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Je l’ai connu à Kankan lorsqu’il était commandant de la garnison militaire.
Un confrère Français venu nous donner un coup de main au sein de mon ONG avait été retenu au camp par un petit groupe de soldats pour avoir pris des photos de ma Secrétaire avec sa famille qu’il était allé déposer au camp où elle résidait.
Un officier qui passait par là a demandé à l’étranger où il résidait. Ce dernier lui ayant répondu qu’il était chez moi, il a décidé de vérifier cette information. Il s’est donc présenté chez moi pour cette confirmation que j’ai tout de suite donnée. Il me suggéra que pour lever toute équivoque de me rendre au camp avec lui pour qu’il fasse un compte rendu au Colonel pour ne pas qu’on dise que qu’il a été corrompu pour libérer le monsieur.
Au camp, le colonel nous a reçus immédiatement. Après avoir écouté la narration de son subordonné il m’a dit : « Docteur je ne vous ai jamais rencontré bien que j’en avais l’intention , merci pour tout ce que votre ONG rend comme service aux femmes de Kankan . En ce qui concerne votre hôte, je présente toutes mes excuses à vous et à votre étranger pour le comportement de ce petit groupe de soldats. Vous pouvez rentrer chez vous, je vous assure que cela ne va plus se reproduire. Entendre de tels propos sous un régime militaire d’un si haut gradé m’a laissé pantois.
Quelques mois après j’ai reçu en urgence une adolescente dans ma clinique pour une complication d’avortement que j’ai opérée.
Les parents faute de moyens pour payer les frais de son traitement se sont ligués pour porter plainte contre l’auteur de cet Avortement. Ils m’ont confié qu’il s’agissait d’un militaire connu pour avoir créé des complications chez plusieurs filles mais que personne n’osait attaquer .
J’ai demandé aux parents d’attendre que j’ai une fois rencontré le colonel du camp et que ce dernier soit en mesure de les aider dans leur détresse et mettre fin à de telles pratiques dans le camp.
Lorsque je suis arrivé au camp, il m’a aimablement accueilli. En lui racontant l’objet de ma visite il n’en revenait pas. Il m’a remercié de prévenir des ennuis pour lui car selon ses propos une plainte contre un militaire pour de tels agissements serait très mal vue par la population.
Il m’a promis une réaction rapide.
Le lendemain matin, il était à mon bureau avec tout son état-major et le soldat fautif qui n’était qu’un simple garçon de salle à l’infirmerie du camp. J’ai convoqué la famille à laquelle furent présentées les excuses. Tous les frais furent pris en charge le fauteur banni et envoyé dans un endroit où il ne pouvait plus nuire.
Ces deux événements ont créé entre le Général et moi une longue amitié qui a continué jusqu’à la fin de ses jours
À Kankan, il passait me voir dès qu’il en avait l’opportunité. On parlait des affaires courantes. Homme intègre et humble on s’entraîdait pour des petites difficultés qu’on avait pour nos petits chantiers. C’est à dire que lui malgré son rang il avait les mêmes problèmes que moi. J’ai vite compris qu’il n’utilisait pas le pouvoir de son grade à des fins personnelles .
À chaque événement important lié à la sécurité de la ville, je lui passais un coup de téléphone pour m’enquérir de la situation.
Ce fut le cas pendant l’état d’urgence décrété suite aux grèves des syndicats sous le règne du Général CONTÉ. Je lui avais demandé de tout faire pour ne pas qu’il y ait de morts à Kankan au moment où les balles crépitaient de partout. Ma femme française engoissée était dans tous ses états. Il m’a rassuré et est même allé plus loin en disant que si jamais cela arrivait, le jour viendra ou les fautifs seront poursuivis par le Tribunal.
J’étais à Paris lorsque les événements liés à la fin du Général CONTÉ ont éclaté à Conakry. Je l’ai appelé pour avoir de ses nouvelles, il m’a répondu qu’il était sain et sauf. Il m’a dit qu’un groupe s’est rebellé pour prendre le pouvoir après la mort de Général. Pour sa part, il m’a dit qu’il était pour le respect de la constitution et qu’il avait réuni son état major à l’occasion pour leur faire part de son avis. De laisser le président de l’assemblée assumer l’intérim jusqu’aux élections. Qu’il tenait à cette attitude pour d’une part son honneur de soldat et d’autre part pour la quiétude et la paix sociale, la fidélité et le respect du défunt président qui n’était pas encore enterré. Il a terminé en me disant que c’est Dieu qui donne le pouvoir que si il le voulait ce serait du temps où le président était malade.
Malheureusement pour lui les choses ont tourné autrement. Il a été enfin de compte arrêté.
Je l’ai rencontré après sa libération il m’a dit : « Docteur, Dieu est grand; je ne regrette rien je n’ai souffert que de deux choses : le fait de m’avoir incarcéré avec mon fils et de m’avoir traité de revendeur de drogues.»
Je lui ai répondu que grâce à sa loyauté et sa générosité, il est encore en vie. Le nombre de personnes qui survivent après avoir traversé de telles épreuves se compte sur les doigts de la main.
Il m’appelait pour me féliciter à chaque fois qu’il me voyait à la télévision.
La dernière fois que moi je l’ai appelé, il était au village et comme d’habitude c’était à l’occasion d’un événement, les coups de feu à la prison de Coronthie. Il m’a dit que ce sont des prisonniers qui se sont échappés.
Que l’âme de ce grand homme repose en paix.
Mandiouf Mauro Sidibé