« Fleur arrachée » : le cri littéraire de Yomba Vecolté contre les violences faites aux filles

il y a 10 heures 30
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Dans Fleur arrachée, roman court mais bouleversant paru en 2025, l’écrivaine Yomba Vecolté Tolno aborde de front les violences faites aux jeunes filles : viol, mariage forcé, silence social, résignation familiale. En s’inspirant des réalités vécues dans les zones rurales, l’autrice fait de sa plume une arme de dénonciation et d’éveil des consciences face à ces fléaux subies par les jeunes filles dans le silence. À travers le destin tragique de l’héroïne Hawa, l’artiviste guinéenne livre un récit poignant, emprunt de témoignages, de révoltes, de plaidoyers, née d’une enfance observatrice et d’un besoin vital de dire l’indicible.

Un roman né d’une révolte intérieure

L’écrivaine Yomba, n’a pas attendu l’âge adulte pour sentir le besoin de dénoncer les injustices. Enfant déjà, elle observait en silence les réalités douloureuses qui frappaient les filles autour d’elle, sans avoir les mots ou le droit de les exprimer. «Je voyais des choses se passer, mais je n’avais pas le droit de le dire. Parce que dans certaines communautés, un enfant n’a pas toujours le droit de dire ce qu’il voit. J’ai donc grandi avec cette révolte », confie-t-elle.

Ce sentiment d’injustice, a longtemps habitée Yomba Vecolté, jusqu’au jour où elle a décidé de lever le voile et élever la voix. « Fleur arrachée » est ainsi née d’une longue maturation, nourrie par des observations réelles, des blessures profondes, et l’envie de défendre les sans voix. Cette colère l’amène à écrire cet ouvrage de résistance, né dans l’ombre et mûri au fil des injustices.

Hawa, une victime brisée par un système patriarcal implacable

Au cœur du roman Fleur arrachée, l’héroïne Hawa incarne la douleur des jeunes filles sacrifiées sur l’autel des apparences sociales. Sauvagement violée par Keba, un homme de son propre village, elle subit ensuite l’inimaginable : être contrainte d’épouser son agresseur. Avec une force brutale lit-on dans les pages 11 et 12 du roman, Keba traîna Hawa à l’écart, loin des regards indiscrets ; elle qui se débattait désespérément, mais ses efforts étaient vains.

« Sa peur se transformait en panique, son esprit incapable de comprendre pleinement ce qui se passait. Keba la jeta violemment au sol, ses yeux brillants d’une lueur prédatrice. La terre rugueuse écorcha ses bras et ses jambes alors qu’elle tombait, la douleur physique se mêlant à la terreur qui la paralysait. Keba, sans un mot, se jeta sur elle. Il arracha ses vêtements avec une brutalité qui laissa Hawa sans voix, chaque geste accentuant sa vulnérabilité et son impuissance. Ses cris étouffés par la main de Keba ne trouvaient aucun écho. perdus dans l’immensité silencieuse du fleuve. La douleur fut instantanée et atroce. Hawa sentit son corps se déchirer. chaque mouvement de Keba infligeant une souffrance inimaginable », a écrit l’autrice.

Cependant, la blessure de la jeune fille selon Yomba Vecolté, ne s’arrête pas au corps : elle s’étend à la famille, à la communauté, au tissu social. Hawa dit-elle, est abandonnée par les siens, comme si sa douleur devenait une gêne. Pour sauver l’honneur, sa famille la livre à son bourreau. Le crime devient contrat et la victime coupable.

Le poids meurtrier des traditions

Dans ce roman, l’autrice dénonce avec force un système de pensée où la honte familiale prime sur la justice individuelle. Dans de nombreuses communautés rurales et même de nos jours , il suffit qu’une fille soit enceinte pour qu’elle soit immédiatement renvoyée chez l’homme supposé responsable, sans jamais chercher à connaître les circonstances.

« Les parents ne demandent pas si c’était par amour, par viol ou par contrainte », regrette Tolno, poursuivant que cette logique étouffe les vérités, protège les coupables et enfonce les victimes dans une double peine. Fleur arrachée ne se contente pas de raconter une histoire tragique. Il documente un phénomène social, encore tabou, et pousse à la réflexion sur les responsabilités collectives.

Hawa, une figure de résilience

Loin de se limiter à une trajectoire de victime, Hawa devient, au fil du récit, une héroïne de l’endurance et du refus de la déshumanisation. Brisée, humiliée, elle trouve pourtant la force de survivre, de rêver, de se relever. Dans l’ouvrage, l’autrice a insisté sur ce point : « J’ai aussi voulu montrer la force de cette fille. Elle est abîmée, mais elle existe. Elle a une voix, parce qu’elle incarne toutes celles que le monde ignore, mais qui continuent de se battre, dans l’ombre, pour leur dignité, malgré les difficultés qu’elle a rencontré ».

En seulement 59 pages, ce roman suscite des réactions fortes. Certains lecteurs s’identifient, et d’autres interpellent l’autrice : « Est-ce que c’est ta fleur qu’on a arrachée ? » En retour, Yomba Tolno assume ce rôle : « Certains m’appellent Fleur arrachée aujourd’hui. Mais cette fleur, c’est toutes celles qu’on n’a pas su protéger. C’est pourquoi je lance un appel à l’endroit de nos jeunes dans les communautés, qui doivent être des protecteurs des jeunes filles, en lieu et place d’être leurs agresseurs. C’est également un message à tout le monde, car nous voulons vraiment la protection des couches féminines dans nos communautés », a-t-elle confié, espérant que désormais, aucune autre fleur ne soit arrachée sans que le monde ne réagisse.

Sâa Robert Koundouno

 

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