Guinée: L’eau, une urgence nationale à la croisée des chemins (Par François Lucas)

il y a 22 heures 19
PLACEZ VOS PRODUITS ICI

CONTACTEZ [email protected]

On la surnomme volontiers le « Château d’eau de l’Afrique de l’Ouest », tant ses ressources hydriques sont abondantes. Pourtant, la Guinée, en dépit de cette image flatteuse, est aujourd’hui confrontée à une crise de l’eau d’une gravité structurelle. Une urgence silencieuse, souvent reléguée à l’arrière-plan des priorités nationales, mais dont les effets commencent à se faire sentir de manière tangible : pénuries dans les centres urbains, stress hydrique croissant en zones rurales, tensions communautaires liées à l’accès à la ressource.

Le cœur du problème ? Un triptyque implacable : infrastructures vieillissantes, sous-investissement chronique, et déconnexion entre politique tarifaire et réalité économique.

L’essentiel du réseau de distribution date de plus de 30 ans. Ces équipements, conçus pour une population bien inférieure à celle d’aujourd’hui, n’ont pas suivi l’évolution urbaine, encore moins la pression démographique. Ils fonctionnent en deçà de leur capacité, avec des pertes colossales et une inefficacité alarmante.

À cette obsolescence s’ajoute un manque de vision stratégique sur plusieurs décennies. Nombre de projets hydrauliques identifiés au début des années 2000 sont restés à l’état d’étude. Leurs coûts, entre-temps, se sont envolés multipliés par dix, parfois cinquante, sous l’effet de l’inflation, du renchérissement des matériaux et des fluctuations du marché international.

Sur le terrain, les conséquences sont visibles : des cours d’eau qui s’assèchent, une prolifération incontrôlée de forages, des nappes phréatiques surexploitées et des déséquilibres écologiques de plus en plus marqués.

Mais un sursaut semble émerger

Le Président de la République a pris conscience de l’enjeu stratégique que représente l’eau. Un programme d’investissement estimé à plus de 548 millions de dollars est en préparation, visant à refonder les bases du service public de l’eau, avec une ambition claire : rétablir le droit à l’eau potable pour tous.

Pourtant, la réussite de ce chantier passe par un changement de paradigme. Il faut rompre avec les logiques classiques d’EPC+F, souvent lentes et budgétivores, pour privilégier des contrats en BOT (Build-Operate-Transfer). Ce modèle, qui responsabilise le secteur privé tout en sécurisant l’État, pourrait représenter une voie durable pour revitaliser un secteur sous-financé et peu attractif depuis trop longtemps.

Le ministre en charge du secteur l’a bien compris pour l’avoir rencontré en janvier 2025. Il veut aller vite avec une méthode plus chirurgicale en procédant a la réalisation des infrastructure par les privées. Le problème c’est le tarif, un arrêté conjoint du réajustement tarifaire de l’eau en attente de validation pourrait débloquer plusieurs situation.

Il le résume par une formule qui traduit à la fois une vérité économique et une volonté politique : « L’eau doit payer l’eau ». Autrement dit, sans réajustement tarifaire raisonnable et sans modèle économique soutenable, le service public de l’eau ne pourra survivre, encore moins s’étendre.

Cela implique également un dialogue franc avec les populations, qui doivent comprendre que l’eau gratuite est un mythe insoutenable dans un contexte où les coûts de production explosent. Cela n’exclut pas les mécanismes de compensation sociale ou les subventions ciblées mais exige de poser enfin un cadre réaliste, équitable et durable.

Enfin, cette refondation du secteur hydraulique ne peut faire l’impasse sur l’environnement. La protection des bassins versants, la lutte contre la déforestation, la régulation des forages, la restauration des zones humides : autant d’actions qui doivent être pensées comme une priorité stratégique. L’eau n’est pas qu’un flux économique, c’est un équilibre écologique.

La Guinée est en chantier, certes. Mais le temps presse.

Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement un meilleur service public, c’est la stabilité sociale, la santé publique, et à terme, la souveraineté hydrique d’un pays qui n’a pas le droit de manquer d’eau.

François Lucas, Spécialiste Eau potable sauvons notre planète. 🌍

Lire l'article en entier