationale. Ce gouvernement devrait être en mesure de rétablir l’ordre constitutionnel en réunissant les différents acteurs politiques et en trouvant des solutions urgentes à la crise. Le président Doumbouya doit donc choisir un Premier ministre consensuel capable de rassembler les forces politiques et de répondre efficacement aux défis actuels.

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